La confiance, oui, mais en qui?

Temple de Cernier (©AUJ)

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Chers paroissiennes et paroissiens, chers auditrices et auditeurs de la radio, les trois textes bibliques de ce matin nous parlent de la foi en un Dieu qui libère et prend soin des êtres humains. Il y est donc question de confiance, cette relation humaine fondamentale qui est constitutive de notre personnalité.

La confiance est parfois apprêtée à toutes les sauces : elle peut être multiple et fort diversifiée, elle peut même se cumuler sous plusieurs formes. Ce matin, je vous propose un parcours à travers ces différents types de confiance.

Si vous avez regardé les Jeux Olympiques de Paris le mois passé, vous avez probablement perçu à de multiples reprises l’immense confiance en eux-mêmes des sportifs, ou du moins de certains d’entre eux. Confiance en ses compétences, en ses qualités, en sa préparation mentale, en son entraînement technique et physique : voilà toute la panoplie de la confiance en soi déclinée sous le mode sport de haute compétition.

A mes yeux, l’exemple le plus marquant d’une telle confiance en soi est illustrée par la performance de Stephen Curry, le meneur de jeu de l’équipe masculine américaine de basket-ball. Dans les deux derniers matches du tournoi olympique, il a étincelé tant par sa classe que par la confiance hors norme qu’il dégageait. A lui seul, malgré la pléiade d’autres stars qui étaient avec lui sur le parquet, il a fait tourner ces matches en faveur de son équipe, par des shoots d’une précision incroyable. C’est d’ailleurs là sa marque de fabrique, notamment quand il joue avec son club des Golden State Warriors : dès que le tir est parti, dès que le ballon a quitté ses mains, il se retourne, ne regardant plus le panier de basket, tant il est certain que son shoot finira au cœur de la cible ! Quelle magnifique impression de confiance totale et absolue !

Mais voilà, chers paroissiennes et paroissiens, nous ne sommes pas tous Stephen Curry ! Nous avons peut-être vécu nos heures de gloire, mais pas seulement. Notre vie n’est pas jalonnée uniquement de moments à haute confiance en soi.

Parfois, ou souvent, la confiance nous fait défaut. Nos capacités s’amenuisent ou nous font faux bond. Les choses peuvent se compliquer. Un petit grain de sable peut venir troubler notre confiance et perturber le bon déroulement de ce que nous avions prévu. Et il n’est pas toujours facile d’avoir, encore, ou de nouveau, confiance en soi.

Finalement, nous avons parfois l’impression que tout ne dépend pas de nous et de nos potentialités, et que la confiance en nous-mêmes n’est pas le seul gage de réussite ou de bonheur. C’est là l’expérience de notre finitude humaine.

Si la confiance en soi n’est pas forcément la clé de la réussite, se pourrait-il que la confiance en les autres soit préférable ? De nombreux exemples de notre vie familiale, sociale et professionnelle, illustrent à merveille le bien-fondé de la confiance qu’on place dans les autres.

Dans le monde du travail, en entreprise, il est indispensable de se faire confiance entre collaborateurs pour produire ce qui est attendu. Peut-on imaginer vivre sereinement en famille sans que la confiance n’en soit une valeur essentielle ? Et quand nous nous réunissons dans une société, fanfare, chorale, équipe sportive, peut-on vraiment tabler sur une autre attitude que la confiance ?

Mais le contraire existe aussi. Chaque semaine, quand je suis sollicité par des téléphonistes de tous genres pour changer d’assurance, donner mon numéro de carte de crédit, confier la gestion de mon ordinateur qui n’a pourtant aucun problème, ma confiance en l’être humain en prend un coup. A contrario de ma bonne éducation, je dois apprendre à dire non pour ne pas tomber dans une arnaque potentielle. Je dois même apprendre à devenir prudent, si ce n’est même méfiant. Est-il alors encore possible d’avoir confiance en les autres ?

Quelle cruelle impression par rapport à cet échantillon de l’espèce humaine qui ne table pas toujours sur la confiance pour parvenir à ses fins !

La confiance en soi qui fait parfois défaut, la confiance dans les autres qui n’est pas une formalité… alors en qui mettre sa confiance ?

Sans surprise, les textes bibliques nous invitent à placer notre confiance en un Dieu qui est présenté comme providentiel. Tant le psaume que l’évangile ou l’épître nous parlent d’un Dieu qui libère l’opprimé, qui prend soin de lui, qui est secourable.

« Ne valez-vous pas beaucoup plus que les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent pour survivre ? », demande Jésus à ses auditeurs. « N’êtes-vous pas bien plus précieux que les fleurs des champs qui n’ont aucun souci à se faire pour exister ? », demande Jésus à ses disciples. Cela retentit comme un écho à la formulation du psalmiste : « Je me suis adressé au Seigneur et il m’a répondu ; il m’a délivré de toutes mes craintes ».

Quelle étrange impression que tout coule de source, que rien ne pose jamais un véritable problème, qu’une solution simple s’impose à chaque difficulté !

A travers ces exemples d’une vie qui semble s’écouler simplement, sans aucune anicroche, Jésus invite à redéfinir l’essentiel et à ne pas se tromper de préoccupation. Il propose de placer le combat pour la justice avant même ce qui semble être des besoins vitaux et fondamentaux. Il appelle à ne pas se soucier du lendemain au sens où celui-ci n’est pas de notre compétence et ne dépend pas nécessairement de nous.

Il faut de l’humilité pour accepter que tout ne dépende pas de soi. C’est ce qui ressort aussi du texte de la première épître de Pierre. Pierre lie également l’humilité à la foi en un Dieu providentiel. Pour l’apôtre, « Dieu traite les humbles avec bonté » – d’où l’exhortation à se décharger sur lui de tous nos soucis, car il prend soin de nous !

Je ne sais pas ce que vous pensez de la providence, cette forme d’action divine sur le monde qui accompagne mystérieusement les actions humaines vers des horizons bienveillants de justice et de paix, selon la définition qu’en donne l’encyclopédie Wikipédia.

Certes, à une période de l’histoire, la providence ne faisait pas débat. Elle était communément admise, comme un concept qui s’opposait à ceux de hasard et de fatalité. Mais, au fil du temps, avec l’avancée des sciences et des technologies, cette conception a été problématisée.

Aujourd’hui, la foi en une providence n’est plus d’une évidence naturelle. Combien d’exemples dans notre monde peuvent nous faire douter de cette providence qui nous épargnerait tous les problèmes ! Jésus lui-même, d’ailleurs, n’a pas été exempt de toute difficulté au cours de sa vie. Peut-on encore aujourd’hui faire confiance aveuglément à la « providence » ? N’est-il pas symptomatique que la providence ait été remplacée par un État-providence qui vient à son tour pallier aux manques ?

Mais le Dieu en qui Jésus nous invite à placer notre confiance est-il vraiment « la providence » ? Certes, le Dieu dont il reflète le visage est un Dieu secourable qui vient prendre soin de celles et ceux qui en ont besoin. Mais est-ce là l’équivalent de la providence ?

Jésus renvoie à un Dieu qui donne, qui est généreux, qui fait advenir la foi, cette foi qui est de l’ordre du don gratuit plutôt que de celui de la compétence ou de la capacité acquise. Il met en valeur une foi qui est plutôt de l’ordre de l’émerveillement, de l’étonnement, de la prise de conscience.

Bien loin de l’idée de la providence, le penseur Blaise Pascal définissait la foi comme un pari, risqué et audacieux, qui n’avait déjà plus rien d’évident ou de naturel. Pour lui, il y avait au cœur même de la foi le risque de l’incertitude. Et je crois que c’est bien dans cette voie-là que nous orientent les textes bibliques lus tout à l’heure.

Au-delà de son aspect providentiel, Jésus nous renvoie à un Dieu tout-autre, face auquel nous n’avons aucune maîtrise. A travers les métaphores des oiseaux du ciel et des lys des champs, Jésus ne nous inciterait-il pas à placer notre confiance en Celui qui est par définition insaisissable mais qui pourtant se révèle selon son gré ?

Les textes bibliques de ce matin nous invitent à nous aventurer avec audace pour grandir sur le chemin de la foi, dans un lâcher-prise, dans une humble remise de soi entre les mains d’un Autre, même si cet Autre reste indéfinissable. Car je crois que l’essentiel n’est jamais de définir Dieu mais de reconnaître qu’il rend la confiance possible, encore ou de nouveau.

Aux images des oiseaux du ciel et des lys des champs, j’aimerais ajouter celle des roseaux, qui me semblent être une bonne illustration de la confiance. C’est bien connu, le roseau plie, mais il ne casse pas. Il sait s’adapter aux circonstances environnantes. N’en irait-il pas de même pour la foi ?

La distinction entre foi et crédulité me semble essentielle. Dans l’exercice de mon ministère, j’apprécie de rencontrer les personnes croyantes que vous êtes, celles qui sont animées par la foi, et qui sont bien différentes des personnes crédules, animées par la naïveté.

A l’image du roseau qui plie sans se rompre, la foi est appelée à évoluer et s’adapter. Une foi qui s’inspire du roseau, n’est-elle pas celle qui refuse de se muer en certitude ? Celle qui ne bannit pas le doute ? Celle qui accepte le dialogue ? Celle qui passe par la remise en question ?

Pour écrire ma foi, j’ai besoin d’utiliser des points de suspension, et non des points d’exclamation ou d’interrogation. Ces points de suspension sont pour moi le signe de l’humilité, de l’ouverture, du renoncement à vouloir tout maîtriser. Ils maintiennent en suspens ce qui peut advenir, naître et jaillir, sous l’effet d’un Autre qui donne et se donne.

Alors, aujourd’hui, pour écrire l’histoire de ma foi, j’utilise trois points de suspension, un pour hier, un pour demain, et un pour aujourd’hui, car « à chaque jour suffit sa peine ».

Amen.

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Les Jeux Olympiques qui viennent de se dérouler à Paris nous ont présenté une galerie de sportives et sportifs ayant une immense confiance en elles et eux-mêmes, en leurs compétences, leur talent, leur préparation.

L’Evangile accorde également une grande place à la confiance… mais en qui cette confiance est-elle placée? Est-ce une confiance en soi-même? Une confiance dans les autres? Ou une confiance fondamentalement différente?

Détails

Avec la participation de
Catherine Doxler pour les lectures
Orgue
Maryclaude Huguenin
Musique