Écouter le culte :
Nous lisons dans la traduction d’André Chouraqui, dans le livre de la Genèse, appelé en hébreu « Bereshit », qui signifie au commencement. Au premier chapitre, les versets 1-2, 11-12, 29-31.
En tête Élohim créait les ciels et la terre, la terre était tohu-et-bohu, une ténèbre sur les faces de l'abîme, mais le souffle d'Élohim planait sur les faces des eaux.
Élohim dit : « La terre gazonnera du gazon, herbe semant semence, arbre-fruit faisant fruit pour son espèce, dont la semence est en lui sur la terre ». Et c'est ainsi.
La terre fait sortir le gazon, herbe semant semence, pour son espèce et arbre faisant fruit, dont la semence est en lui, pour son espèce.
Élohim voit : quel bien !
Élohim dit : « Voici, je vous ai donné toute l'herbe semant semence, sur les faces de toute la terre, et tout l'arbre avec en lui fruit d'arbre, semant semence : pour vous il sera à manger.
Pour tout vivant de la terre, pour tout volatile des ciels, pour tout reptile sur la terre, avec en lui être vivant, toute verdure d'herbe sera à manger ». Et c'est ainsi.
Élohim voit tout ce qu'il avait fait, et voici : un bien intense.
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Fonte du glacier en Antarctique, l’Amazonie se transformant en savane, pénurie d’eau dû au dessèchement, élévation rapide du niveau des mers, disparition de nombreuses espèces animales, agriculture menacée par le réchauffement climatique, des déchets à n’en plus finir sur la terre, dans les mers et même dans l’espace, appauvrissement, soulèvements, émeutes, crises alimentaires, financières etc…
Alors, on y voit rouge et pas seulement bleu, ce bleu pourtant si beau de notre planète bleue.
Et puis on voit noir, très noir.
Et finalement on ne voit plus rien, ou pire encore, on ne veut plus voir, on se voile la face, on continue jusqu’à la dernière minute à vivre comme si de rien n’était, comme si tout était normal : puisque la terre tourne toujours, puisque la terre est ronde…
Il nous est difficile, quasi impossible, de s’imaginer la mort, encore moins notre propre mort, alors comment envisager la fin de toute vie sur notre planète, la fin de tout ?
Parfois dans la confusion d’une histoire qui se termine, il peut être judicieux de revenir aux origines, au début de l’histoire. Je vous propose de revenir à un début célèbre, celui de la Genèse, qui comme son nom l’indique, est le premier livre de la Bible. En grec, son nom signifie « origine, naissance », alors que le titre hébreu « Bereshit » reprend le premier mot du livre : littéralement, « dans un commencement, en tête de ».
Ce livre raconte donc les origines du monde, de l’humanité, du peuple d’Israël et des peuples environnants. Dans ses premiers chapitres, la Genèse s’interroge sur les origines universelles et sur la condition humaine. La création du monde y est décrite comme une œuvre de Dieu. Ce Dieu créateur y est nommé à maintes reprises Élohim et non pas Yahwe (Seigneur), qui se référerait au Dieu d’Israël, mais simplement Élohim: Dieu, être divin.
Voici déjà une sorte de première surprise et l’on peut en déduire que les rédacteurs de ce récit voulaient, en utilisant le mot Élohim, exprimer une volonté de rendre plus neutre et plus accessible leur message d’un Dieu unique et universel ; autant pour juifs exilés à Babylone que pour le milieu environnant, culturellement et politiquement diversifié du 6e siècle avant notre ère. D’ailleurs, cet usage est comparable à celui pratiqué dans le dialogue interreligieux de notre temps : le terme Dieu reste un terme généralement accepté pour désigner le Dieu créateur, sans allégeance spécifique au judaïsme, au christianisme ou à l’islam.
En fait, tout ce bereshit, le commencement, respire de l’émerveillement face à un Élohim actif, qui fait, qui crée ! Évidemment, le récit de la création n’est pas un rapport scientifique factuel. C’est un texte hautement symbolique. Ceux qui l’ont écrit regardent tout le cosmos : le ciel, la terre, l’air et la mer. Et ils ne peuvent s’empêcher d’être émerveillés, d’y reconnaître le sacré.
Même si aujourd’hui l’état des connaissances sur l’origine de la vie et le développement des espèces est évidemment bien différent, ce récit écrit dans un langage archaïque et répétitif a gardé toute sa fascination et sa beauté. Et puis, son contenu ne cesse de nous inspirer et surtout de nous interroger sur nous-mêmes.
« Voici, je vous ai donné toutes les plantes qui apportent des semences, sur toute la terre, et tous les arbres avec des fruits qui apportent des semences, pour votre nourriture. Mais à tous les animaux de la terre et à tous les oiseaux sous le ciel et à tous les vers qui vivent sur terre, j’ai donné toute l’herbe verte pour la nourriture. »
Lorsque Dieu dit cela, résonne l’importance de chaque élément du cycle de la vie, du plus petit au plus grand, tout le mécanisme complexe et entrelacé d’un microcosme créant constamment la vie. On y reconnaît une intelligence, un soin originaire minutieux, qui vise continuellement un devenir et donc un avenir.
Car il y a en effet de quoi être émerveillé, encore aujourd’hui 2500 ans après : au milieu d’un univers froid de moins 270 degrés, il y a une petite planète bleue sur laquelle la vie est possible. Au milieu du vide infini de l’espace, il y a un soleil exactement à la bonne distance, qui donne lumière et vie. Treize milliards d’années d’histoire sur cette petite planète bleue, et nous sommes toujours là !
Ce récit tout entier, que je vous invite à relire tranquillement (car nous n’avons lu que les premières lignes), s’incline avec une profonde admiration devant un panorama grandiose. Le possible d’un chaos s’est effacé devant une structure offrant un cadre viable, le danger d’un néant a fait place à l’existence permanente, les ténèbres définitives ont donné raison à l’alternance de la lumière et de l’obscurité. Oui, la puissance de la vie a formé une force structurante qui ne peut que réveiller en celui ou celle qui l’observe de l’enchantement et du respect.
Et puis, il faut comprendre ce que cela signifie de définir à l’époque l’homme comme étant à l’image de Dieu. Dans la culture ambiante, seuls le pharaon ou un roi puissant étaient à l’image de Dieu. En revanche, la Bible déclare : Chaque être humain est à l’image de Dieu. Chacune, chacun capable de connaître le monde, apte et muni-e du droit de le façonner.
Dès le début, la croyance biblique en la création exprime une tendance évidente vers la liberté et l’égalité. Femme ou homme, riche ou pauvre, puissant ou faible et indépendamment de son origine ou de sa couleur de peau : tous à l’image de Dieu, ayant reçu la même dignité, le même droit à la vie et au bonheur.
De là, le constat est clair, il nous a donné une terre qui est tel un jardin avec tout ce dont nous avons besoin pour vivre : des arbres, des fruits et de l’eau. Jusqu’à ce jour, tout ce que nous avons pour vivre est un don de cette puissance infinie que nous pouvons appeler Dieu.
Et la tâche qui nous a été donnée est très claire aussi : être ses ouvriers et ouvrières, coopérer, cultiver et préserver ce jardin en son nom et en tant qu’espace de vie pour tous, en particulier pour les générations suivantes. L’humanité ne peut pas vivre contre nature, elle doit trouver un moyen de fonctionner d’une manière compatible avec la création. Plus personne ne conteste cet objectif, les propositions sur la manière dont il pourrait être atteint sont cependant débattues en long et en large, pendant que les problèmes s’accumulent. L’exploitation des matières premières de notre planète a détruit ou pollué les forêts primaires et les rivières, les mers et les montagnes. Nos déchets nucléaires continueront de rayonner et de mettre des vies en danger pendant des millions d’années à venir.
Un dernier aspect de ce texte que j’aimerais effleurer concerne le statut des animaux. Dans le plan de création, seules les graines, les fruits et les herbes sont destinés à la nourriture des humains et des animaux. Nous savons qu’il n’y a probablement jamais eu un tel état végétarien dans le monde entier. Ce récit de la création formule donc clairement un état du monde considéré comme idéal, dans lequel il n’est pas prévu qu’un animal mange un autre. Le postulat d’une cohabitation pacifique entre les humains et les espèces animales nous révèle ici une vision, une utopie d’une actualité fabuleuse !
A l’heure actuelle, nous voyons clairement que la responsabilité humaine pour cette planète est fondamentalement liée à cette question : Pouvons-nous nous rallier à cette idée d’un monde créé non pas par hasard, mais par une volonté unique pour le bien de tous, qui nous engage à le reconnaître comme sacré et donc inviolable ? Ou sommes-nous gagnés par un fatalisme, par une résignation que le mal a pris le dessus, que notre planète bleue est perdue d’avance ?
Et si nous prenions de la hauteur au lieu de nous enfoncer toujours davantage dans un apitoiement, la solitude ou le fatalisme devant l’état du monde ? Parce que vu d’en haut, du point de vue de Dieu, le monde et la vie sont définitivement un atout, une bonne chose!
Relevons-nous de notre marasme et de notre culpabilité pour ressentir à travers tout ce qui nous est accordé la bonté divine, qui ne veut pas que la terre soit désolée et vide et que l’homme soit seul et résigné.
Pour nous rappeler : émerveillons-nous sincèrement devant ce monde, de la lumière du jour, de l’ordre des étoiles et de la diversité des êtres vivants ! Émerveillons-nous profondément de tous ses habitant-e-s ! Émerveillons-nous avec humilité devant un Dieu qui se permet le repos et le recul ! Et alors nous aurons de quoi prendre de nouveaux élans, sans peur mais avec inventivité, pour enfin changer de comportement et nous permettre la grâce d’un revirement in extremis !
Amen.