Tu as besoin peut-être de celui que tu n'attendais pas !!

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Frères et soeurs,
En entendant cette parabole, avec qui vous êtes-vous identifiés? Nous pouvons nous identifier tout d'abord au blessé (et ce n'est pas drôle d'être blessé, quelle que soit par ailleurs la blessure). Nous pouvons aussi nous imaginer dans le rôle de celui qui soigne, qui aide (et ça, apparemment, c'est le beau rôle ! C'est gratifiant!.
Enfin, nous pouvons nous voir dans la peau des deux gaillards qui passent à côté du blessé sans s'arrêter. (Remarquez qu'on ne nous dit pas pourquoi ils ne s'arrêtent pas, mais ils ont sans doute de bonnes raisons).
Commençons par le blessé. Des gens, comme dit le texte, à demi morts, nous en rencontrons tous les jours. Dans notre boîte aux lettres. La Croix-Bleue, des gens blessés par l'alcool, ceux dont s'occupe l'Armée du Salut ou les Centres sociaux protestants, tous des blessés de la vie, la Croix-Rouge, des victimes de la guerre, Amnesty International, des personnes injustement en prison, l'ACAT l'association chrétienne pour l'abolition de la torture, l'EPER, Caritas, Helvetas et, vous le savez bien, je pourrais continuer longtemps. Par année, nous en recevons des centaines de ces bulletins verts ou roses qui font entendre dans nos ménages, les gémissements des victimes des brigands.
Est-ce que vous versez ? Utilisez-vous ces bulletins de versements ? Quand je posais cette question à mes catéchumènes, indépendamment du fait qu'ils n'avaient pas beaucoup d'argent de poche, souvent (heureusement, pas toujours !) et sans doute l'avaient-ils entendu chez leurs parents, ils me répondaient : "Non, je ne donne pas ou je ne donne plus, car on ne sait pas où va l'argent !"

Remarquez que c'est, peut-être, parfois, une bonne raison. Le problème, pour nous aujourd'hui, c'est qu'en réagissant ainsi, nous nous identifions au prêtre et au Lévite. Ils avaient sans doute, eux aussi, de bonnes raisons de passer outre. Par exemple, ils risquaient d'être tabassés et dévalisés à leur tour, comme cela arrive encore hélas aujourd'hui. Ou encore, à quoi bon prolonger la vie de quelqu'un qui n'en a plus pour longtemps? Ou encore que ces blessés se débrouillent tout seuls ! Il y a même parfois des raisons religieuses qu'on invoque: (par exemple celle-là), je ne vais pas me souiller avec du sang et de toute façon ils n'appartiennent pas à ma confession.
Bref, elles sont nombreuses, très nombreuses, les bonnes ou moins bonnes raisons qui nous retiennent, les uns et les autres, de venir en aide comme, trop souvent nous avons de bonnes rasions pour ne pas aider par bulletins verts ou roses interposés.
Et il est bien clair que je ne veux pas, moi non plus, par mes dons, engraisser des aigrefins, des profiteurs. Mais, et c'est la première question que nous pose cette parabole: si vous, si toi, si moi, nous n'aidons pas ceux qui sont sur place et qui agisse en notre nom, qui le fera ?

Nous sommes, en tous les cas, je suis heurté par l'attitude de prêtre ou du pasteur et du Lévite, mais combien de fois, moi-même, avec toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons, ai-je manqué d'humanité, manqué de cœur, manqué de générosité, manqué de courage ?
Mais il faut faire un pas de plus. Nous sommes en train de vivre un culte, catholiques et protestants réunis. Ce fait me remplit de joie et de reconnaissance, parce que c'est une grâce. C'est pourquoi j'aimerais placer cette parabole aujourd'hui - c'est permis de jouer avec les paraboles - placer cette parabole, par exemple (mais ce n'est qu'un exemple, il y en a, hélas, tant d'autres) en Irlande, cette Irlande déchirée par les tensions que vous savez, économiques, historiques, sociales et religieuses, tensions qu'on résume ainsi : entre catholiques et protestants.

Pourquoi faire ce parallèle ? Écoutez ! Les Samaritains et les juifs du temps de Jésus, se détestaient cordialement avec apparemment de bonnes raisons. Et pourtant, ils adoraient le même Dieu. Je parle des Samaritains et des Juifs, ils l'adoraient dans des lieux différents, les uns sur le Mont Sion les autres sur le Mont Garisim, tout comme chez nous ou en Irlande, il y a des temples et des églises. Ils avaient (les Samaritains et les juifs), des liturgies différentes, comme, souvent les liturgies de la messe, diffèrent des liturgies réformées. Le culte des Samaritains avait été influencé par l'histoire cananéenne, comme, l'organisation de l'Église catholique est marquée par l'histoire romaine et celle des Réformés par le Siècle des Lumières. Les uns et les autres s'accusaient d'être impurs, de trahir le Dieu qu'ils servaient. Les mariages entre Samaritains et juifs étaient interdits. Bref, pendant des siècles, Samaritains et juifs, dans le même pays, suivaient une histoire séparée, parallèle où l'on se détestait cordialement même si l'on avait, certes avec des différences, les mêmes Écritures. (Aujourd'hui, heureusement, nous avons la TOB).
Or, voyez-vous l'étonnant, dans notre parabole, c'est que le blessé est juif, que le prêtre ou le Lévite qui passe outre, sont juifs, et voilà que c'est un Samaritain, celui dont on n’attendait rien de bon, qui prend des risques, laisse parler son cœur, soigne et aide ce blessé que par ailleurs, il devrait détester et qui, probablement le déteste aussi.
Mais je peux, bien sûr, changer et dire : le blessé est protestant, le pasteur et le Lévite qui passent au pas de course, sont protestants, mais celui qui s'approche, s'arrête, perd du temps et de l'argent et qui vient en aide, c'est un catholique, celui dont l'histoire, l'économie, ont fait un ennemi.

Vous vous souvenez que notre parabole commençait ainsi : "Un légiste - un spécialiste de la Loi, un spécialiste de ce qui est correct - se leva et dit à Jésus pour le mettre à l'épreuve : "Maître, que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ?"
Je traduirais peut-être cette question ainsi : "Que faut-il faire pour être heureux ? Que faut-il faire pour vivre vraiment? Que faut-il faire pour réussir mon histoire ? Que faut-il faire pour que ma vie ait de la consistance ? En un mot comment faut-il conduire ma vie pour qu'elle soit sur la même longueur d'onde que celle de Dieu ?"
Et Jésus répond, en faisant le signe de croix : « Aime Dieu ! » (dimension verticale) « Aime ton prochain ! » dimension horizontale). Et le légiste répond : « Oui! D'accord, je le sais ! Mais... qui est mon prochain ? » Jésus lui raconte alors notre parabole et, à la fin demande : lequel s'est approché du blessé juif ? Le prêtre juif ? Non ! Le lévite juif ? Non! Mais un Samaritain. Dès lors si tu veux être sur la même longueur d'onde que Dieu, si tu veux que ta vie ait un sens, une consistance : aime même celui que tu considères comme ton ennemi. Aime celui, celle, qui n'est pas aimable.

Frères et sœurs, ce n'est pas facile. Nous avons toutes sortes d'excuses, des bonnes et des moins bonnes. L'histoire, les mentalités nous ont marqués. Remarquez que Jésus ne nie pas qu'il y a des différences entre Samaritains et Juifs, comme il y a des différences entre catholiques et protestants. Mais, nous dit Jésus, que ces différences, parfois légitimes, parfois nécessaires, ne vous empêchent pas de vous respecter, de vous aimer, et j'ajouterais, comme nous le faisons aujourd'hui d'adorer ensemble, le Dieu d'Israël.
Et puis, nous dit encore cette parabole - et ce sera ma conclusion - : ne sois pas trop sûr de toi, ne sois pas trop fier de toi, considère-toi, comme le blessé, le blessé qui a besoin, pour être rétabli, de celui ou de celle que peut-être tu n'attendais pas, de celui ou de celle que tu méprisais et dont la présence peut te sauver et te permettre de poursuivre ton chemin.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Marion Pellegrini & Cristiana Di Antonio
Musique
Jean-Claude Hausmann, flûte
et le choeur oecuménique du Grand Saconnex (GE), dir. Mireille Reymond