Ses bien-aimés

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C'est pour tout de suite!
24 décembre : c'est presque Noël, mais pas encore tout à fait. Tout respire déjà Noël. Et pourtant, la fête, ce sera seulement pour cette nuit. Désolé, il faudra encore patienter quelques heures.

Attendre, toujours attendre. Voilà bien un réflexe d'adulte. Vous savez, c'est comme quand les enfants veulent allumer le sapin, ouvrir les cadeaux, les grands disent toujours plus tard. Plus tard, plus tard, plus tard. Quelle peine on peut avoir à se mettre en fête! C'est frustrant, et pas seulement pour les enfants.

Et bien ce matin, les impatients ont trouvé une alliée. Marie, elle aussi, ne veut plus attendre. Elle aussi est impatiente. Est-ce que c'est à cause de son jeune âge ? Elle n'a que 13 ou 14 ans. Toujours est-il qu'à peine tombée enceinte Marie jubile déjà. En visite chez Elisabeth, au tout premier mois de la grossesse, elle nous fait un tout grand trip de bonheur alors qu'il faut bien admettre que la chose est à peine amorcée. Comme les enfants, Marie brûle les étapes.

Est-ce que j'oserai le dire ? Allez j'ose! Marie, en voilà une qui a décroché le gros lot. Marie, la toute jeune fille de Nazareth qui tombe enceinte parce que le St-Esprit l'a recouverte de son ombre...

Alors, là, ne me demandez pas comment cela s'est fait. Je n'en sais rien. A chacun ses compétences et je ne suis pas un historien de la gynécologie. L'Evangile d'ailleurs ne s'embarrasse pas tant: rien n'est impossible à Dieu, dit l'ange. Voilà qui simplifie tout de même agréablement le problème. Mais quel événement pour une si jeune fille!

Voilà donc notre Marie au comble du bonheur. Marie qui chante magnifiquement la grandeur de Dieu et sa générosité. Marie qui jubile parce que pour elle, le plus important s'est déjà accompli.

Ici, mes amis, je dois vous faire une révélation qui va probablement tous vous décevoir. Car si Marie jubile tant, c'est parce qu'elle sait déjà que Noël sera une fête essentiellement commerciale. Et elle s'en réjouit. Marie est bienheureuse parce qu'en fait, elle a vécu la plus grande libéralisation commerciale de l'histoire humaine.

Avouez que c'est d'actualité! Parce qu'aujourd'hui tout le monde veut libéraliser. Et si certains essaient de le faire par le livre, Marie, elle, l'a vécu dans sa propre chair. Et là, c'est tout autre chose.

Je vous donne peut-être une petite explication. Voilà des siècles que Dieu entretenait des relations d'échange avec les hommes. Des relations qui avaient des règles, des principes, des exigences. Et voilà que dans cet embryon que Marie porte en elle, nous assistons à la libéralisation absolue des relations que Dieu entretient avec les hommes.

Désormais, entre Dieu et les hommes, plus besoin de douanes avec contrôle d'identité. Plus besoin de visa. Plus besoin de payer des taxes. Entre Dieu et les hommes, l'accès est direct, libre de tout intermédiaire. Désormais les relations avec Dieu sont simples comme le Père parle à son fils, comme l'ami parle à l'ami.

Voilà pourquoi Marie jubile déjà. En elle, Dieu a fait sauter les règles de son commerce avec les hommes. C'est lui qui a abaissé son regard. Et dire qu'on croyait qu'il nous fallait monter à lui! Tout faux : c'est lui qui vient à nous. C'est lui qui vient chez nous. C'est lui qui vient en nous, comme il est venu dans le ventre de Marie.

Noël, c'est la fête du commerce libre et direct avec Dieu. Dans le ventre de Marie, la barrière infranchissable avec Dieu est abattue. Entre Dieu et l'être humain, il n'y a plus qu'un joyeux échange, une vraie relation de confiance et de solidarité.

Voilà pourquoi Marie jubile déjà, bien avant la naissance de l'enfant. Marie est bienheureuse et nous pouvons l'être aussi. En elle, Dieu a totalement libéralisé ses relations avec nous.

RENVERSANT !

Libéralisation : le projet n'est pas sans risque. Quand on libéralise, cela peut aller très loin. Mais quand Dieu libéralise, alors là, bonjour le renversement !

C'est connu: le commerce humain cherche le profit. Il faut gagner, un point c'est tout. La règle est simple, rentabilité et croissance. Mais avec le joyeux échange de Dieu avec les hommes, voilà une nouveauté qui a de quoi donner les pires maux d'estomac à n'importe quel économiste qui se respecte.

Parce que dans le joyeux échange instauré depuis l'affaire de Marie, comble de l'horreur pour l'économiste, tout va devenir gratuit. Absolument tout. Il n'y a plus à payer ses dettes. Il n'y a plus à réussir à tout prix. Il n'est même plus nécessaire de gagner sa vie. Tout est gratis pro Deo.

La gratuité, la bête noire des gens de commerce. Si tout est gratuit, c'est la gabegie. Si tout est gratuit, tout est hors de prix. Alors l'argent perd son pouvoir. Et sans argent, le système s'effondre. C'est évident. Il n'y aura plus de bon ordre, plus de riches, plus de pauvres. Tout se renverse. C'est comme si pour Noël, tout était gratuit dans les magasins: entrez, servez-vous! Imaginez la gabegie! Oui, quand Dieu joue au champion de la gabegie tout se renverse.

Et dire qu'on a toujours cru que la libéralisation du commerce devait favoriser les puissants et les riches. Voilà que quand Dieu s'en mêle, elle fait jubiler les pauvres et les affamés.

Et Marie jubile. A bas les prétentieux! A bas les oppresseurs! A bas les riches! Vive les petites gens! Vive les affamés! Vive le peuple, car Dieu a renversé la vapeur: pour eux, la libéralisation devient libération.

Mes amis, j'écoute le chant de Marie qui rabaisse ainsi le caquet des puissants et des riches. Et voilà que la joie tourne soudain à l'aigre-doux. Il ne faut pas charrier: dans notre pays, nous sommes nombreux à nous sentir concernés quand on parle de nantis. Et si Dieu descend de sa puissance, si Dieu descend de ses privilèges, la menace est réelle: il risque de nous entraîner tous dans sa chute. A quoi ressemble notre pouvoir de nantis quand Dieu va prendre la faiblesse de l'enfant ? A quoi servent nos richesses quand Dieu va se faire vulnérable comme le condamné à mort ? Oui, pour les privilégiés, la joie de Marie vire à l'aigre-doux.

Oh, je le sais bien: faut pas rêver. Nous sommes loin de ce renversement. Les nantis peuvent dormir tranquilles. Le monde actuel est loin de connaître le joyeux échange qui met le coeur de Marie en si grande joie. Pourtant, elle chante quand même. C'est peut-être parce qu'elle a gardé son coeur d'enfant!

Marie chante parce qu'elle y croit. Elle y croit comme une jeune femme enceinte peut y croire, parce qu'une femme enceinte peut tout espérer. Le fils d'Elisabeth s'appellera Jean. Celui de Marie, Jésus. Et à eux deux, ils vont changer la face de la terre. Car les enfants peuvent changer la face du monde, surtout lorsqu'ils sont enfants de Dieu. Et aujourd'hui en Christ, nous le sommes tous devenus.

Dans le ventre de Marie, Dieu a lâché une petite bombe pour notre ciel commercial. Quand Dieu s'abaisse jusque dans le ventre de Marie, tout devient gratuit comme un geste d'amour.

Le geste d'amour de Dieu renverse tout. Marie a cru ce qui lui était annoncé et cela s'est accompli. Alors aujourd'hui, tout peut aussi se renverser pour nous. Et si nous qui sommes puissants, nous devenions humbles. Et si nous qui sommes riches, nous devenions pauvres. Et si nous qui sommes repus, nous retrouvions le pincement de la faim. Voilà qui serait renversant: comme Dieu qui naît dans une crèche.

J'en suis sûr, c'est possible parce que rien n'est impossible à Dieu. L'ange l'a dit. Alors, chantons comme Marie, jubilons avec elle, car la libéralisation peut vraiment devenir libération. Il suffit de croire ce qui est annoncé.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
François Golay
Musique
Musiciens/chorale ?