Écouter le culte :
Noël, la fête de tous les contrastes ! Une lumière éclatante dans la nuit la plus longue. Un enfant fragile proclamé Roi des rois. Une étable misérable qui devient le centre de l'univers. Des anges qui chantent la paix dans un monde en proie aux conflits.
Noël, une histoire qui mêle le céleste et le terrestre, le sacré et l’ordinaire. Les bergers, marginaux de leur temps, deviennent les premiers témoins d'un événement que même les puissants ignorent. L’infini de Dieu se fait proche dans la petitesse d’un nouveau-né.
Noël, la fête de tous les contrastes, c’est ce mystère : l'inattendu de Dieu qui surgit là où on ne l'attend pas. Une promesse d’espérance qui naît dans l'humilité et la vulnérabilité. C’est dans ce jeu de contrastes que réside tout son sens : la force dans la faiblesse, la vie au cœur de la mort.
Les contrastes continuent d’être criants, encore davantage dans notre société d’aujourd’hui, dans un monde de plus en plus violent, où on assiste chaque année à une course de plus en plus effrénée pendant le mois de décembre.
Mais la fête semble malgré tout conserver la même face immuable, celle qui ne bouge pas et qui retrouve à chaque fois les mêmes couleurs, les mêmes odeurs et les mêmes apparences. Le sapin ressemble rigoureusement à celui de l’année précédente, on retrouve les mêmes bûches dans les vitrines des pâtissiers, les paquets cadeaux, sous leurs couleurs chatoyantes, se confondent dans les souvenirs avec ceux que nous ouvrons Noël après Noël.
Même la crèche retrouve sa place, et ses personnages ne prennent pas une ride : peut-être a-t-il juste fallu leur enlever la poussière pour leur redonner leur lustre d’antan. Vous en avez d’ailleurs peut-être une chez vous, que vous avez dû aller chercher à la cave ou sortir d’une armoire ? Peut-être avez-vous le souvenir de vos Noël d’enfant où la crèche avait une place importante, et où chaque personnage était redécouvert chaque année avec ravissement ?
La crèche, avec son âne, son bœuf, ses bergers et ses moutons. Avec ses mages, avec Marie et Joseph, et bien sûr ce nouveau-né qu’on ne saurait oublier malgré sa petite taille. Chacun de ces personnages traversent les années sans changer.
Et c’est bien le problème avec Jésus : dans l’esprit de nombreuses personnes autour de nous, il ne grandit jamais. Année après année, on le retrouve pareil, égal à lui-même, nourrisson inoffensif et attendrissant, sourire figé dans un visage de cire que rien ne vient altérer. Un enfant tout petit, vulnérable à l’extrême, dans un monde immense où tout semble vouloir l’écraser. Les contrastes continuent à nous poursuivre.
Pourtant, Jésus a bien fini par grandir. Comme tous les enfants du monde, le nouveau-né s’est transformé en jeune garçon qui a découvert la vie. Puis il est devenu homme. L’enfant de Noël a grandi en stature et en sagesse.
Il a un jour expliqué à Nicodème qu’il ne suffit pas d’être né une fois, mais qu’il faut naître à nouveau, passer par une série de naissances successives. Après être né à la vie biologique, il s’agit de naître à la vie du cœur et de l’esprit, à la vie professionnelle et familiale, à la vie de la foi et enfin à la vie éternelle. La vie qu’il faut aimer est celle qui ne cesse de s’accroître et de grandir jour après jour. La vie ne se limite pas au jour de notre naissance. C’est chaque jour qu’il nous faut renaître.
Je ne résiste pas alors à vous citer cet admirable fragment du Journal de Ramuz, d’une incroyable actualité, mots qu’il a écrit sous les bombardements de la dernière guerre. Ramuz se penche sur le berceau de son petit-fils, et il écrit : « Je me tiens devant toi, petit garçon et j’admire. Je me tiens devant toi avec respect et retenue. Beaucoup d’hommes ont perdu le sens du sacré. L’étonnement s’en va, le respect s’en va, la vénération, l’adoration s’en va. J’assiste à la lutte de la vie contre la mort et je vois une fois de plus que la vie est la plus forte, malgré que la mort et les bombardements couvrent de grands espaces. La vie n’y occupe qu’un petit point presque invisible mais sa force est qu’elle s’augmente sans cesse d’elle-même et s’accroisse et grandisse, ayant des racines, et la mort est ce qui est déraciné. La vie pousse de bas en haut. Elle perce à-travers la mort et la recouvre pour finir. »
A l’occasion de ce Noël que nous vivons, à l’aube d’une nouvelle année qui se profile à l’horizon, osons nous poser cette question dans la suite de l’émerveillement de Ramuz :
De quoi ma vie peut-elle s’augmenter pour être une vie qui grandit, qui grandit en amour et en vérité ?
Dans quelle terre est-ce que je peux plonger mes racines pour que ma vie soit belle et que la mort n’y ait pas le dernier mot ?
Comment puis-je apporter cette touche d’amour unique qui contrastera avec la violence du monde ?
A l’occasion de ce Noël et tout au long de l’année à venir, nous aurons ainsi des opportunités qui nous permettront d’augmenter la vie – augmenter notre vie, et augmenter la vie des autres autour de nous – en particulier par tout l’amour que nous investirons dans notre existence familiale, amicale, sociale et professionnelle.
En accouchant jour après jour du meilleur de nous-mêmes, du plus vivant de nous-mêmes, nous contribuerons à mettre Dieu au monde. La Nativité se perpétuera à travers nous. Car il ne suffit pas de croire à la Nativité d’autrefois, cette Nativité vieille de 2000 ans, cette Nativité qui n’a rien de vivant si elle reste à jamais figée dans le passé. C’est aujourd’hui et demain qu’elle doit s’accomplir, à travers nous. Noël nous apprend à augmenter la vie !
Amen !