Les Églises, elles aussi, sont dépositaires d’un trésor : deux mille ans de témoignage

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Écouter le culte :

La foi, l’amour et l’espérance

Les paroissiennes et paroissiens de Ollon-Villars, ainsi que les auditrices et auditeurs sur les ondes, ont reçu ces trois dimanches derniers les messages de trois ministres de trois générations, pour rappeler ce renouveau qui vient de l’enfant de Bethléem, du crucifié de Golgotha et du vivant de Pâques, de Jésus de Nazareth le Christ auquel le Père a remis les clés du Royaume.
C’est comme si les trois vertus dites théologales, la foi, l’espérance et l’amour, jouaient avec nous à la bague d’or. La foi devant le mal radical, il y a quinze jours, l’amour devant la complexité du monde, il y a une semaine, et l’espérance d’un grand-père, aujourd’hui, devant les démentis à répétition de l’histoire.
Celles et ceux qui sont appelés à être ces scribes instruits du Royaume de Dieu, faiseurs de disciples, ne peuvent annoncer une bonne nouvelle objective et mathématique. Leur parole passe par les fibres de leur être. Si les auditoires en un sens s’amenuisent, ceux qui parlent et écoutent la dynamique de l’évangile, les scribes instruits du Royaume, sont aujourd’hui en grand nombre dans le monde entier, qu’ils soient enseignants, écoutants, servants, ordonnés, consacrés ou simplement envoyés secrètement par un esprit infiniment discret qui pousse les voiles où il veut, dans les multiples situations professionnelles, familiales, sociales, économiques, géographiques d’un monde globalisé et contradictoire, où nous avons depuis longtemps perdu notre latin.

La promesse d’un lien retrouvé entre les générations et d’une consolation parfaite, sur fond de jugement
Le texte de Malachie – messager en hébreu – se termine sur une note grave de jugement, où la terre sera frappée d’interdit. Le texte de l’apocalypse parle de la deuxième mort. L’important est bien dans le premier texte ce retour des pères vers les fils et des fils vers leurs pères, ces retrouvailles, comme une espérance à venir de générations réconciliées. Dans l’apocalypse, l’espérance d’un monde consolé et renouvelé. Les notes de jugement résonnent pour dire la gravité et la puissance d’un message, l’importance de le recevoir sous peine de passer à côté de la vie.
Ainsi l’exprime la sagesse d’un petit texte en patois, qui met en scène un homme qui revient du sermon et que son voisin interroge : « Sur quoi le ministre a-t-il prêché ? – Sur sa chaire, pardi – Bien sûr, fait l’autre, mais qu’a-t-il dit ? – Il a parlé de la fin du monde. Il a dit que les méchants seraient détruits. « Por mé, ne pu pas cein crâire ; lo bon Dieu n’é pa prao crouïo po me bourlâ éternellemeint ; mâ, po n’a soupliâie, lâi mè atteindo.» Quant à moi, je ne peux pas le croire ; le bon Dieu n’est pas assez terrible pour me brûler éternellement. Mais je m’attends bien à une soufflée.
L’autre petit texte met en scène une leçon de catéchisme ou un petit Jean-David, pas trop scolaire, est interrogé par le pasteur : « Dis-moi donc, Jean-David, où va-t-on après la mort quand on s’est bien conduit ? ». L’enfant hésite, les camarades lui soufflent : « En pa, en pa… » - L’enfant prend son courage à deux mains et répond : « En Panex, monsu lo menistro ! » - La leçon continue, un autre enfant est interrogé : « Yô va-t-on, Djan-Luvi, quand on s’est mau conduit ? » - Le garçon hésite, les autres lui soufflent : « En an, en an… » - il prend son courage à deux mains et proclame : « En Antagnes, monsieur le Ministre… »
Voilà donc deux villages de la paroisse d’Ollon-Villars ainsi présentés, probablement plus près du paradis que de l’enfer.
Quant au jugement exprimé dans la Bible, il est là pour soutenir le sérieux d’une parole de vie.

Le retour aux choses anciennes et oubliées
L’ami Pierre, cantonnier sur la route entre Arveyes, Gryon et Bex, aujourd’hui à la retraite, est devenu un patoisan distingué après avoir rassemblé tous les mots du vieux langage au cours de cinquante ans de vie, après avoir écouté ceux qui causaient en patois sur un banc, le front appuyé sur leur canne. Son métier dur, chaud et froid, était de maintenir les accès ouverts et praticables, le mouvement des choses et des gens. Redécouvrir l’ancien parler était pour lui une manière de retrouver l’accès à l’âme des gens d’autrefois. Dans le même sens, le docteur Carl Gustav Jung disait qu’il fallait bâtir aujourd’hui des maisons telles que nos arrière-grands-parents s’y sentiraient heureux.
Le regretté Samuel Ruiz, évêque de San Cristóbal au Chiapas, affirmait que la bonne nouvelle de Jésus Christ devait ouvrir un accès à l’âme des Indiens, libérer leur parole enfouie au-dedans d’eux, leur permettre d’avoir accès à une parole de liberté et de justice : rescatar la palabra, comme un sauvetage.
Il en va de même dans le travail des psychologues au sein de nos sociétés complexes où des maux modernes nous guettent à chaque pas avec leurs noms anglais, comme des cannes de golf : stress, burning out, mobbing…et j’en passe. Là encore, il faut libérer une parole enfouie, permettre aux personnes chargées et fatiguées de dire leurs peines et de se décharger peu à peu du poids qui les oppresse : il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car les premières choses auront disparu, chante l’espérance de l’apocalypse. Que dire enfin de ces médecins qui doivent aider les victimes de la violence et de la cruauté à retrouver leur âme. Je pense ici à la fondation « appartenance » et à tous ceux qui vont en mission dans les pays bouleversés pour panser les blessures profondes de l’âme.


Jeunes et vieux
J’ai passé beaucoup d’heures, de jours et de nuits, dans les trains, surtout entre l’Europe de l’Ouest et de l’Est, avant la chute du mur, il y a presque 25 ans. Les gens avaient beaucoup de choses à raconter, il n’y avait pas de censure dans les trains, mais de bons partages, de belles rencontres, comme avec ces trois jeunes Polonaises qui revenaient à Varsovie d’un camp de jeunes dans un chalet de la Barboleusaz : après le passage de la frontière barbelée, elles avaient déployé sur la banquette un napperon blanc sur lequel nous avions disposé nos provisions de route….
Les trajets en train d’Aigle à Lausanne dans les années soixante étaient joyeux, animés, facétieux.
Que dire de maintenant ? C’est comme si la modernité nous avait engloutis dans le silence des note-books, des I-pad et I-pod. Vous voyez une jeune fille sortir de son sac à main un long fil : elle va sûrement tricoter une paire de chaussettes pour son ami à l’école de recrues. Non, elle branche le fil sur un petit machin coloré pour écouter une musique silencieuse.
Pendant deux ans, j’ai pris avec bonheur le train d’Yverdon à Aigle, mais sans jamais rencontrer vraiment personne. L’homme de 70 ans que je suis est devenu un extraterrestre, et les jeunes passagers sont, chacun pour soi, installés dans leur silence de sons et d’images.
Alors que dans des communautés plus petites, de sport, de musique, de foi, les relations entre les générations se créent et sont plutôt harmonieuses.
Les Eglises réformées souffrent de la séparation physique entre les générations, entre les têtes chenues et la jeunesse nocturne ou sportive. Un des défis d’aujourd’hui est de retrouver la communication et la communion entre les générations, de redécouvrir une parole commune de foi, d’amour et d’espérance.

Malgré les séparations apparentes, des racines spirituelles communes
Un fil vert d’espérance traverse l’histoire du monde, des groupes d’études et de recherche, des communautés, des Eglises : des hommes et des femmes se sont levés pour dire leur rêve de justice et de paix. Le rêve de Martin Luther King du 28 août 1953. Le courage extraordinaire de cet officier Polonais Witold Pilecki qui choisit librement le camp de concentration nazi et ensuite la résistance à l’autre totalitarisme, stalinien, dans un combat pour la liberté dont il ressort brisé. On peut voir, en Pologne, une affiche avec les personnages de l’imagerie actuelle, des stars, des supermen, des sportifs. Au milieu d’eux, un prisonnier au regard clair et pur, avec sur ses mains ses souliers, sa couverture et ses effets personnels, comme une icône, une image sainte !
La liste est longue des témoins de foi et d’humanité qui font partie du trésor du maître de maison. Nous portons aussi en nous, chacune et chacun, des images de personnes chères qui nous ont transmis l’important, la rose ou la marguerite.

Tertium datur malgré les conflits
Parfois, l’ancien et le nouveau s’opposent violemment et tout finit par chavirer dans la violence et le chaos. S’il y a un droit à la légitime défense pour se protéger et défendre les faibles, opposer la violence à la violence pour prendre le pouvoir ou instaurer la démocratie mène à la catastrophe. En Syrie, le monastère de Mar Moussa, situé au nord de Damas, en l’absence de son abbé, le père Paolo dal Aglio porté disparu, a lancé un appel contre toute intervention armée étrangère en Syrie : « Nous continuons notre mission qui est celle d’offrir à Dieu un culte spirituel, surtout pour éduquer les jeunes au dialogue et à la paix. Nous croyons qu’aujourd’hui, même dans le cadre de cet impitoyable conflit, la prière demeure un puissant moyen pour résister au mal et le seul instrument qui alimente l’espérance. »

Il faut parler avant l’explosion de la violence, prendre la parole et la donner, non pas pour aboutir à une tolérance passive mais à la recherche passionnée de quelque chose au-delà. Une troisième possibilité qui tombe du ciel comme un cadeau. Tertium datur. Quand Jésus est mort, l’échec aurait pu anéantir et disperser ses amis et disciples, ou alors les pousser à fonder la société des amis de Jésus pour illustrer et défendre la pensée du maître disparu. Non, ils ont été éblouis, repris par le mouvement, renouvelés de fond en comble, porteurs de réconciliation et de paix dans le monde. Une troisième voie avait été offerte.
Les conflits se déroulent, à tous les niveaux, selon des schémas identiques, semblables, analogues : entre les porteurs d’un ordre ou désordre ancien et les hérauts de la nouveauté, paisible ou totalitaire. Ils n’utilisent malheureusement pas la méthode du scribe, maître de maison, l’inventaire serein des bonnes et moins bonnes choses, anciennes et nouvelles, avec à l’horizon la nouveauté du monde à venir.

Le scribe, le maître de maison et le trésor
Imaginons ce maître de maison aujourd’hui. Il déballe ses objets comme pour un marché aux puces : ici les souvenirs lumineux de mes grands-parents, là ma carte de donneur de sang, ici tout ce que j’ai appris dans ma jeunesse, guitare, tennis, italien, amour des vieilles gens, des chiens et des chats, là mes cotisations à la lutte contre le cancer ou aux œuvres Terre Nouvelle, ma carte de membre des samaritains, du club de rugby ou d’Amnesty international, un pèlerinage, un camp de travail.
L’Eglise, les Eglises, elles aussi sont dépositaires d’un trésor : deux mille ans de témoignage, l’histoire vécue du peuple chrétien, mais aussi le souvenir douloureux de luttes intestines, de violence, d’intolérance, comme toutes les sociétés et les groupes humains. Pourtant, chaque paroisse a son histoire, et beaucoup de gens sont nés à la foi parce qu’ils ont vécu des événements chargés de sens et de tendresse humaine.

Jésus et les clés du Royaume
Croire que Jésus a reçu les clés du Royaume de paix, de justice et de sauvegarde de la création menacée – d’après certains paradigmes mathématiques, la communauté humaine aurait déjà consommé en août tout ce que la planète pouvait offrir en 2013, nous vivons donc à crédit ! – croire en Jésus ne signifie pas mépris pour les autres chemins spirituels. Du Dalai Lama aux maîtres soufis, en passant par les penseurs israélites, musulmans ou les philosophes laïcs. Je vois à l’oeuvre une méthode ouverte d’analyse et de tri, de multiples récits convergents, où la miséricorde et le pardon l’emportent sur la vengeance et le jugement, où le respect des plus faibles et fragiles est plus important que la course au pouvoir et à la richesse. D’autre part, le fanatisme et le repli idéologique sont toujours là, comme de mauvais génies, passant à côté de la vraie vie. C’est peut-être cela la seconde mort dont parle l’Apocalypse.

Les grand-mamans d’Antagnes
Les étudiants en théologie de 1960 promenaient leur sermon dans les campagnes. J’ai prêché pour la première fois à Antagnes en 1961, au collège, à 9h du matin. Je revois dans mon souvenir une vingtaine de grand-mamans vigneronnes habillées de foncé. Que diraient-elles de l’Eglise et de leur paroisse d’aujourd’hui qui a triplé de volume ? Quelles étaient leurs attentes, prenaient-elles la parole ?
Je repense à un film bulgare récent où l’on voit un jeune journaliste à la recherche de la chanson qui fait revivre. Il s’en va dans un village de montagne et se heurte à la tristesse des aïeules….pourtant l’une d’elle connaît la chanson.
Pour en savoir plus : samedi prochain 7 septembre, de 10h à 20h autour de la cathédrale de Lausanne, vous recevrez questions et réponses, et vous verrez le scribe instruit du royaume sortir de son trésor des choses anciennes et nouvelles, déployer sa nappe avec dessus à boire et à manger, tout ce qui se fait et se vit dans les paroisses et dans l’Eglise aujourd’hui.
Cette journée s’intitule : « Le Village des talents ».
Amen.

Paroles d'envoi (Solange Pellet)

Entre l’ancien et le nouveau, le passé et l’avenir, nous croyons que la Parole de Dieu a encore quelque chose à nous dire aujourd’hui, quelque chose d’essentiel qui peut changer notre vie.

C'est dans notre vie que, du matin au soir,
coule entre les rives de notre maison,
de nos rues, de nos rencontres,
la Parole où Dieu veut résider.
C'est dans notre esprit qui nous fait nous-mêmes
à travers les actes de notre travail,
de nos peines, de nos joies, de nos amours,
que la Parole de Dieu veut demeurer.

Elle veut féconder, modifier, renouveler
la poignée de main que nous aurons à donner,
notre effort sur notre tâche,
notre regard sur ceux que nous rencontrons,
notre réaction sur la fatigue,
notre sursaut devant la douleur,
notre épanouissement dans la joie.

quelques mots d’un texte de Madeleine Delbrêl.

A l’écoute de la Parole, mais aussi de la vie du Christ, nous sommes invités à renouveler notre manière de vivre.

Comment se marient le vieux et le neuf ? Comment l’Église vit-elle la liberté de l’évangile, le neuf, dans la fidélité éprouvée, le vieux ? Invention et tradition, institution et événement. Entre le jardin d’enfants et l’EMS, quel lien ? Pourquoi pas un chat porteur de bonnes nouvelles ?

Détails

Avec la participation de
Solange Pellet et Christine Joss
Orgue
Samuel Cosandey
Musique