Écouter le culte :
C’est l’Apocalypse !
Quand on a dit ça, on a tout dit ! On imagine que c’est la fin, que ça explose dans tous les coins, que les fléaux se déchaînent, que rôdent dans l’ombre des bêtes immondes, des fauves prêts à bondir, que se réalisent les pires frayeurs de notre passé et les pires inquiétudes de notre présent, bref que gronde la colère de Dieu ! Et puis voilà qu’un chœur chante dans l’église, dans le bruissement de l’aile des anges, et que des voix célestes proclament une liturgie avant que la foule, du plus grand au plus petit, ne tombe à genou devant un Agneau…
Ça vous soutient dans votre foi, vous, cette image du paradis qu’on vous propose là ? J’avoue que moi, dans un premier temps, l’idée de passer l’Eternité à chanter les louanges du Seigneur…mmmh ! J’aime beaucoup chanter, remarquez, surtout avec un chœur qui chante bien ! Mais de là à ne faire plus que cela, je risque de m’ennuyer ferme : c’est long, l’Eternité, surtout vers la fin ! (Woody Allen ou Kafka ?)
En fait, ce que nous avons devant les yeux, ce n’est pas une image du paradis, ce n’est qu’un jour dans les parvis de l’Eternel , une cérémonie qui vient d’avoir lieu, et dont Jean nous repasse le film !
C’est le jour de victoire dans le Royaume de Dieu ! L’Agneau de Dieu (c’est l’agneau qui figure au fronton de notre église) est sur le trône, fondu, confondu avec Dieu, porteur de la totalité du pouvoir divin et détenteur du Saint-Esprit de Dieu. C’est ce que signifie les sept cornes et sept yeux ? Il a été immolé, égorgé, et il est maintenant dressé, fier, assis sur le trône divin. Ce n’est pas le résultat d’un drame macabre qui se joue entre un Dieu cruel et sanguinaire, aimant les sacrifices et le sang versé, repus de crimes et de vengeance, si conforme à l’image que les hommes se sont faits de lui, à leur propre image…
Non, Dieu ne se permet pas ce qu’il a empêché Abraham de faire : certes pour nous, comme Abraham, il a été prêt à sacrifier son Fils, à donner sa vie, à verser son sang ; mais son but n’était pas de lui donner vie pour le mettre à mort, destin de tout mortel ! Non, le but de Dieu c’était de vivre en Christ cette vie et cette mort, d’expérimenter en lui la vie des mortels, ses créatures, lui qui ne connaissait pas la mort. Il a mystérieusement voulu expérimenter la mort, peut-être pour mieux la comprendre, pour mieux aimer sa créature que jusque-là il ne faisait qu’accompagner dans ce sombre passage ? Est-ce pour cela qu’il a laissé les hommes accomplir leur forfait ? Mais ce faisant, en Christ, Dieu a tué la Mort ! Il l’a définitivement vaincue ! Jésus-Christ le Ressuscité a fracassé les portes de l’enfer pour libérer les hommes de la mort : c’est ce que nous montrent les icônes orientales de la Résurrection ! Avec lui, nous sommes ressuscités ! Alleluia !
Point n’est besoin pour cela d’être martyr ! Quand je dis martyr, je pense à tous ceux qui ont perdu leur vie en témoignant de leur foi même lorsque leur vie était menacée. Il n’est en aucun cas question de ceux qui menacent et prennent la vie des autres ! Pas plus que de ceux qui recherchent la mort pour montrer la force de leur foi ! Les Pères de l’Eglise ont été très clairs à ce sujet : rechercher ce genre de martyr, c’est chercher le plus court chemin pour monter au ciel, c’est faire injure à la grâce divine qui décide librement d’y recevoir qui elle veut ! Pour l’instant, les martyrs ont acquis leur droit à la robe, ce qui est encourageant pour ceux qui le vivent, mais ils ne la portent pas ! Ils sont là, en tête du cortège, c’est leur consolation, mais ils n’y sont pas seuls ! Nous n’avons pas à nous faire martyr pour être là !
Point n’est besoin de faire partie du peuple élu qui suit, juste après les martyrs, dans l’ordre de la procession. Vous savez, les fameux 144.000, 12.000 de chacune des tribus d’Israël… Ces 144.000 pour moi, c’est Israël, le peuple juif ! Pas seulement le « nouvel Israël » qui ne compterait que les juifs convertis, ou certains parmi les chrétiens qui seraient plus bénis que les juifs? Car si les 144.000 sont les seuls élus, pourquoi les faire suivre alors de cette « foule immense que nul ne pouvait dénombrer » ? La foule immense, le Nouvel Israël qui suit et prolonge le peuple élu, c’est nous ! Ce sont les chrétiens, « de toutes nations, tribus, peuples et langues».
J’ajouterais volontiers de toutes sensibilités ou confessions…Tous, nous sommes invités à partager avec eux la fête éternelle. Enfin, les païens peuvent pénétrer sur le parvis du Temple pour la grande Fête ! C’est l’union mystique entre tous les croyants !
Victoire aussi sur les Puissances et les dominations ! Pour moi, les « 24 anciens qui prient nuit et jour » symbolisent fort bien les puissances de la Terre, et cette prière incessante, avec génuflexions et prosternations, c’est leur pénitence ! Si le Christ est vainqueur de la Mort, et avec elle de la maladie et de toute souffrance, comme il l’a montré de son vivant en guérissant toutes sortes de maladie, y compris les malades « de naissance », il l’est aussi des Puissances et des Dominations .
Puissances occultes qui dirigent apparemment ce monde : traders, financiers, multinationales, politiques sont caricaturés dans les monstres biscornus et les bêtes immondes de l’Apocalypse, qui rêvent de nous asservir, de faire de nous des producteurs malléables et dociles ou des consommateurs avides.
Domination des mafieux de tous poils, des clubs discrets mais puissants, qui contrôlent les industries de la drogue, du sexe, des plaisirs en tous genres…
Les affaires qui voient le jour de temps à autre, les quelques tyrans que l’on jette en pâture au public de temps à autre ne sont que la dernière couche du sommet de l’iceberg de la corruption, cette gangrène de l’économie. Tout cela, à l’époque de Jésus comme dans toute l’histoire, est dans l’Apocalypse. Mais ce livre nous rappelle aussi qu’ « il n’est rien de caché qui ne sera un jour mis en lumière » .
Il y a peu, nous avons assisté à une fort belle et émouvante cérémonie où un homme habillé de blanc a reçu la lourde responsabilité de conduire le troupeau de l’Eglise Catholique. Je reconnais qu’il a fait battre le cœur du monde, il a fait naître un espoir que peut-être l’Eglise catholique va se battre mieux qu’elle ne l’a fait jusque-là au côté des plus pauvres, contre l’injustice du monde. Un espoir comparable à celui qu’avait fait naître l’élection d’un Chavez au Brésil, d’un Obama aux States…Espoir fragile, entre les mains d’hommes d’état fragiles qui, on le sait, n’ont pas vraiment la force nécessaire pour lutter efficacement contre les Puissances de l’Argent et du Désir, contre Mammon et les Astartés… Espoir déçu, avorté, mais espoir quand même ! L’apôtre Paul ne disait-il pas pourtant, en pensant au Christ, « c’est quand je suis faible que je suis fort » ? C’est justement dans la faiblesse et la pauvreté que le Très-Bas, sans utiliser leurs armes dérisoires, est devenu le Très-Haut et a vaincu les Puissances et les Dominations !
En apparence, le Prince de la terre nous domine, les Puissances cachées vivent, mordent, tuent, asservissent, mais c’est en apparence seulement ! Nous en avons la certitude : elles n’auront pas la capacité de nuire éternellement, car elles sont au service d’une puissance bien moindre que celle de Dieu, celle de Satan, et sur la croix, Dieu a vaincu Satan. Elle est forte, cette espérance, cette conviction que Dieu est infiniment plus fort que toutes les Puissances de l’univers ! «Que dire de plus? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? »
Une bataille reste pourtant à livrer ! Ça commence par un combat contre moi-même. Jésus ne m’appelle pas à la révolution, mais à la conversion ! On sait où mènent les révolutions : à la démocratie, certes, mais pas toujours, et certainement pas au Royaume de Dieu ! La conversion à laquelle le Christ m’appelle m’oblige à lutter contre l’emprise des Puissances et des Dominations en moi, à refuser de me laisser asservir par elles et par Satan. Il me faut accepter la robe blanche et non la marque infamante, le « chiffre de la bête ». Combat pour aimer Dieu par-dessus tout, pour aimer les autres, tous mes frères et sœurs humains sans distinction de race, de classe, de langue ou de religion, sans m’oublier moi-même. J’ai droit à ma dignité et le devoir de la reconnaitre aux autres. Tout ce que nous avons à faire, nous avons à le faire dans l’amour et la foi en Jésus, c’est cela qui nous revêt de blanc, à l’image du Christ ! Quoi que j’ai à faire dans ma vie, quel que soit le combat que je mène. Les uns voudront militer dans la société pour la paix, la justice ou la sauvegarde de la Création, qu’ils le fassent par amour ! D’autres voudront sauver, guérir, soulager, qu’ils le fassent par amour ! D’autres voudront prier seulement, ou trouver des œuvres pieuses, qu’ils le fassent par amour !
Mais en tout cela, faisons avant tout confiance à notre Dieu : en Jésus-Christ, sur la croix, il a déjà remporté la victoire sur le mal et la Mort ! Et prions sans cesse comme le Christ à Gethsémané avant de mourir : « Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe! Pourtant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux! »
Amen.