Suivre l'étoile

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Suivre… Dis-moi, le monde, que suis-tu ? Après quoi est-ce que tu cours, toi notre planète au goût de cendre, brûlée par le feu et la haine ? Suivre c'est facile, il suffit de savoir quoi. Mais le monde ne suit rien de précis, même plus les points cardinaux : il perd le nord si souvent.
Suivre… Dites-moi, frères et sœurs humains, que suivons-nous ? Après quelles chimères nous jetons-nous sans y penser? Pour suivre, pas besoin de réfléchir, il faut juste adopter, mais quoi, qui, quelles idées ?
Suivre, que suivons-nous, nous, part de l'Église? Structures et schémas financiers, rendement et résultats donnés ? Est-ce que l'Église suit parce que le monde suit, et qu'elle fait partie du monde ?
Suivre… comme ces pauvres moutons si fréquemment critiqués, faut-il être une bête, oh pardon, un mouton, pour suivre le troupeau le long des chemins sans rien se demander ?

Premier dimanche de l'Avent, suivre ou se laisser entraîner, vers où ? Le crépuscule est déjà arrivé, gris de cendres et noir de suie; depuis le mois de septembre, on s'est senti rapetisser. Se laisser descendre vers la frénésie commerciale, lumières factices qui ne font que repousser le froid du dehors et laissent les cœurs se glacer. Glisser vers la nuit inexorable au même rythme que le soleil raccourcit ses visites dans notre ciel. Glisser vers des larmes qui ne coulent qu'en ces temps-là, temps de l'Avent, monde attiré par la nuit.
Et l'envie de se laisser prendre aux filets du silence et de l'obscurité, de se taire comme tout le monde, et pourquoi pas de déprimer. Sombrer peu à peu dans la fatigue profonde, de vivre, d'être toujours juste avant Noël, comme s'il n'y avait rien eu entre-deux ou si peu, si vite, si mal ! Et ces ans qui s'écoulent, et le monde qui suit, route sans issue.
Soudain dans le brouillard du temps, une voix crie "arrêtez !". Et résistez, au lieu de suivre. Cherchez votre chemin, ne prenez pas l'autoroute vers le désespoir. Refusez de vous laisser glisser. Bouchez-vous les oreilles si l'on cherche à vous bercer de grisaille et de brume. Allumez la lumière en vous, si l'on vous déclare que la nuit gagnera. Résistez, quand on vous parle de défaite.
Résistons par des gestes quotidiens venus du fond de nous, ils sont souvent si faciles à faire. Allumer une bougie en signe de clarté, amener un sourire sur un visage sombre, faire rire un ami stressé et puis tâcher de comprendre et d'écouter vraiment ceux que le noir envahit. Juste tendre l'oreille attentivement, sans forcément proclamer des solutions que nous ne connaissons pas. Pas d'héroïsme ni d'activisme, juste être là, prendre soin de soi au moins, et des autres un peu. Oui, il suffit de résister.

Il suffit, mais comment ? En suivant autre chose peut-être. Un autre chemin, oh pas une autoroute, ça non ! N'empêche, les prophètes pressentaient ce chemin. Dieu leur en donnait le tracé il y a plusieurs milliers d'années déjà. C'est fou non ? Une petite route pas très large pour suivre, une lumière annoncée, une lumière promise. Le crépuscule semble arrivé, mais l'aube nouvelle pointe au bout de l'horizon. Elle se nomme espérance, vie en renouveau. Elle se nomme la paix. La paix véritable, pas celle qui suit les traités parce qu'il faut bien, pas celle qui se négocie à coups de cessez-le-feu et de chantages divers. Suivre, oui, mais suivre qui ? Suivre celui qui nous a donné la vie en nous insufflant l'air de son amour.

"Dis-moi, que suis-tu ?" "Je m'attache aux pas de celui qui devient ma boussole, mon Nord, mon Sud, mon Est et mon Ouest. Je marche à la suite de celui que tant d'autres ont suivi, depuis ces prophètes qui recevaient déjà la carte de la paix de sa part. Je ne peux pas me laisser vaincre par la nuit. Quand je pleure, il essuie les larmes de mon âme. Et si je trouve parfois l'aube bien lointaine, il m'accompagne à travers ma nuit jusqu'à la première lueur, rose de timidité, à l'horizon d'une journée nouvelle. Voilà celui que je veux suivre."
Du bout du monde sous les étoiles, ils sont venus un peu plus tard. Ils étaient trois, nous dit l'histoire, et ils ont suivi, eux aussi, une promesse immense, une indicible espérance. Entre un Noël et un autre, et durant ce temps de l'Avent, surtout ne pas se laisser glisser à suivre une chimère lumineuse et marcher fermement à la suite de quelqu'un. Parce qu'il est, lui, le Seigneur, la lumière de notre vie, la lumière plus brillante que la nuit du monde.

Je sens l'écho de ces paroles qui tourne et rebondit parmi nous.! Comme un appel muet adressé à nous tous, à tous les auditeurs de ce matin, un appel du fond des temps, qui résonne à nos oreilles. Porteurs de lumière, soyons vigilants, la nuit a de nouveau tendu ses filets. Mettons-nous ensemble pour suivre le chemin qui s'est ouvert, mille et mille ans avant que les pas de Jésus, l'Homme qui marche, ne soulèvent le sable. Il a désormais passé par là, cet homme et fils de Dieu, du pas paisible de celui qui sait que la paix n'a jamais cessé de résister; et il nous invite à le suivre, lui, puisqu'il est toute notre espérance dans le souffle d'un passage, toute notre vie dans un murmure : "Viens, marche, la lumière ne s'éteindra plus désormais. Suis-moi, et tu retrouveras l'aurore."

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Bernard Heiniger
Musique
Chantre François Golay