L'espérance du monde

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Le Nouveau Quotidien, dans son édition du 1er décembre, relatait la découverte récente, à Martigny, des restes d'un temple de Mithra, le premier qu'on ait mis à jour en Suisse.

Mithra, c'est ce dieu antique dont on célébrait l'anniversaire chaque année le 25 décembre, ce dieu qui serait né d'une pierre, une épée à la main droite, une torche allumée dans la gauche. Ce dieu à qui il fallait rendre un culte pour qu'autour du 25 décembre, chaque année, la lumière l'emporte de nouveau sur les ténèbres, pour que la fertilité du sol soit assurée et que toujours l'ordre prenne le dessus sur le chaos.

Par cette découverte archéologique, nous voici plongés dans cet empire romain décadent où sur le marché déréglementé du religieux le christianisme naissant était en compétition ouverte avec nombre d'autres cultes, comme il tend à l'être de nouveau aujourd'hui.

Puisque jadis le 25 décembre était revendiqué par le culte de Mithra et qu'aujourd'hui le solstice d'hiver est de nouveau célébré par des mouvements autres que le christianisme, pourquoi ne pas essayer de marquer la différence ?

Pour cela, je vais parcourir tout à l'heure le chemin inverse de celui de Breughel, ce peintre flamand que j'ai déjà évoqué hier et avant-hier. Sur sa toile exposée à Winterthur, à la collection Reinhardt, il a transposé la naissance de Jésus dans le cadre plutôt misérable d'un hameau néerlandais de son époque, pour tenter d'exprimer l'actualité toujours renouvelée de la Nativité, qui devient, sous son pinceau, une naissance dans les campagnes flamandes du 16e siècle.

Pour ma part, plutôt que de transposer la Nativité dans notre temps, j'aimerais, en un mouvement contraire, remonter le plus près possible de la source, et retourner dans la Judée de ces temps-là, parmi ce petit peuple des villages, parmi ces gens vivant de peu en économie de subsistance, ployant sous des autorités tantôt indigènes, tantôt étrangères, ce qui se traduisait dans les deux cas par des charges excessives, voyant passer du nord au sud et du sud au nord les armées en conquête et les armées en déroute, ce qui se traduisait dans l'un et l'autre cas par des pillages et des exactions, ces gens aux gestes, travaux et coutumes ancestraux.

Et je veux imaginer parmi eux un homme et une femme, ils ont quinze ou seize ans, Joseph et Marie, si proches sans doute des couples de cet âge qu'on peut voir aujourd'hui encore au Proche-Orient.

Marie et les gestes maternels qu'elle avait reçus des femmes de sa famille, comme Joseph avait reçu des hommes de son clan les secrets de son métier.

Marie et sa manière de mettre au monde, de laver l'enfant, de le langer, de le caresser, de lui donner le sein et de le bercer; des gestes de toujours et de là-bas. De plus, je tends l'oreille et j'essaie d'entendre la langue dans laquelle Joseph s'adressait au nouveau-né, la langue courante d'alors, l'araméen.

Comme cette langue se parle encore dans quelques coins reculés de Syrie et de Turquie, j'ai fait venir M. Içmen, qui est bijoutier dans la rue commerçante de notre ville. Il parle araméen avec les siens et nous lira maintenant un extrait du récit de la Nativité. C'est à peu près cette langue-là que Jésus a entendue en venant au monde. La langue de Joseph : pour moi, c'est une survivance du passé bien plus émouvante que, mettons, des ossements de dinosaures.

Et pouvez-vous imaginer une jeune mère de là-bas qui ne chante pas de berceuse à son nouveau-né ? Du fond des temps, des airs araméens se sont conservés et nous sont parvenus. Si Marie a chanté pour son enfant, c'est dans ce genre qu'elle l'aura fait. (un enregistrement de Thérèse Hindo).

Quand j'entends, venant de très loin, ces sonorités araméennes, tantôt douces, tantôt rugueuses, parentes de l'hébreu et de l'arabe, c'est comme si, grâce à cette langue antique conservée comme par miracle, je pouvais m'approcher tout près du berceau de Jésus, pour en constater la pleine humanité et y apprendre en raison de cette incarnation, le respect dû à chaque enfant et à chaque être humain.

Depuis la naissance de Jésus, un nombre incalculable de femmes ont de nouveau été enceintes et ont accouché. Parmi elles, près de nous, Catherine, femme de François, mère de Laure et de Chloé.

"Lorsque Laure, notre fille, est née, son premier geste fut de regarder autour d'elle. Avant même de pousser son premier cri, elle a porté un premier regard sur le monde extérieur, sur les gens qui l'entouraient et je pouvais comprendre ce regard comme un appel à la tendresse, l'affection, l'amour. Et le regard de tous les gens présents a changé, l'émotion les a gagnés. Un être est né et son premier regard est un appel à l'amour.
Si vous avez l'occasion d'aller dans une maternité, regardez les messieurs que vous croisez. Ceux qui sont sur un petit nuage, un peu hors de la réalité, tout émus, pouvez les féliciter : ce sont de nouveaux pères. Je crois qu'au moment de la naissance de Jésus à Noël, à l'instant où Marie a mis au monde son premier-né, Dieu, son Père, a dû être ému comme ces papas qui errent dans les maternités. Depuis ce jour, plus aucune naissance n'est la même, parce que Dieu a pleinement partagé notre humanité. Dieu est aussi présent sur terre au travers d'un bébé, comme tant d'autres, comme les miens. Ce bébé, il pleure et on ne sait pas pourquoi. Il grandit, fait ses premiers pas, ses premières dents. Comme tout enfant, il vit, joue, regarde son papa bricoler, a besoin de sa maman pour le consoler, il grandit encore. Je n'ai pas besoin de vous raconter l'histoire d'un enfant parce qu'elle ressemble à celle d'un autre. Mais pourtant, chaque fois que je regarde un enfant, je peux voir en lui la présence de Dieu.

Tu es venu dans une maison d'homme

Seigneur Jésus, puisque Tu es venu à nous dans une vraie maison d'homme, je Te demande de venir aussi habiter ma maison.

Seigneur Jésus, puisque Tu es venu dans une crèche, je Te demande humblement de m'accueillir. Seigneur Jésus, puisque Tu es né d'une famille humaine, je Te prie pour ma famille : pour ceux qui sont loin et ceux qui sont près, ceux qui précèdent et ceux qui suivent, pour ceux qui sont à naître jusqu'à la fin des temps.

L'enfant Jésus, Il est là, comme un enfant peut être là, tout en faiblesse et en force aussi, tout en fragilité, mais comme une puissance en sommeil. Il est là, comme tous les enfants du monde, porteur de rêve, d'avenir et de vie. Mais cet enfant-là porte en lui l'espérance du monde.

(selon Chemins d'Avent 1992/55)

Amen.

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Avec la participation de
Orgue
Bernard Heiniger
Musique