Écouter le culte :
Méditation I
Nous lisons dans le livre d’Esaïe au chapitre 9, versets 1 à 6 :
Le peuple qui marche dans la nuit voit une grande lumière. Pour ceux qui vivent dans le pays de l’obscurité, une lumière se met à briller.
Seigneur, tu les inondes de bonheur, tu fais grandir leur joie. Ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant les récoltes, comme on crie de joie en partageant les richesses des ennemis vaincus.
Oui, tu arraches ton peuple au pouvoir qui pèse sur lui. Le bâton qui blesse ses épaules, le fouet qui le frappe, tu les brises comme tu l’as fait le jour où tu as vaincu les Madianites.
Toutes les chaussures des ennemis qui font trembler le sol, tous les habits couverts de sang sont dévorés par le feu.
Un enfant est né pour nous, un fils nous est donné. Il a reçu l’autorité d’un roi. On lui donne pour nom : Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père pour toujours, Prince de la paix.
Il étendra son autorité et assurera une paix sans fin. Il occupera le siège royal de David et dirigera son royaume. Il l’établira et le rendra solide en faisant respecter le droit et la justice, dès maintenant et pour toujours. Voilà ce que le Seigneur de l’univers fera à cause de son brûlant amour.
Cette proclamation tirée du livre du prophète Esaïe est lue traditionnellement lors de la veillée de Noël, le 24 décembre. Quelle force et quelle puissance au travers de ces quelques versets ! On peut entendre ces lignes en se réjouissant et en les prenant comme nourriture pour notre foi. Dans la tradition de Noël ces versets résonnent comme une grande espérance. Mais ce texte biblique peut nous faire l’effet inverse et nous pouvons nous dire que ces mots au souffle puissant ne rejoignent pas nos réalités terrestres.
Nous le savons et nous constatons, comme durant toutes les périodes de l’histoire de l’humanité, que les conflits sont bien présents. Nous pensons, et pour ne citer qu’eux, à la guerre en Ukraine, à Gaza, au Liban, en Syrie, au Soudan, et malheureusement à tant d’autres endroits dans le monde. Que faire de cette proclamation qui réjouit notre cœur à Noël et qui risque de retomber comme un soufflé après les fêtes ?
A l’époque où le prophète Esaïe fait entendre ce message, le peuple d’Israël traverse une période très sombre et très complexe de son histoire. L’avenir est plus qu’incertain et l’espérance difficile à mettre en œuvre. Tensions, divisions, guerres. Le peuple se raccroche à tout ce qu’il a à disposition comme croyances, quitte à s’éloigner de Dieu. La sécurité et la paix ne sont plus que de lointains souvenirs. Les temps de David et de Salomon semblent bien éloignés. Lorsque l’être humain est acculé, dos au mur, au fond du trou, c’est précisément en ces instants qu’il s’agit de savoir à quoi se raccrocher, en quoi espérer. Le prophète vient annoncer des temps nouveaux, remplis d’espoir. Des cris de joie feront place à la peur et l’angoisse.
Ce texte tiré de l’Ancien Testament préfigure la venue du Messie pour les chrétiens, la naissance de l’enfant de Noël. Avez-vous remarqué les noms utilisés pour le qualifier ? Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père pour toujours, Prince de la paix. Un avenir se profile, un horizon prend forme et donne une direction.
Cette promesse de Dieu transmise par le prophète Esaïe ne peut prendre du sens que si elle s’incarne, que si elle devient réalité dans le cœur des humains. L’existence nous fait vite réaliser que la perception d’un Dieu magicien est une vue de l’esprit. L’Emmanuel Dieu avec nous, l’enfant de Noël, ne peut rien faire seul. Il a besoin que nous nous mettions en marche à notre tour dans nos existences et dans le monde pour que les réalités de foi promises puissent déjà se vivre ici-bas, même modestement, un jour après l’autre, un pas après l’autre.
Différents temps de l’histoire de l’humanité nous l’ont déjà montré, ne perdons pas espoir. L’enfant de Noël vient raviver la flamme de l’espérance en nos cœurs ! L’espérance de Noël vient redire que la nuit comme le jour est lumière devant Dieu !
Avec son aide, mettons-nous debout et en marche, il y a du travail, à n’en pas douter ! Nous pouvons puiser force, courage et persévérance auprès de l’amour brûlant de Dieu. Cette image de l’amour brûlant nous vient du texte biblique que nous venons de lire dans le livre d’Esaïe.
Quand nous allumons une simple bougie dans l’obscurité, nous voilà rassurés, plus confiants. La lueur d’une bougie n’est pas un grand spot lumineux mais elle change déjà tout. La flamme d’une bougie, cela s’entretient. Il s’agit d’en prendre soin. Oui, prenons soin de cette flamme encore fragile. Un simple souffle peut l’éteindre. Et pourtant une simple bougie peut tout. Avec une flamme vacillante, il est possible de mettre le feu à une grande forêt.
Notre foi, cadeau et grâce de Dieu, peut nous enflammer, peut mettre le feu bien au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Jésus, à Noël, fait briller nos yeux. Il vient faire bouger les lignes, changer notre monde pour qu’il soit plus lumineux, plus solidaire, plus accueillant, plus chaleureux, plus aimant.
C’est un cheminement de longue haleine. Nous ne sommes pas seuls et nous pouvons compter les unes et les uns sur les autres. Alors dans notre monde nous pourrons nous mettre au service de l’Evangile et nous rappeler que nous sommes sel de la terre et lumière du monde. Décidément, l’enfant de Noël est le pyromane de notre foi !
Amen.
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Méditation II
Nous lisons un large extrait du prologue de l’Evangile de Jean au chapitre 1, versets 1 à 5 et 9 à 14 :
Au commencement, la Parole existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu.
Au commencement, la Parole était avec Dieu.
Par elle, Dieu a fait toutes choses et il n’a rien fait sans elle. En elle, il y a la vie, et la vie est la lumière des êtres humains.
La lumière brille dans la nuit, mais la nuit ne l’a pas reçue.
La Parole est la vraie lumière. En venant dans le monde, elle éclaire tous les êtres humains.
La Parole était dans le monde, et Dieu a fait le monde par elle, mais le monde ne l’a pas reconnue. La Parole est venue dans son peuple, mais les gens de son peuple ne l’ont pas reçue.
Pourtant certains l’ont reçue et ils croient en elle. À ceux-là, la Parole a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.
Et ils sont devenus enfants de Dieu en naissant non par la volonté d’un homme et d’une femme, mais de Dieu.
La Parole est devenue un homme, et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire. Cette gloire, il la reçoit du Père. C’est la gloire du Fils unique, plein d’amour et de vérité.
Amen.
Peut-être êtes-vous déroutés avec le choix de la traduction biblique ? Il s’agit de celle de la Parole de Vie, comme un encouragement à revisiter ces versets bien connus. Avec nos mots, avec nos paroles, l’être humain est capable du meilleur comme du pire.
Un enfant grandit avec le regard que nous posons sur lui, avec notre présence aimante, rassurante et notre manière de l’accompagner. Les mots que nous utilisons ne sont jamais anodins, les paroles que nous adressons peuvent encourager, aimer, permettre d’entrer en communication ; comme ils peuvent rabaisser, anéantir, briser ou même tuer parfois. Nous nous rappelons toutes et tous des paroles qui nous ont remis debout, nous nous rappelons toutes et tous de mots qui nous ont été adressés et qui nous ont fait mal, meurtri, blessé.
Dieu le sait et il en a même fait l’expérience au travers de son fils Jésus. Son ministère était jalonné d’échanges de paroles source de vie ou qui le mèneront jusqu’à la mort.
A Noël, on dit avec le patois de Canaan qui nous caractérise, que le Verbe s’est fait chair, que la Parole de Dieu s’est incarnée. Quand on écoute ce texte biblique, on se dit qu’il y a comme un lien familier avec le récit de la Création que nous lisons dans le livre de la Genèse.
Ce prologue de Jean, c’est ainsi qu’on le nomme, le Verbe ou la Parole évoquée suivant les traductions, nous redit que Dieu s’est incarné dans la personne de Jésus de Nazareth. Par lui, l’être humain reçoit la vie en plénitude.
Ces premiers versets de l’Evangile de Jean nous encouragent à ne pas oublier que tout est précédé par le Verbe ou la Parole de Dieu incarnée en Jésus-Christ. Quand on dit cela, impossible de mettre la main une fois pour toutes sur les réalités de Dieu. Dieu est l’insaisissable qui se rend proche de nous en son Fils. Nous ne percevons que des bribes, mais que de beaux fragments !
L’incarnation de Dieu à Noël est peut-être une des particularités du christianisme. Depuis l’enfant Jésus, impossible de parler d’un Dieu lointain, impossible d’imaginer Dieu perdu dans les nuages. Et puis il y a cette dimension incroyable que Jésus a vécu et partagé toute notre humanité, de nos peines à nos joies, des pleurs à la paix intérieure, du doute à l’espérance.
Ce que je vis, ce que je traverse, en Jésus-Christ, Dieu le comprend et l’accueille. Cette proximité fait qu’il devient impossible d’idéaliser les êtres humains que nous sommes. Nous sommes rejoints dans toutes les dimensions de notre humanité. Même ce que nous cachons et ce que nous ne voulons pas voir. Le regard que nous portons sur nous-mêmes, sur les autres, sur la vie, sur le monde, sur Dieu s’en trouve changé. Dieu, à Noël, fait le pari de l’abaissement, de l’humilité, de la simplicité.
Si vous allez à Bethléem pour rentrer dans la basilique de la Nativité vous devrez vous courber. La porte d’entrée devient passage symbolique. On ne s’approche pas de l’enfant de Noël en bombant le torse. L’humilité prend alors en nous une place importante, on mesure la force et la fragilité de la vie réunie en un seul être, un enfant
La joie vient chasser nos soucis, une forme de paix en l’avenir s’installe, un sentiment profond. Nous nous savons accompagnés par celui qui promet sa présence, chaque jour, à chaque instant.
L’existence éclairée par la simplicité et la joie de Noël nous transforme petit à petit, chassant nos soucis inutiles, ceux qui nous paralysent, ceux qui nous sclérosent, ceux qui nous empêchent d’avancer sereinement.
Nous déposons nos armures, tout ce qui encombre pour ne garder que l’essentiel, la rencontre, le cœur à cœur.
En recevant le mystère de Noël, cette lumière qui luit sur tous les êtres humains, nous pouvons dire notre lien privilégié qui nous unit à Dieu, nous devenons ses enfants.
Alors en regardant ce berceau traditionnel (à côté du sapin), une très belle phrase du réformateur Martin Luther me vient à l’esprit : « La Bible est le berceau dans lequel le Christ est déposé ». Prenons-en soin.
Amen.