Écouter le culte :
Guérir : soupires-tu après une guérison ? Guérison du corps, guérison de l’esprit, mais aussi guérison relationnelle, guérison du passé ? Soupires-tu après une guérison ? Laquelle ? Cette guérison, tu la demandes à qui ? Aux médecins ? A tes propres efforts ? La demandes-tu à un proche ? La demandes-tu à Dieu ? Et cette guérison, pourquoi la souhaites-tu ? Es-tu bien certain que tu la souhaites ? Ou est-ce que tu as fini par t’habituer à ce mal non-guéri et changer te ferait peur, en fait ?
Ça me fait penser à cet épisode qui s’est passé dans un bistrot il y a peu : 3 hommes à table, discutaient à propos de leurs différents bobos, lorsque l’un d’entre eux, observant une autre table a attiré l’attention de ses deux amis : Regardez-voir,
là-bas : cet homme, vous ne trouvez pas qu’il ressemble à Jésus ? Euh, ouais ! Attendez-moi ici, c’est plus fort que moi, il faut que j’aille lui demander.
L’homme se lève, il s’approche de l’autre table, il cause un moment, puis il revient rayonnant : incroyable ! C’est vraiment lui ! Regardez les gars, il vient de me guérir ma hanche.
En deux secondes, le second est à l’autre table et va aussi parler de son souci de santé, il revient en écrasant ses lunettes sur la table : magnifique je revois comme quand j’étais gamin.
Jésus qui s’est levé, s’approche des trois amis et demande au troisième : Je peux faire quelque chose pour toi ? Mais l’homme s’écrie dans un geste de recul : Ah non ! Vous, me touchez pas hein ! Depuis que je suis malade, toute ma famille s’est réconciliée pour venir régulièrement s’occuper de moi.
Guérir, oui, mais après ? Suis-je vraiment prêt à envisager une autre vie. Une vie qui ne tourne pas autour de mes problèmes ? A force d’habitude, certains disent : quand on n’a plus mal nulle part, c’est qu’on est mort. Souffrir, c’est être certain d’être encore en vie. Parfois, être malade est plus facile que d’être bien portant, consciemment ou inconsciemment. Soupires-tu après une guérison ? A qui la demandes-tu ? Pourquoi la demandes-tu ? Es-tu certain, au fond de toi que tu veux être guéri ?
Jésus, lui – pas celui du bistrot, mais celui de l’Evangile – a décidé de se rendre à Jérusalem. Et nous savons bien, et il sait bien lui-aussi, au-devant de quelles souffrances il marche. Au-devant d’une croix qui voudrait concentrer et porter toutes les souffrances de l’humanité. Jésus demandera-t-il que cette souffrance lui soit épargnée ?
Il entre dans un village entre la Galilée et la Samarie. Alors dix lépreux s’approchent. Ils s’approchent, mais se tiennent aussi à distance. A distance, parce que la contagion les a coupés des biens-portants, mais aussi la malédiction qui caractérise leur maladie les coupe de Dieu. Ce sont des maudits. Leur souffrance les exclut.
Vous imaginez ce que ça signifie de penser que mon malheur me coupe de Dieu ? Leur maladie n’est donc pas que physique. Elle est aussi une détresse spirituelle. C’est une maladie relationnelle qui coupe des autres, une maladie considérée même comme une punition divine. La lèpre n’est pas une maladie, c’est LA maladie. C’est le mal par excellence, c’est l’horreur existentielle, c’est le symbole qui concentre toutes les souffrances de l’humanité.
Cet été, j’ai vu et j’ai dû combattre une autre sorte de lèpre. Oh, fort heureusement, non pas la lèpre du corps, mais ce qu’on appelle « la lèpre des maisons ». C’est ainsi qu’on surnomme « la mérule ». Une sorte de champignon qui s’attaque et qui détruit le bois et que j’ai trouvé envahissant un vieux chalet que je retape avec passion depuis plusieurs années. J’aime tellement ce chalet que de le voir rongé par la mérule, ça me donnait l’impression d’être rongé moi-même dans ce que j’avais de plus précieux au fond de moi.
J’avais beau me rappeler cette parole de Jésus : ne vous constituez pas un trésor sur la terre, là où rongent les vers et détruit la rouille, mais constituez-vous un trésor dans le ciel. Je me suis quand même surpris à prier pour que ce chalet guérisse. Et ce que j’ai découvert notamment, c’est que la mérule ne peut pas être éliminée. On peut bien sûr arracher le bois contaminé, le brûler, le traiter, mais les spores de ce champignon sont tellement résistants et volatiles, qu’ils se dispersent dans tous les coins, se transportent sur nos habits, sont très contagieux. Si bien que les spécialistes admettent qu’il doit s’en trouver à peu près dans toutes les maisons.
Bien sûr, elle ne se développe pas partout, mais elle est potentiellement partout : il suffit que les conditions deviennent favorables à son développement et la voici qui étend ses tentacules, exerçant son œuvre destructrice dans le silence et dans l’ombre. La lèpre des maisons se développe dans l’obscurité et dans l’humidité, derrière les parois, dans les isolations. Elle est capable de traverser des dalles en béton et en quelques mois, la voilà qui développe des filaments de plusieurs mètres de long.
De même, la lèpre symbolique est partout, potentiellement au cœur de nos vies. Nous sommes toutes et tous potentiellement lépreux. Il suffit que les conditions soient favorables à son développement : il suffit qu’un événement transforme un coin de notre vie en lieu sombre et humide. Une tristesse, une honte, un abus, une culpabilité et voilà qu’un bout de notre vie commence à sentir le renfermé et manque d’aération.
Quand l’Esprit de Dieu ne souffle plus, quand nous avons fermé la porte à son courant de ventilation. Quand la vie nous a trop méchamment bousculés et que nous n’avons plus la force de nous entretenir. Quand certains sujets sont si douloureux qu’on ne s’aventure plus dans leur cave : voilà une aubaine pour la mérule. Quand la peur ou l’angoisse nous enferme dans nos obscurités. La maladie est comme un monstre tapis dans nos murs, prête à se développer et à transformer notre existence en vie de lépreux.
Et si par contre nous résistons, si notre vie bénéficie des bienfaits de la santé, un jour pourtant le vieillissement de notre corps et de notre esprit aura raison de nous. Refuser d’y penser, c’est aussi condamner un coin de notre maison, qui sera vite contaminé par l’adversaire de la vie.
Alors ces 10 lépreux : est-ce qu’ils nous ressemblent, vraiment ou potentiellement ? Ils se tiennent à distance de Jésus et lui crient de loin : Jésus, maître, aie pitié de nous ! L’Evangile précise que Jésus les voit. Ça n’a l’air peut-être de rien, mais ce regard, j’en suis sûr, est une immense bénédiction. Il les voit tels qu’ils sont. Jésus, dans ma soif de guérison, me voit. Il me voit vraiment. Alors je sais qu’il sait. Je sais qu’il comprend. Jésus voit et pourtant, Il ne fait rien pour guérir ces dix lépreux. Il ne s’approche pas. Il leur dit juste : « Allez vous montrer aux prêtres ». Comme nous l’avons entendu dans la lecture du Lévitique, Jésus les envoie donc dans un processus religieux et rituel. Un long processus de réhabilitation.
Ça m’étonne que Jésus ne les guérisse pas sur le moment, qu’il ne fasse aucun geste de guérisseur comme à d’autres occasions. Drôle de réponse à vrai dire, à la prière des lépreux. Et il est vrai que nos prières reçoivent aussi parfois de drôles de réponses.
Et pourtant, les lépreux semblent s’en contenter. Sans insister, sans demander d’explication, alors qu’ils sont visiblement encore toujours rongés par la lèpre, les 10 hommes se mettent en route vers les prêtres et obéissent à Jésus. Et c’est bien grâce à leur foi, c’est grâce au fait qu’ils ne rentrent pas chez eux (où dans ce qui devait leur servir d’abri). Ils lui font confiance et se mettent effectivement en marche dans ce processus religieux et rituel de guérison.
Alors seulement : quand ils sont en route, les voilà guéris. Est-ce que cette guérison se voit ? Je ne pense pas. La vérification d’une guérison de lèpre, nous l’avons entendu, c’est un long et fastidieux processus. Sont-ils vraiment guéris ? Le narrateur le dit, Jésus le sait. Et un des 10 lépreux le sent. Il a cette intuition, cette conviction profonde qu’au fond de lui, une purification a eu lieu.
Tant que les prêtres, après plusieurs jours de vérification, n’auront pas donné leur certificat, tant que les sacrifices rituels n’auront pas été effectué, rien ne prouvera cette guérison.
Or cet homme est un Samaritain, un hérétique en somme, comme le sont tous ceux qui habitent la Samarie, selon les juifs de l’époque. Le texte biblique dit exactement : Voyant qu’il est guéri. Et ce verbe voir, c’est le même qui est employé pour dire que Jésus voit les 10 lépreux. C’est une perception intime et vraie : le Samaritain a cette intime conviction d’être guéri.
Alors, et c’est là que c’est extraordinaire : désobéissant à l’ordre de Jésus. Désobéissant aux prescriptions de vérification de la guérison de la lèpre. Désobéissant aux prescriptions de sécurité qui lui impose de maintenir une distance avec tout bien portant, le Samaritain, fait marche arrière et, cette fois, s’approche tout près de Jésus. Il se détourne des prescriptions religieuses et sociales pour laisser exploser sa joie, une joie née d’une conviction sans preuve. La guérison n’est pas attestée. L’homme est toujours lépreux et pourtant, le voilà qui chante déjà et vient se jeter au pieds de Jésus en le remerciant de tout son cœur.
Le Samaritain est sorti des cadres, de tous les cadres, pour vivre avec authenticité sa joie de vivre, sa louange à Dieu. Le voilà qui chante à pleins poumons sa reconnaissance. Est-ce que ça vous est déjà arrivé de chanter Dieu à pleins poumons ? Essayez, c’est un art de vivre. Effectivement, Jésus lui révèle ce qui vient de se passer pour lui : le voilà sauvé. Non seulement guéri, mais sauvé.
En guérissant de leur lèpre, les 10 hommes sont sortis vainqueurs d’une bataille, mais lui seul a remporté la guerre contre la lèpre, contre le mal, contre la mort-même. Grâce à sa confiance et grâce à sa louange reconnaissante. Les 9 autres se sont contentés d’un bienfait momentané, mais qui ne durera pas. Un jour, ils retomberont et mourront. Ce samaritain, cet irrespectueux des lois, cet hérétique, lui, est définitivement sauvé et la mort-même ne pourra plus rien contre lui.
Pourquoi ? Parce qu’il a reconnu son sauveur, parce qu’il est retourné vers lui et aussi tout particulièrement parce qu’il a laissé la joie de son salut gouverner sa vie. Parce qu’il a laissé la joie de son salut gouverner sa vie !
Peut-être tombera-t-il encore malade, certainement il vieillira, assurément la vie lui réservera encore de mauvaises surprise, mais qu’importe, il connaît son Sauveur. Et la louange, la joie d’être sauvé l’emporteront en définitive. La louange et la joie d’être sauvé orienteront désormais toute sa vie.
Jésus ne fait que valider ce qui s’est passé : « Relève-toi » lui dit-il. « Relève-toi » : ce verbe est le même qui est utilisé pour décrire la résurrection. Il lui dit donc « ressuscite » « Et va ! Ta foi t’a sauvé » Non pas : « Ta foi te sauvera », mais « Ta foi t’a sauvé » C’est fait, c’est acquis : c’est définitif. Alors, pour en revenir à notre question de départ : Soupires-tu après une guérison ? Guérison du corps, guérison de l’esprit, guérison relationnelle ou guérison du passé ? Soupires-tu après une guérison ? Cette guérison ne sera rien, si elle n’implante définitivement pas au fond de toi, la conviction que te voilà sauvé. Une guérison est stérile si elle ne suscite pas en toi les chants d’une joie confiante et reconnaissante.
La guérison n’est que guérison, si elle n’évacue pas définitivement de toi toute inquiétude et tout pessimisme. Aucune guérison n’aura sa raison d’être, si elle ne grave pas dans ton cœur, le nom de ton Sauveur. Une guérison n’est rien, si elle n’est qu’un soulagement momentané, sur la route des embûches de la vie. Des embûches qui finiront par avoir raison de ton courage, de ton espoir et de ton intégrité.
Guérir : à quoi bon, si ça ne fait pas péter les cadres trop petits de ta vie ? Plus fort encore que la guérison, c’est quand tu traverseras la vie dans la louange et dans la joie d’être sauvé, alors-même que tu n’es pas guéri. Jésus disait à Thomas : « C’est parce que tu m’as vu que tu as cru ? Heureux sont ceux qui croient sans m’avoir vu!» De même il pourrait nous dire ce matin : c’est parce qu’il a été guéri, que ce lépreux a cru. Heureux ceux qui croient sans avoir été guéris !
En bonne santé ou malade, qu’importe quand ta vie n’est plus dictée par la chair, par ta propre nature, comme le dit l’apôtre Paul. Quand ta vie n’est plus soumise et obsédée par la maladie et par ta soif de guérison. Parce qu’alors, c’est l’Esprit de Dieu qui souffle en toi et gonfle désormais tes voiles. C’est l’Esprit du Christ qui convainc ton âme que tu es enfant de Dieu. C’est l’Esprit Saint, celui que tu as reçu au baptême, qui t’ancre dans la relation à celui qui te sauve.
La joie n’est donc pas la propriété des gens guéris. Mais elle est le propre des enfants de Dieu qui connaissent leur Sauveur. Je vous relis ce que dit Paul « Si le Christ est en vous, votre corps reste tout de même destiné à la mort, (à cause du péché). Mais l’Esprit est vie en vous parce que vous avez été rendu juste devant Dieu. Si l’Esprit de celui qui a relevé Jésus d’entre les mort habite en vous, alors Dieu donnera aussi la vie à vos corps mortels. »
Plus fort encore que la guérison, c’est quand, vivifié par cet Esprit du Christ, je traverserai la vie dans la louange et dans la joie d’être sauvé, alors-même que je ne suis pas guéri. Amen !
Une prière :
Seigneur Jésus,
Quand je crie à toi, tu me vois et tu sais.
Tu connais mes frustrations et mes souffrances,
Mais tu vois aussi en moi ce fondement inébranlable qui fait de moi un fils, une fille de Dieu.
Tu vois d’avance et sais l’amour dont ce Père m’aime.
Tu n’oublies pas ce que tu as fait pour me sauver.
Permets-moi aussi, non seulement de m’en souvenir, mais surtout de m’en réjouir.
Oriente ma vie et mes pas par ton Esprit de louange,
Par ton Esprit de reconnaissance et de joie.
Relève-moi, ressuscite-moi, restaure en moi cette identité
De fils rayonnant, De fille émerveillée.
Que par ta grâce, toute peur, toute angoisse et toute frustration se volatilisent,
Parce que tu as inscrit en moi
Cette puissante intuition, cette conviction profonde :
C’est toi qui auras le dernier mot sur tout ce qui m’accable et m’accablera.
Qu’ici comme au loin, tous tes enfants puissent se réjouir
Et témoigner de cette confiance en toi, en ton salut.
Maître, nous voulons te confier nos maladies et nos souffrances.
Seigneur Jésus, c’est dans ton nom puissant,
C’est dans ton nom qui guérit et qui sauve que nous te prions.
Exauce-nous selon ta volonté. Amen !