Culte de Pentecôte : vivre et partager l’Evangile

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Écouter le culte :

Joyeuse Pentecôte !

Chers paroissiens, chères auditrices et auditeurs, est-ce que vous vous êtes souhaité une joyeuse Pentecôte ce matin ? Je n’en suis pas si sûr. Pentecôte prend moins de place dans nos vies que Pâques ou surtout Noël. Certes, on se souvient du récit des Actes – on le lit en tout cas une fois par an. Mais est-ce que nous saisissons ce qu’il a de particulier ? Le défi qu’il nous lance ?

J’aimerais montrer l’originalité de ce récit en faisant d’abord un détour par une confession de foi contemporaine : « Nous croyons au Saint-Esprit qui nous éclaire, nous console, nous régénère et nous sanctifie. »

Je trouve qu’elle résume assez bien une compréhension habituelle des fonctions du Saint-Esprit.

Il nous « éclaire ». Il nous permet de comprendre les Écritures et d’approfondir ce que signifie l’Évangile. On pense à la méditation personnelle, aux études bibliques en groupe, aux prédications. C’est un esprit d’interprétation.

Il nous « console ». Voilà quelque chose de tout aussi essentiel à notre survie spirituelle. Dans toute situation, l’Esprit nous assure que Dieu est le Consolateur qui nous veut du bien. Face aux difficultés de la vie, au pouvoir du mal, en situation de maladie, la nôtre ou celle d’un proche, dans les conflits. C’est le rôle pastoral du Saint Esprit.

Il nous « régénère ». L’Esprit redonne vie là où la paralysie spirituelle pourrait s’installer. Il renouvelle personnes et communautés – si on veut bien lui laisser la place. Dieu par l’Esprit nous redonne de la force. On pourrait parler de l’Esprit comme force de reconstruction.

Enfin, selon cette confession de foi, l’Esprit « sanctifie », nous rend saints, en mesure de répondre à l’amour du Dieu saint. On touche là à nos choix de vie, à l’éthique, au comportement personnel et communautaire. L’Esprit est donc aussi compris comme formateur de disciples.

Quel autre éclairage le récit de Pentecôte donne-t-il à l’action du Saint-Esprit ?

Ce matin, j’aimerais souligner trois points :

En premier lieu, l’ambiance y est très dynamique. C’est un récit vraiment « pentecôtiste », dans tous les sens du terme. Il est question de bruit, de feu, de rêves, de visions, de parler en langues. Le texte de Pentecôte parle d’une expérience charismatique collective et individuelle qui va faire du bruit à Jérusalem d’abord, puis dans le monde entier.

Je ne sais pas si vous avez déjà vécu de grands cultes pentecôtistes. Cela peut être très bruyant. Non seulement à cause de l’utilisation de haut-parleurs bien trop forts – en tout cas à mes oreilles – mais aussi quand tous les membres d’une telle Église se mettent à parler en langues. L’assemblée générale du Conseil œcuménique des Églises tenue en Corée du Sud en 2013, en a fait l’expérience. Un des cultes du soir était placé sous la responsabilité de l’Église Yoido du Plein Évangile. Au moment où tous les membres présents de cette Église coréenne se sont mis à parler en langues en même temps, le bruit était vraiment impressionnant.

Dans le texte de Pentecôte, le bruit qui attire les foules de Jérusalem est très probablement l’effet sonore résultant de la louange communautaire de Dieu par tous les apôtres. Cette forme d’expérience spirituelle sur laquelle Luc, l’auteur du livre des Actes, insiste est partagée aujourd’hui dans le monde par des centaines de millions de chrétiens. A l’occasion de la fête de ce dimanche, nous pourrions prier pour eux et pour que Dieu fasse fructifier les contacts et dialogues qui se sont noués entre les pentecôtistes et les autres confessions chrétiennes.

Comme vous le savez, la Bible contient de nombreuses références à l’action et la présence de l’Esprit de Dieu. Elles n’évoquent pas toutes une expérience de type pentecôtiste. Le deuxième élément du texte d’Actes 2 que je souhaite évoquer ce matin est peut-être plus important. Les langues de feu qui tombent sur les disciples leur donnent le pouvoir de parler, de louer Dieu. La référence à l’antique texte de Joël se termine par la mention de la prophétie. L’événement vise donc à la constitution d’une Église de témoins et à une communication de l’Évangile vers l’extérieur.

Nous aimons considérer l’Esprit comme une force de conviction intérieure nourrissant notre foi et notre compréhension de la Bible. C’est ce qu’exprime la confession de foi évoquée en début de prédication. Luc, quant à lui, nous invite à nous laisser « dynamiser » par un Souffle qui veut faire de nous des témoins du Christ. Dans son texte, ce Souffle au bruit comme un vent fort pousse à la louange et à la communication de l’Évangile. En un mot, le récit a une intention missionnaire.

C’est cela la raison d’être de la Pentecôte : la transmission de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ dans le monde globalisé, avec toutes ses cultures et nationalités. Déjà au début du livre des Actes, le Ressuscité promettait l’Esprit et disait à ses disciples :
« Vous serez mes témoins » (Actes 1, 8).

Mais qu’est-ce que cela veut dire, aujourd’hui, être témoin ? Faut-il vivre comme les premiers disciples ?

J’en viens à mon troisième et dernier point.

Dans la Bible comme dans la réalité, l’Esprit souffle de manières très diverses et ses formes d’intervention sont multiples et complémentaires. Il en est de même des charismes de chacune et chacun parmi nous et des options de témoignage.

Dans les premières Églises, certains disciples comme Pierre, Jacques ou Jean, abandonnaient tous leurs biens pour se mettre à la suite de Jésus, se consacrant corps et âme à une vie de prédicateur et guérisseur itinérant, sans sécurité ni garantie matérielle aucune. D’autres vivaient dans l’aisance, mettant seulement une partie de leurs biens et ressources à disposition des Églises et de leur mission. L’Évangile nous parle aussi de disciples qui « doutent », mais que Jésus ne rejette pas pour autant.

Dans les Églises auxquelles Paul écrivait, certains faisaient des miracles, d’autres avaient le don des langues, d’autres d’interprétation. Certains avaient la capacité de diriger ou animer une communauté, d’autres d’accompagner les souffrants. Tous, disait Paul, étaient inspiré par le même Esprit : « Il y a diversité de dons de la grâce, mais c’est le même Esprit » (1 Cor. 12,4).

Et c’est là qu’on retrouve une des originalités du texte de Pentecôte quand il évoque les flammes qui se posent sur les disciples. Il y a une expérience communautaire des langues de feu. Toute la communauté est « illuminée », inspirée par Dieu. Mais remarquez-le : chacun reçoit une langue de feu particulière. Le Souffle de Dieu crée une communauté de témoins, mais donne à chacune et chacun individuellement un don spécifique, quasi personnel. Et c’est cela qui permettra aux apôtres de louer Dieu dans un grand nombre de langues parlées de l’époque.

De nos jours, témoigner du Christ, cela peut impliquer de donner sa vie pour sauver une autre, comme l’a fait récemment un officier de police français. Peut-être aussi de se promener dans Genève en portant une grande croix pour créer des occasions de contact hors des lieux d’Église. Mais certainement aussi de veiller à ce que ses employés ou collègues soient traités avec justice. Ou de tenir la main d’une malade dans le silence d’une chambre d’EMS, de partager en Église ici et ailleurs pour que les besoins minimaux de chacune et chacun soient couverts. Mais aussi de veiller à la biodiversité sur nos balcons ou dans nos jardins.

Là où Dieu nous place et nous envoie, nous sommes appelés à être témoins selon nos capacités et dons. Et comme la confession de foi évoquée au début de cette prédication l’affirme, l’Esprit de Dieu va nous équiper selon les circonstances dans lesquelles nous vivons. A l’un, il offrira une interprétation plus pertinente de la volonté de Dieu. Pour l’autre, se battant dans des difficultés insurmontables, le Souffle se fera brise légère consolatrice. A une troisième sera donnée une force de rétablissement, à une quatrième un rappel que nous sommes invités à veiller à notre style de vie, à vivre une sainteté offerte en Christ.

Du point de vue du texte de Pentecôte, tout cela ne prend sens que si on le perçoit dans la perspective de la mission. C’est pour que nous soyons témoins que l’Esprit éclaire, console, régénère et sanctifie.

A partir de ce dimanche, la confession de foi peut donc être complétée comme suit : « Nous croyons au Saint-Esprit qui nous envoie dans le monde comme témoins du Christ et nous éclaire, nous console, nous régénère et nous sanctifie. »

En ce sens : Joyeuse Pentecôte!

Qu’est-ce que l’Évangile change dans les relations humaines et sociales? C’est une question qui a accompagné tout le ministère de Jacques Matthey dans les différents postes qu’il a occupé, du Département Missionnaire au Conseil Œcuménique des Eglises. Son dernier livre "Vivre et partager l’Evangile", un testament spirituel, examine les différentes manières de témoigner et de vivre de l’Evangile. C’est en grande partie le défi posé aux chrétiens à Pentecôte.

Détails

Avec la participation de
Emmanuel Rolland
Orgue
Vincent Thévenaz
Musique