Les vacances : "on arrive quand ?"

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Chers paroissiens, chers auditeurs/lecteurs,

En route avec Balaam !

Les bagages sont faits, le voyage peut commencer. Ensemble, partons ! Prenons des vacances, faisons le vide !

Prenons du recul, de la distance de nos préoccupations et nos soucis quotidiens, non pas pour les oublier, mais pour les voir autrement, de plus loin, d'une manière nouvelle peut-être.

En route avec Balaam !

Balaam est un personnage ambigu, étrange, différent de tous les autres personnages bibliques que nous connaissons peut-être. Balaam si je puis dire, est un "païen croyant", un homme de Dieu malgré lui. Balaam est un devin; un magicien, prêtre-voyant, prophète, mésopotamien ou arabe, favorable ou opposé à Israël, on ne le sait pas trop bien. Mais une chose est sûre: il possède des dons spirituels considérables, un grand charisme.

Balaam ressemble un peu à l'homme moderne, à tous ceux de nous qui naviguent, louvoient, entre les sciences et les religions, entre les opinions, croyances, idéologies, spiritualités et convictions les plus diverses, sans savoir se situer clairement.

"Balaam n'est ni pour... ni contre", ni pour l'un, ni pour l'autre, ni pour Moab, ni pour Israël, ni contre l'un, ni contre l'autre, non plus.

Alors, se passe ce qui se passe facilement en telle situation, quand quelqu'un n'est pas assez déterminé et clairvoyant : l'économique, les intérêts financiers, l'emporte. Balaam se fait acheter. En tant que devin, il est chargé par le roi de Moab, Balaq, de maudire Israël. C'est là, pour lui, la raison principale de son voyage, un voyage professionnel, dirions-nous aujourd'hui.

Alors, nous voilà en route avec Balaam... Tout a été bien préparé, on est bien parti. Mais arrive ce qui nous arrive souvent en voyage. Il y a des surprises, les choses ne vont pas toutes comme prévu: le véhicule fait défaillance, l'ânesse s'obstine,

"quitte le chemin"
"passe par les champs"
"serre Balaam contre un mur" et, enfin,
"s'affaisse sous lui".

On est bien parti et puis... un bouchon sur la route, une panne d'essence, un pneu qui crève, les enfants qui "bringuent" :"On arrive quand ?" Une grève des cheminots, l'oubli d'un passeport, ou des choses plus graves, une maladie, une catastrophe, une guerre... des détours, des déviations, du retard... Des obstacles mineurs, des obstacles majeurs !

La route est barrée, les coéquipiers traînent, et on ne comprend pas pourquoi, on n'y voit pas de raison.

Et s'il y avait une signification cachée, plus profonde, quelque chose derrière ce qui est apparent ?

Le trajet de la vie n'est jamais tout droit. Mes projets ne passent pas toujours. Il y a des obstacles, il y a de l'opposition, il y en a qui n'avancent pas comme moi, qui freinent ou qui voudraient accélérer ou qui proposent un autre chemin.

On piétine, on se dispute, on se bat, le voyage est en péril. Et comme Balaam, je suis tenté de faire ce que je ne devrais pas faire : je me cherche un coupable. Au lieu de me remettre moi-même et mes projets en question, au lieu de vérifier si ceux-ci concordent avec un projet plus vaste, avec ce que j'appelle le projet de Dieu, je veux m'imposer, faire passer mes idées.

Je frappe, quand autrui s'oppose à ma volonté, je frappe celui dont je dépends et qui me sert. Je le bats, surtout s'il est plus faible que moi. Et je trouve toujours l'âne que je peux frapper, il y a toujours de plus faibles que moi : l'animal, l'enfant, la femme, le jeune, le vieux, l'étranger, le Juif... L'âne, l'humble, l'humilié, la figure du Christ....

Et ce qui est vrai pour moi individuellement, je le vis aussi dans la collectivité : les uns accusent les autres quand on n'avance plus ! Notre pays, par exemple, la Suisse, est un pays béni et privilégié ! Des richesses énormes, culturelles, économiques et sociales. Une histoire pleine de promesses : la liberté de foi, la liberté d'expression, une démocratie vivante, un passé humanitaire. Tout est donné pour être ensemble, face à l'extérieur, bénédiction des nations.

Mais "païens croyants" ou "croyants païens" que nous sommes, comme Balaam, un peu désorientés, désunis ou indifférents, "ni pour ni contre", nous ne mettons pas assez en valeur, le charisme qui est le nôtre, les dons que nous avons reçus, ce qui fait, à mon avis, notre spécificité et notre richesse propre : le respect d'autrui, surtout des minorités, et le sens de la solidarité.

Alors, ce qui nous a fait avancer, le véhicule, les autres dans leur diversité, les minorités, l'âne si j'ose dire, à juste titre, commence à s'obstiner.

Et le voyage se fait plus difficile... ce que, actuellement, nous vivons dans notre pays. La route risque d'être barrée, parce que notre projet risque de ne plus être projet de bénédiction pour tous. Sans trop de scrupules, le plus fort s'impose au plus faible, la majorité aux minorités. Et l'économique l'emporte sur le social et le moral. Nous frappons l'âne...

Et sournoisement s'installent division, marginalisation et exclusion. En sont responsables toujours les autres ! Rarement, nous nous demandons si ce que nous disons et ce que nous faisons, ou, au contraire, ce que nous ne disons ou ne faisons pas, s'inscrit dans un projet plus vaste qui est bénéfique à tous, aussi à celui et celle qui n'a pas la même origine, qui croit autre chose, qui est plus riche, plus pauvre, plus jeune ou plus vieux que moi.

"Et l'ange du Seigneur est posté sur notre chemin, l'épée nue à la main !"

Balaam a dû l'apprendre, de la bouche de celui ou celle qu'il a frappé, de la bouche de celui ou celle qui, muet normalement, soudain parle, par miracle, et le renvoie à la Parole de Dieu. "Ne suis-je pas celle qui te sert depuis toujours ?" demande l'ânesse. Devant Dieu, Balaam a dû admettre sa faute : "j'ai péché, dit-il, car je n'ai pas reconnu que c'était toi qui étais posté là, devant moi, sur le chemin".

Balaam reconnaît la présence de Dieu sur sa route et peut ainsi poursuivre son voyage. Il deviendra par la suite bénédiction pour Israël, ce peuple qui, en Jésus-Christ, est devenu notre bénédiction. "Va, continue ton voyage" dit le Seigneur à Balaam, "mais tu diras seulement la parole que je te dirai".

Cette parole est parole de bénédiction par excellence, parole qui se fie et remet aussi l'autre aux forces bénéfiques et salutaires, parole qui veut le bien pour tous et qui croit et qui sait que ce bien, par la foi, se réalise aussi.

C'est vrai : par la foi, la bénédiction devient en effet efficace, événement et réalité pour nous et pour autrui. C'est cela le projet le plus vaste, le plus ambitieux, le projet de Dieu : la bénédiction du peuple tout entier, la bénédiction de toutes les nations, qui n'a pas part à cette bénédiction, la promesse pour l'ensemble, ne se remplira pas, et les minorités "feront toujours obstacle" jusqu'à ce qu'elles soient aussi au bénéfice de la bénédiction dont profitent déjà les privilégiés.

Ainsi, chers paroissiens, chers auditeurs / lecteurs, avec Balaam, ce païen croyant en qui je me reconnais, nous arrivons à la destination de notre voyage : le bien-être, la bénédiction pour tous. C'est ce que je vous souhaite pour vos voyages, vos déplacements, vos vacances et votre vie : allez, soyez bénis, reprenez votre route, vos projets, dites et faites la parole que Dieu vous dira, et devenez ainsi bénédiction pour votre entourage !

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Suzanne Gentizon
Musique
Nicole Kauert, flûte