« Que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ? » Cette question paraît un peu saugrenue aujourd’hui, alors que nos vies dans notre société sont souvent aux prises d’abord avec le passé : tout le monde demande des comptes à tout le monde. Les Juifs américains aux banquiers suisses, le Grand Conseil genevois à Pinochet…, comme s’il existait une loi inexorable qui veut que le passé non résolu refasse toujours surface à un moment ou à un autre de notre présent.
«Que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ?» Drôle de question, alors que bien souvent, nous sommes empêtrés dans le présent, avec des devoirs d’immédiateté : contribuer au bien-être familial, rester compétitif professionnellement, veiller à son équilibre personnel…, alors entre un présent pas toujours facile et un futur préoccupant, il n’y a guère de place pour l’éternité !
«Que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ?» Si je vous disais que cet homme, en fait, avec les mots de son époque et de sa culture pose la question éternelle et commune à toute l’humanité : «Que dois-je faire dans ma vie pour ne pas passer à côté de l’essentiel ?» Qu’est-ce qui est le plus important dans l’existence ? Cette question, bien sûr, il est préférable de se la poser avant d’être centenaire !
Ce matin, je ne vais pas vous parler du ciel, ni du passé, ni de l’avenir. Je ne vais pas vous épater en décortiquant les racines grecques des quelques mots qui disent les préoccupations de cet homme venu mettre à l’épreuve le Christ. Je ne vais pas vous emmener dans les dédales de la philosophie, ni dans les labyrinthes de la théologie. Je vais rester là et aller avec vous à l’essentiel.
Ne vous êtes-vous jamais demandé comme cet homme : «Que dois-je faire dans ma vie pour ne passer à côté de l’essentiel ? Qu’est-ce qui est le plus important ?» Jésus ne répond pas à la question que lui pose cet homme, mais il en pose une autre. Il renvoie son interlocuteur à lui-même, il lui demande d’être lui-même l’interprète de l’essentiel d’une vie humaine. Ce qui me donne à penser, qu’à l’image du Christ, le chrétien devrait être davantage un questionneur plutôt qu’un donneur de leçons ou de réponses toutes faites. Toujours est-il que l’interlocuteur formule lui-même la réponse : l’essentiel, c’est d’aimer… c’est d’aimer Dieu et son prochain !
Vous me direz : cette réponse-là n’a rien de bien original, on connaît, ça fait même deux mille ans que c’est sorti, il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Mais avons-nous vraiment compris la signification de cette réponse ? Tout d’abord, la distinction entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain, qu’en dire ?
Pas besoin de gloser cent mille ans sur cette distinction, il suffit de nous rappeler la parole de l’apôtre : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. » Autrement dit, l’amour pour Dieu passe obligatoirement par l’amour envers le prochain. Les raccourcis n’existent pas ! L’autre est incontournable… et il peut devenir pour moi un signe de Dieu La spiritualité, vous le comprenez, est quelque chose de bien concret. Le prochain, ce n’est pas forcément celui dont je m’approche, car alors je pourrais le choisir, mais c’est d’abord celui qui s’approche de moi. Mon prochain, entre autres ces jours—ci, si j’ai bien lu les journaux, fuit la violence et la destruction et il vient du Kosovo. L’amour alors peut même devenir une vraie politique…
Chacune et chacun de nous, nous avons reçu beaucoup des autres. Et c’est parce que nous avons été aimés et que nous sommes aimés qu’aujourd’hui, nous pouvons aimer. Il s’agit de reconnaître que l’amour est premier dans notre vie et l’Evangile tout entier est rappel de cet amour qui nous précède.
L’essentiel, c’est d’aimer. Aujourd’hui, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer : vous êtes aimés. Vous ne savez de quoi sera fait demain, mais aujourd’hui déjà, vous êtes aimés : vous êtes dans une impasse, vous n’avez plus de projets, votre vie est fade, je vous le dis «vous êtes aimés» par Celui qui est venu parmi les hommes ouvrir une brèche, nous donner un avenir et une espérance, nous donner la vie en abondance. Vous êtes heureux, tout va bien dans votre vie, vous êtes aussi aimés de Dieu.
C’est Lui, le premier, qui s’est approché de nous. Il est venu non seulement nous le dire, mais aussi nous le montrer : l’amour est la seule force qui gagne vraiment, l’amour, c’est la seule énergie qui nous fasse vivre vraiment et pour les chrétiens, Dieu est la source de l’amour.
Nous pourrions résumer tous les catéchismes de la terre à travers une double affirmation comme celle-ci : Dieu est bien davantage que Celui que vous croyez et vous êtes beaucoup plus que ce que vous croyez être !
Amen.