"Shalom, haverem !" Si j'étais en Israël, c'est ainsi qu'il faudrait que je vous salue. Comme chez nous on dit " bonjour ", ou " salut ", ou " adieu ". On ne mesure pas toujours bien ce que l'on dit ! "bonjour" = Qu'aujourd'hui soit un jour béni ? " Salut " = Je prie pour le salut de ton âme ? " Adieu "= Puissions-nous nous retrouver un jour ensemble devant Dieu ?
Ici, je ne doute pas que lorsque Jésus dit par l'évangile de Jean : "C'est la paix que je vous laisse ", il pense, en bon juif, au "shalom" et à toute sa riche signification. Car le "shalom" hébraïque dit encore bien autre chose. Il désignerait plutôt dans notre langage le bonheur, dans tout ce qu'il comporte de plénitude, d'apaisement, d'intégrité physique ou mentale. Il incorpore également la joie, la reconnaissance, le plaisir de la relation, l'amour ou l'amitié ! Mais lorsque Jésus rajoute " c'est ma paix que je vous laisse " il entend dire quelque chose de plus qu'une simple salutation juive traditionnelle. Il parle vraiment de la paix du Christ, celle que seul le Messie peut établir sur terre. C'est de cette paix-là que je voudrais vous parler aujourd'hui.
Parce qu'à travers les disciples, à travers ce texte écrit et lu, il y a une promesse pour nous. La promesse que malgré tout ce que nous vivons jour après jour dans notre fragilité d'homme, dans notre société d'hommes, le "shalom" du Christ nous est apporté par le Saint-Esprit, dés maintenant. Voilà pourquoi nous pouvons entendre à notre tour ces paroles de consolations pour chaque minute de notre existence : " Ne soyez pas inquiets, ne soyez pas effrayés ". Il y a dans ce texte une merveilleuse promesse de bonheur et de tranquillité qui devrait nous procurer une plénitude de sérénité dans toutes les dimensions de notre existence.
La paix du Christ, c'est la paix entre les peuples, mais pas une paix " à la manière du monde ", pas une paix au rabais, une armistice armée, garantie uniquement par la dissuasion liée à la puissance de feu, ou à la capacité de projeter des armées entières en tous les points du globe des grandes puissances, non. Pas la paix muselée que nous promettent les grands de la planète, non. Nous en voyons tous les jours les limites et les défaillances...
Jésus connaissait bien les limites et les défaillances de la si célèbre "pax romana" qui a certes eu le mérite de favoriser le commerce dans l'empire pendant 14 siècles, mais à quel prix ? Les juifs de son époque en attendaient une autre, moins brutale, moins intéressée, moins asservissante, la paix de Dieu.
A l'époque, beaucoup ne pouvaient l'imaginer autrement que comme un calme politique garantit par la Toute-Puissance et l'omniscience de Dieu, avec un représentant incontesté de sa puissance sur le trône de David, à Jérusalem.
Et voilà que Jésus, le Fils de l'Homme, va montrer sa puissance en mourant sur la croix ! Grande désillusion pour tous ceux qui attendent encore de Dieu qu'il agisse en despote autoritaire ! Pourtant, en mourant sur la croix, en délivrant le monde de son péché, Jésus instaure effectivement la paix sur la terre. Mais un autre genre de paix. " Paix sur la terre aux hommes qu'il aime ", entendez par là que Dieu aime tous les hommes et que c'est cet amour pour eux qui l'incite à envoyer sa paix avec le Christ sur la terre. Lorsque Dieu intervient dans l'histoire des hommes, il ne faut plus attendre le déluge de sa vengeance, il faut attendre une radieuse apocalypse, une manifestation de son amour pour les hommes. Et lorsque Jésus achève son ministère dans l'évangile de Jean, il nous laisse sa paix, une paix d'amour, une paix désarmée. Celle du sourire de l'enfant de Noël, celle du soupir du mourant sur la croix demandant au Père : " Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. ". Dès lors, la face de la terre a été changée.
Parce que cette paix non seulement désarme la mort, mais également elle enlève ses armes au mal en instaurant la justice de Dieu. Avec Jésus, comme le dit le psaume (85, 10), " Justice et Paix s'embrassent. " En pardonnant sans conditions le péché inscrit au cœur de l'homme, en rendant juste tout homme qui accepte cette promesse, en faisant de l'amour le plus grand des commandements, Jésus nous désarme.
Et parce que nous portons en nous cet amour gros de cette promesse, nous pouvons effectivement appeler les hommes à désarmer, à s'aimer les uns les autres, à chercher la paix entre les peuples. J'admire beaucoup la ténacité du pape Jean-Paul II, comme de beaucoup d'autres qui ne sont pas nécessairement des " nobels de la paix " ou des gens connus. De tous ceux qui malgré les menaces, malgré les évidences, malgré les cœurs durs et les réalités politiques continuent à appeler les politiques à faire la paix entre les peuples, convaincus que cet appel peut encore être entendu par chaque homme en ce monde, quelle que soit sa place dans la société. Et n'est-ce pas aussi un magnifique message que donne au monde la Confédération Helvétique qui connaît la paix depuis si longtemps ? Malgré ses différences culturelles et religieuses ? Qui montre bien que si on veut la paix, on peut ! Pourvu que chacun y mette du sien !
La paix du Christ, c'est la paix dans notre cœur : " J'inscrirai mes instructions non plus sur des tables de pierre, mais dans leur conscience ; je les graverai dans leur cœur..." Paix dans les cœurs, condition nécessaire et suffisante pour toutes les autres formes de paix, puisque de notre attitude envers notre prochain dépend la vie de toute la société.
La genèse nous le dit bien, la violence est irrémédiablement inscrite au cœur de l'humain : les deux premiers frères de l'humanité se sont disputé l'attention de Dieu, et Caïn, jaloux de son frère, a tué Abel. C'est vrai pour tout fils d'homme, et Sigmund Freud n'a pas inventé la pulsion de mort inscrite au cœur de l'homme. Elle fait partie du péché, de ce qui nous sépare de la justice de Dieu. Ou plus exactement de ce qui nous en séparerait si l'amour de Dieu le Père ne nous avait donné son fils pour nous libérer de l'emprise de ce péché. C'est donc en plongeant dans l'amour du Christ par la foi, dans une pleine reconnaissance de sa grâce que nous pouvons en être délivré.
Toi qui m'écoutes aujourd'hui, toi mon frère, toi ma sœur, l'amour de Dieu t'est offert dés maintenant en Jésus-Christ si tu sais l'accepter au plus profond de ton cœur. Il suffit pour cela d'écouter cette parole pleine de vie, pleine de sens, pleine d'amour, et de la laisser pénétrer, non seulement dans ton intelligence, mais plus profondément encore dans ton esprit. Laisse-le communiquer alors avec le Saint-Esprit " que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout... Celui qui doit vous venir en aide... " Écoute bien ces paroles, elles sont pour toi. Pour t'inciter à laisser tomber toute culpabilité, tout sentiment d'être jugé par les autres, toute jalousie envers les autres hommes aimés par Dieu. Car " voici le fruit de l'Esprit: amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance et foi. " Le Christ nous l'a révélé, chacun est pleinement, totalement aimé par Dieu. Chacun peut recevoir sa grâce, " ne soyez pas inquiets, ne soyez pas effrayés ". Il ne s'agit pas d'accéder à une béatitude qui serait l'oubli de tout et de tous, le détachement suprême de tout et de tous, mais à un amour, une compassion qui vit au cœur de tous ceux qui se laissent habiter par Dieu. Et de la paix du Christ dans le cœur de chacun découle alors toutes les autres paix.
La paix du Christ, c'est la paix entre les églises puisque le Christ seul est la tête de l'Église, qui est son corps. Plus nous progressons dans la connaissance de la paix du Christ, plus nous avançons vers l'unité parfaite, déjà présente dans l'Église invisible. Le peuple des croyants de toutes confessions, l'Église invisible est déjà indivisible car unie en Christ. " si nous nous aimons les uns les autres, Dieu vit en nous, et son amour en nous est parfait ",dit l'épître de Jean.
La paix du Christ, c'est la paix dans la société civile, puisque la grâce de Dieu est pour toute l'humanité. Si l'on n'attise pas habilement les haines en jouant sur les différences, nous pouvons croire à cette paix. Cette paix commence dans la cour de récréation, lorsqu'on accepte la présence d'un "yo" ou d'un " Albanais ", de tous ceux dont on se méfie parce qu'ils sont différents, lorsqu'on refuse la violence de la jalousie, la peur de perdre quelque chose dans l'amour du prochain, lorsqu'on confie nos craintes à la grâce de Dieu.
La paix du Christ, c'est la paix dans nos familles et entre les familles, dans les couples ou entre parents et enfants, lorsque le pardon est vécu non seulement comme une promesse, mais comme une disposition du cœur qui ne cherche pas toujours son intérêt.
Si donc le Christ nous a laissé sa paix, c'est bien pour que nous la saisissions. Pour semer autour de nous autant de preuves que cette promesse se réalisera un jour, il nous faut devenir à notre tour des instruments de paix, sûrs de notre foi et forts de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.
Amen !
Jean 14, 27 : " C'est ma paix que je vous laisse "
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