Témoins de la résurrection ?

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Chers amis,

Les jours qui suivirent la mort de Jésus sont d'une importance capitale pour qui veut comprendre à la fois le mystère de Pâques et les raisons qui amenèrent les disciples, de l'abattement à l'Esprit de conquête. Période obscure, cependant, car nous ne disposons que de peu d'éléments, peu de renseignements. Il semble que les auteurs des évangiles aient voulu, par respect, avec une grande pudeur, garder le mystère de cette victoire du Christ et de cet enfantement des âmes à une vie nouvelle.

Pierre, Jean, Jacques et les autres ! Ils avaient suivi le Maître depuis la Galilée, mais le grand voyage se solda par une cruelle déception! Jésus est arrêté, condamné, crucifié!
Ils sont là, à Jérusalem, dans la Chambre Haute, sans doute, ce lieu privilégié où ils avaient pris avec le Maître un dernier repas, là où ils avaient partagé le pain et le vin ;

Qu'espèrent-ils?
Ambitionner de poursuivre un ministère alors que le Maître, à vue humaine, a lamentablement échoué?
Vont-ils rester à Jérusalem, ces déracinés de Galilée? Mais pour faire quoi?
Vont-ils retourner en Galilée, eux qui étaient venus à Jérusalem avec tant d'enthousiasme?
Vont-ils reprendre leurs anciennes occupations, en cultivant en leur cœur le souvenir d'un beau rêve qui ne s'est pas réalisé?

Imaginez un instant les quolibets, les remarques cinglantes des amis, des parents, restés au bord de la mer de Galilée. On les avait vus partir, comme des grands, à la conquête du monde. Ils allaient maintenant revenir tout penauds !

L'effondrement de leurs espérances est trop profond pour qu'ils puissent envisager de mettre au point un projet d'action. Et on les voit mal tenter d'élaborer une version des faits qui les présenterait comme vainqueurs!

Mais ces moments décisifs dans la vie des disciples, restent entourés d'un mystère impénétrable pour celui qui, voulant rester sur le terrain des événements historiques, ne peut franchir le seuil de ces âmes au sein desquelles va s'accomplir une œuvre merveilleuse, mais bien mystérieuse.

Bien mystérieuse, car si on y regarde de plus près, on s'aperçoit qu'il n'y a pas dans les évangiles d'explication au triomphe de Pâques, nous n'avons aucun récit relatant la manière par laquelle Jésus est passé de la mort à la Vie.

L'évangile nous parle du Tombeau vide, puis nous avons des récits d'apparitions du ressuscité, mais récits fragiles avec différences de lieux, de forme, de temps… Les rencontres des disciples avec le ressuscité vont être progressivement objectivées, rendues plus cohérentes, plus probantes… Alors que Marc et Matthieu restent très discrets, Luc et Jean insistent sur la matérialité des apparitions: Jésus se déplace, mange, montre son corps meurtri… Mais c'est tout ce que nous pouvons dire.
Il s'est passé quelque chose. C'est certain. La résurrection n'est pas un phénomène subjectif, une rêverie, une illusion. Quelque chose de précis, de tangible est arrivé.
Mais ayons l'humilité de reconnaître que nous ignorons la nature des faits. Et nous ne disposons pas de l'outillage cérébral adéquat pour comprendre une victoire sur la mort, nous qui sommes liés par des notions d'espace et de temps.

La résurrection, nous ne pourrons donc pas l'expliquer, la commenter. Dieu l'a voulu ainsi et nous aurions tort de vouloir trop parler là où Dieu a choisi de se taire.

L'événement de la victoire du Christ sur la mort nous échappe totalement dans sa matérialité. Ce que nous savons avec certitude, c'est que les disciples ont vu le Christ vivant, le Christ ressuscité, ils ont été transformés dans leur cœur et leur conscience, et c'est sur base de cette expérience religieuse, de cette foi, qu'ils se lancèrent alors à la conquête du monde.

Précisons-le: Vendredi Saint, Jésus meurt, mais aussi la foi des disciples, leur espérance que Jésus allait un jour délivrer Israël et instaurer le Royaume de Dieu.

À Pâques, le Christ reprend vie, c'est là le grand mystère, mais reprend vie, chez les disciples, la certitude de sa présence, la foi en ses paroles, le désir de mener à bien la mission entreprise.

On nous dira sans doute: que voulez-vous dire lorsque vous parlez de résurrection et de ressuscité ?

Dans l'ouvrage " Parler du Christ ", paru récemment aux éditions Vandieren, (Paris) le Professeur André Gounelle apporte quelques précisions.
Car le mot " résurrection " dont nous nous servons a quelque chose de contestable. Il s'agit d'un terme qui habituellement désigne le retour à une vie naturelle, physique, biologique. Thème que l'on retrouve à l'époque de Jésus, en Grèce, en Égypte, en Israël.
En Grèce, on racontait qu'Orphée était descendu au séjour des morts pour y délivrer sa femme, espérant la ramener à la vie terrestre. En Égypte, le mythe d'Isis, arrachant son époux Osiris au séjour des morts tenait une grande place.
En Israël, par l'Ancien Testament nous connaissons des récits de résurrection. Le prophète Elie rend la vie au fils de la veuve de Sarepta. Le prophète Eliseée arrache à la mort le fils de la Sunnamite (1 Rois 17 ;19 à 24 et 2 Rois 4 ; 32 à 37).
Les évangiles nous disent que Jésus a opéré des résurrections: la résurrection de Lazare, la résurrection de la fille de Jaïrus, du fils de la veuve de Naïn.

N'oublions pas, au livre des Actes, la résurrection d'Eutychus, ce jeune garçon qui, assis sur le rebord de la fenêtre ne put supporter une interminable prédication de l'Apôtre Paul, s'endormit et tomba du mauvais côté (Actes 20).

Et au moment de la crucifixion de Jésus, nous l'avons lu dans l'évangile de Matthieu, on nous dit que les sépulcres s'ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent. Après la résurrection, ils entrèrent dans la ville et apparurent à un grand nombre de personnes (Matthieu 27).

C'est dire que si, pour nous, aujourd'hui, la foi en la résurrection peut poser problème, l'idée de résurrection n'avait pas un caractère exceptionnel dans le monde de la Bible.

Pourquoi alors tellement insister sur l'événement de Pâques, la résurrection, et le déclarer unique, décisif, fondamental?

Parce que pour le Nouveau Testament, il n'y a aucune comparaison, aucune commune mesure entre les faits et les récits de résurrection que nous venons d'évoquer et ce qui arrive au Christ le matin de Pâques.

Mais voilà, et c'est l'ambiguïté, pour parler de ce qu'ils ont vécu à Pâques, les disciples et les évangélistes ont choisi un mot du langage courant qui ne convenait pas.
André Gounelle le précise : pour un événement inédit, sans précédent, différent de ce que nous connaissons habituellement, il faut, soit trouver un nouveau mot, soit modifier le sens d'un terme précis. Lorsque nous disons " résurrection " et " ressusciter ", nous imaginons évidemment un retour à une vie interrompue par la mort. Le " ressuscité " revient à sa vie, antérieure, puis vieillit et meurt à nouveau. C'est évidemment ce qui s'est passé avec Lazare, la fille de Jaïrus, qui sans doute, s'est mariée, a vieilli, puis est morte à nouveau… C'est le cas aussi pour notre cher Eutychus, ce " chanceux ", comme le suggère son prénom.

Mais Jésus, le Christ, après sa mort ne ressuscite pas pour poursuivre sa vie passée, il ne s'agit pas de la réapparition d'un être disparu quelques jours, il s'agit de l'apparition d'un être nouveau, tourné vers l'avenir, qui pourra dire : " Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde ". Jésus ressuscité est vraiment un être nouveau. Du reste, les femmes, de même que ses disciples ne le reconnaissent pas directement, il apparaît et disparaît de devant eux, il se présente toutes portes étant fermées. Les disciples sur la route d'Emmaüs ne le reconnaisssent pas alors qu'il marche à leurs côtés et leur parle…

En réalité, le Christ ressuscité a une autre dimension il est libéré des contraintes de temps et d'espace. La résurrection de Jésus n'est donc pas le retour à une vie physique antérieure, mais c'est l'éclosion, le surgissement d'une vie nouvelle.

Et c'est cela qui est important.
Croire au miracle de Pâques, ce n'est pas rester au niveau d'une certaine croyance de nature historique espérant exprimer valablement ce qui est arrivé à Jésus, La Résurrection, ce n'est pas avant tout un point important de notre discours théologique, la Résurrection doit être pour chacun de nous, comme elle le fut pour les disciples, une réalité d'expérience. Le Seigneur ressuscité doit transformer nos vies. Et nous devons vivre de la vie d'un Christ éternellement vivant dont l'enseignement et l'exemple peuvent nous conduire jour après jour.

L'ange annonçant la victoire de Jésus disait aux disciples : il vous précède en Galilée et là, vous le verrez.
C'est cela le message de Pâques, Jésus n'est pas resté prisonnier du tombeau. Mais il nous fixe rendez-vous en Galilée, c'est à dire qu'il nous renvoie aux situations les plus banales, les plus compliquées ou les plus enthousiasmantes de notre vie quotidienne. Il renvoie ses disciples à leur activité de chaque jour: ils devront se montrer les vrais témoins de la résurrection.

Témoins de la résurrection ? Le sommes-nous ?

Il y a aujourd'hui dans notre monde, tant de choses qui sont contraires à l'enseignement du Christ, tant de choses contraires à l'art de vivre qu'il proposait dans sa prédication. Vivre l'Évangile, on n'a jamais vraiment essayé, disait notre regretté Théodore Monod ! Si nous croyons que le Christ est vivant, travaillons ensemble dans l'esprit révélé par Jésus de Nazareth, soyons les témoins de la résurrection

Comment vivre alors le message de Pâques? En combattant avec Jésus et comme Jésus toutes les injustices, en luttant pour rendre à chacun sa dignité

Guérir ceux qui ont le coeur brisé
Soulager les douleurs du cœur et de l'âme,
Faire renaître en un cœur l'espérance,
Faire germer dans les âmes la bonté, la droiture, la justice,
faire entrevoir l'admirable perspective d'un monde meilleur
Travailler à l'élaboration d'un monde plus juste et plus fraternel où chacun pourra vivre dans la liberté
Travailler au bien de l'humanité.
Voilà désormais ce que le Christ vivant attend de ses diciples, attend de nous.

Ces découvertes merveilleuses, nous devons les vivre, nous devons les dire, nous devons les proclamer à ceux qui nous entourent, à ceux qui croient que le Christ est resté enfermé dans un tombeau.
Il y a certainement autour de nous bien des hommes et des femmes qui désespèrent, qui luttent seuls sur le chemin de la vie, qui s'interrogent avec angoisse quant au lendemain.
Disons-leur :
La pierre a été roulée
Le tombeau est vide,
Le Christ est vivant , il est à nos côtés, il nous inspire, il nous transforme, il nous ressuscite !
Quelle merveilleuse nouvelle.

Soyons joyeusement les témoins du Ressuscité...

Détails

Avec la participation de
Orgue
Jean-François Vaucher
Musique
Olivier Theurillat, trompette