L'espérance ne trompe pas

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De quoi faut-il avoir peur ? Est-ce que, par exemple, si nos parents sont morts du cancer, on doit craindre de finir sa vie de cette manière ? Ou s'il y a eu des conflits familiaux importants, qui nous ont amenés à rompre tout contact, est-ce que de telles déchirures risquent de se reproduire avec nos enfants même si, pour l'instant, cela paraît inimaginable tellement ils nous sont attachés ? Ou si l'on a échoué dans un domaine régulièrement, qu'on a perdu son travail ou divorcé plusieurs fois, qu'on a eu de nombreuses disputes avec les autres, est-ce que cela se répétera ? Est-ce qu'il s'agit de comprendre, dans ces cas, qu'on a atteint des limites personnelles, qui tôt ou tard conditionneront notre avenir ? Disons-le carrément: est-ce qu'une sorte de fatalité repose sur nous ? Mais si cette fatalité négative existe, existe-t-il alors une fatalité positive ? C'est-à-dire que si on a réussi jusqu'à présent, on réussira encore, comme le laisse entendre le dicton : «Le succès appelle le succès» ?
A ces questions, et quelles que soient les expériences que nous avons faites, il faut répondre non. Non, la fatalité n'existe pas. Bien sûr, il y a parfois des probabilités plus grandes que certains événements se produisent. Bien sûr, dans certains cas, il s'agit de prendre des précautions sur le plan médical, social ou psychologique. Bien sûr, il y a des attitudes plus propices à la réussite que d'autres. Mais la fatalité n'existe pas. Ce n'est pas parce qu'on a eu des problèmes que ces problèmes se reproduiront à coup sûr et ce n'est pas parce qu'on a connu le succès que forcément cette réussite durera toujours. Notre histoire n'est pas programmée sur un logiciel. Et c'est sans doute la raison qui nous pousse à admirer ces gens qui, malgré plusieurs échecs, malgré des épreuves parfois indescriptibles, ont lutté, se sont accrochés et finalement ont obtenu ce qu'ils voulaient, montrant par là qu'ils refusaient que leur existence ne se transforme en destin.
Ne confondons pas fatalité et incertitude. Il est vrai que nous vivons un temps caractérisé par de multiples incertitudes et que nous craignons peut-être plus les difficultés qui pourraient arriver que celles qui se produisent réellement. Mais notre époque est une époque d'incertitudes.
Incertitudes professionnelles. Incertitudes dans le mariage. Incertitudes personnelles: Est-ce qu'on va guérir de cette maladie ? Est-ce qu'on réussira ses examens ? Que va-t-on devenir quand on sera plus âgé ?
Même la foi se vit sous le signe de l'incertitude. On croit en Dieu, mais on est troublé : on entend tellement d'opinions diverses : est-ce qu'on peut vraiment prétendre que le Christ est la seule vérité ? Ne faudrait-il pas relativiser les religions les unes par rapport aux autres ? Mais si l'on regarde les implications profondes de chacune d'elles, est-il vraiment raisonnable de les mettre toutes sui- le même plan ?
Incertitudes et questions dans tous les domaines. Ne nous sommes pas les premiers à vivre cela, d'ailleurs. Nous avons entendu, tout à l'heure, comment Jacob s'est trouvé totalement désemparé à un certain moment. Il n'arrivait plus à discerner des points de repère ni dans son passé ni dans l'avenir. Mais c'est justement, dans cette situation qu'il a fait un rêve.
Ce rêve, chers auditeurs, a percé le brouillard de son incertitude d'un rayon si lumineux qu'il nous éclaire encore aujourd'hui. Il lui a appris à devenir conséquent.

Etre conséquent, c'est se saisir de la foi qu'on a, même si elle est petite, et des convictions qui nous restent, même si elles sont fragiles, pour refléter la présence de Dieu dans ce monde. Etre conséquent, c'est avoir de sa vie un projet spirituel et malgré les obstacles, malgré les modes qui changent, malgré la tentation de la facilité, encore plus présente dans ce domaine que dans d'autres, tenir à ce projet. Etre conséquent, c'est utiliser ses dons et ses intérêts et la promesse divine qui repose sur nous aussi pour favoriser la percée de l'amour autour de nous.
J'aimerais illustrer ce thème par un exemple. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, lorsque les Allemands ont enfermé les Juifs polonais dans ce qu'on a appelé plus tard le ghetto de Varsovie, il y avait parmi eux un médecin, qui s'occupait d'orphelins depuis trente ans. Cet homme, le docteur Korczak, avait une telle renommée et des appuis si nombreux qu'il aurait pu facilement s'enfuir. Beaucoup de gens le lui conseillaient, du reste, en le rendant attentif qu'il risquait gros en restant dans le ghetto. Mais il a toujours refusé. Il savait pertinemment qu'il ne sauverait ni sa vie ni celle de ses orphelins. Mais il se disait que ceux-ci avaient déjà tout perdu : leurs familles, leurs maisons, leurs biens. Et il ne voulait pas que ces gosses se sentent encore abandonnés par la seule personne sur qui ils pouvaient s’appuyer. Il répondait donc simplement à ceux qui l'incitaient à partir : "On n'abandonne pas un enfant malade la nuit." Quelques mois plus tard, il a eu une dernière occasion de sauver sa vie. Quand les nazis ont embarqué les orphelins dans un train pour le camp de concentration de Treblinka, à la gare, un officier allemand a reconnu Korczak et lui a dit : «On n'embarque que les enfants, Docteur, si vous voulez, vous pouvez partir.» Mais il a refusé encore une fois. Il est monté dans le train et il est mort à Treblinka avec ses enfants. Jusqu'au bout, il a vécu en accord avec un principe auquel il croyait profondément et qui se résume par la question: que faut-il faire, quand tout le monde se comporte de façon inhumaine ? Réponse : Il faut se comporter de façon encore plus humaine.
Etre conséquent.
La seule manière de percer le brouillard de l'incertitude est d'avoir une vie conséquente, est d'avoir une foi conséquente. Trop souvent, l'égoïsme, la lâcheté ou l'inertie épaississent ce brouillard au lieu de le dissiper. Pour être conséquent, il faut vivre comme si notre vie est appelée à devenir une référence pour l'avenir, comme si elle doit inspirer les générations futures et les aider à lutter et à espérer. Nous ne sommes pas tous des Docteur Korczak, mais en étant conséquents avec ce que nous croyons, en gardant la flamme de notre foi allumée, nous apporterons toujours un peu de cette clarté dont le monde a besoin.
Une vie conséquente, c'est le contraire d'une vie automatique, qui se laisse simplement porter par les événements et qui change de priorités au gré des circonstances. Une vie conséquente veut réaliser l'impossible: que la promesse de Dieu devienne vraie pour nous aussi. Qu'est-ce que c'est que cette promesse ?
Ici il faut ouvrir une parenthèse et arrêter le baratin qu'on nous sert trop souvent dans nos Eglises, ces théories théologiques qui n'ont aucun rapport avec notre réalité. Si vous me permettez une anecdote amusante à ce sujet, il y avait quelques personnes dans une montgolfière, égarée dans le brouillard, qui ne savaient plus du tout où elles étaient et qui ont décidé de descendre le plus bas possible pour se renseigner. A 30 m du sol, elles aperçoivent quelqu'un et lui demandent: «Où sommes-nous» ? L'homme leur crie : «Vous êtes dans une montgolfière.» Immédiatement, les passagers du ballon déduisent que cet individu est un pasteur ! Savez-vous pourquoi ? Pour deux raisons : 1) L'homme dit la vérité, 2) Ce qu'il raconte est complètement inutile !

Arrivé au point le plus sensible de ma prédication, je ne voudrais pas sortir une théorie inutile. Qu'est-ce que c'est que la promesse de Dieu ? Cette promesse, c'est que le meilleur de notre vie se trouve toujours devant nous. Quels que soient notre âge, notre situation ou notre état de santé, le meilleur de notre vie se trouve non pas derrière, mais devant nous. On peut être malade, dans un home, regretter une jeunesse perdue, pleurer des proches qui ont disparu ou conserver la nostalgie d'enfants qui mettaient de la chaleur dans la maison : Dieu nous promet que le meilleur de la vie reste à venir. Celui qui croit en cette promesse et qui a une vie conséquente verra la présence de Dieu au sein de la maladie, des chemins nouveaux dans ses échecs, et même l'annonce d'une vie éternelle devant la mort.
Il n'y a que peu de lumières capables de nous éclairer dans ce monde, mais la promesse de Dieu en est une qui ne nous décevra pas. Et nous la garderons allumée en ayant une vie et une foi conséquentes.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Jeanne Martin
Musique
Choeur Chantevigne; violoniste : Julia Weissmann