Es-tu celui qui doit venir ?

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Chers paroissiens, chers auditeurs, à moi maintenant de placer le quatrième côté du Losange. Je repense maintenant à la conférence du professeur de Nouveau Testament de la Faculté Comenius de Prague donnée à la rencontre annuelle des pasteurs de l'Eglise Evangélique des Frères Tchèques il y a 10 jours. Petr Pokorn disait que le centre du message de Jésus est le Règne de Dieu : Jésus est celui qui annonce le Règne de Dieu et qui s'identifie complètement à ce règne. Ce règne dans l'Esprit se vérifie par des gestes et des actions visibles et concrètes : ainsi, les chrétiens peuvent joyeusement collaborer avec toutes celles et ceux qui veulent réaliser sur cette terre paix, justice, guérison.
A la question inquiète de Jean-Baptiste dans la nuit de sa prison, Jésus répond : "Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres."
Jésus donc guérit les malades, donne le pardon aux pécheurs, chasse les démons, figures de toutes les aliénations, rend leur dignité aux pauvres, aux enfants aux femmes, aux laissés de côté, pour entrer en conflit avec les pouvoirs de son temps, le pouvoir impérial romain et le pouvoir religieux de son temps.
C'est une bonne chose que le pouvoir quand il réalise le bien commun, la prospérité, la paix et le respect des lois, mais quand il devient une fin en lui-même, c'est la catastrophe.

Notre visite au Cameroun nous a profondément secoué le cœur et l'âme, comme vous l'entendez au cours de ces quatre messages. Voici ce qu'écrit un journaliste Camérounais : "La misère des Camerounais n'a jamais été aussi grande. Progressivement, elle gagne depuis quelques années les couches de population jusque-là épargnées. La marginalisation se généralise, la déprime gagne du terrain. On voit partout les gens dépérir à grande vitesse. La pauvreté a littéralement explosé la cellule familiale. Les hommes n'ont plus d'autorité sur leurs enfants et sur leurs femmes, les épouses ont quitté les foyers conjugaux, les enfants sont livrés à eux-mêmes.
Ensuite quelques chiffres : 60% des gens sont au chômage, la moyenne des salaires mensuels est de 100 francs suisses par mois, les malades qui n'ont pas d'argent ne reçoivent pas de soin et n'ont qu'à mourir, les commissions des fonctionnaires oscillent entre 20 et 30 % de l'émolument perçu pour un service administratif, dans les commissariats il est courant de trouver 50 ou 60 individus parqués dans une cellule de 12 mètres carrés, sans aérations, sans eau et sans WC, avec peu de chances de résister aux tortures et de survivre après trois ou quatre semaines de détention. Dans les prisons, la ration journalière est de 100 grammes de mauvais riz ou de mauvais haricots ( Richard Mbouma Kohomm).
Comment ne pas devenir follement désespéré à la lecture de l'histoire de la traite des esclaves ou de l'histoire coloniale ou néocoloniale où nous trouvons d'un côté les maîtres et de l'autre côté les esclaves. Plus tard les maîtres d'un côté et les élèves de l'autre, les assistants et les assistés, plus tard encore les manipulateurs et les manipulés…

A travers cette histoire des relations douloureuses entre l'Afrique et Europe, combien de gestes de générosités, de constructions durables, enfin une fraternité et un partenariat nord-sud qui se débarrasse à grande vitesse du paternalisme aussi bien dans les ONG laïques que dans les relations entre les Eglises du Nord et celles du Sud.
Le ministre étatsunien de la défense a accusé il y a quelques jours le président Chirac et le premier ministre Schroeder d'agir selon les schémas de la vieille Europe dans leurs réticences à porter la guerre. Je suis fier d'être un vieil Européen, mais en même temps j'ai besoin, nous avons besoin, du pardon de nos sœurs et frères du Sud.
C'est ici que le message de pardon d'un Nelson Mandela, à la fin de l'apartheid ou d'un Vaclav Havel après la chute du mur prennent tout leur sens : pas de chasse aux sorcières, mais reconstruisons ensemble sur les ruines du passé.
Le mal est grand, mais le Royaume vient. Les dragons de notre vie ne sont peut-être que des princesses captives qu'il nous faut libérer : les Eglises du Nord ont besoin de celles d'Amérique latine et d'Afrique pour délivrer les princesses captives et transformer les dragons, pour mieux recevoir le message de Jésus, mieux le transmettre et mieux le mettre en pratique.
Les envoyés deviennent alors des transporteurs de bénédiction du Nord au Sud, du Sud au Nord : " La grâce, la miséricorde et la paix nous sont données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ, "

Dans un petit livre vert intitulé " Pour la vie en abondance " ou l'expérience du Cercle International pour la promotion de la Création où travaillent nos envoyés de Suisse romande Aline et Reto Gmünder avec un directeur camerounais étonnant, Jean-Blaise Kenmogne, voici ce que je lis, en le résumant :
A) Nous ne sommes que des gouttes d'eau dans la mer, tant notre tâche est grande, mais la goutte d'eau peut faire déborder le vase.
B) Nous ne sommes que des grains de sable, mais un grain de sable dans l'œil de ceux qui ne veulent pas voir leur ouvrira les yeux.
C) Nous ne sommes que des grains de sel, mais nous sommes appelés à donner du goût à la vie.
D) Nous ne sommes que des grains de blé, et l'engagement du grain de blé est de donner sa vie pour produire beaucoup de blé.

Tout cela au nom de Celui qui est règne de paix et de justice et dont l'amour est inépuisable, au contraire des matières premières et des énergies fossiles.
Quand l'apôtre Paul écrit : " L'amour ne périt jamais " il ne s'agit pas de bons sentiments, de ce qui est moralement ou légalement correct, mais de l'amour créateur et divin proposé à travers les gestes et les paroles de Jésus de Nazareth jusqu'à la mort, et affirmé par la présence lumineuse de Celui qu'on avait cru mort.
Jean-Baptiste, dans la nuit de son désespoir, s'interrogeait, au cours de ses insomnies : " Es-tu celui qui doit venir ? " Qui est pour moi, pour vous, ce Jésus, au-delà des pays, des cultures et des continents ? La preuve de l'humanité de Dieu et de la divinité de l'homme ?
Les trois premiers textes de ce matin sont éloquents : le premier affirme que l'invitation est adressée tous azimuts - ceux qui en étaient les premiers récipiendaires peuvent la perdre. Le deuxième affirme que le Christ, par sa mort, a réconcilié les contraires : Hébreux et Palestiniens, Africains et Européens, musulmans et chrétiens, Davos et Porto Alegre. Ceux qui reçoivent cette réconciliation sont la maison de la foi, ferme et accueillante, universelle et particulière. Le troisième texte décrit un souk, un grand marché, où tout est gratuit, à cause d'une alliance de vie, entre Dieu et les hommes. Les lois du marché, de la finance et de la politique ne sont que de petits arrangements importants pour " fonctionner " ensemble, mais secondaires par rapport au Royaume qui vient.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Denise Krummenacher
Musique
Dan Rüfener, saxophoniste; le choeur mixte "L'Echo des Vernes", direction France Nicolet