Des objets qui parlent de spiritualité, il y en a un peu partout. Réfléchissez bien ? Chez vous ? Il y en a sans doute. Chez moi, il y en a, principalement dans mon bureau, on s'en serait douté ! Dans le reste de la maison, il n'y a pas trop de signes religieux, juste une image à la cuisine, un cadeau.
Et chez vous ? Il y a des objets, des images qui ont une connotation religieuse ? Pas forcément chrétienne, réfléchissez bien ? Tenez : une œuvre de Chagall, bien encadrée, une statuette du bouddha, une eau forte avec l'église de votre village, une Bible de mariage, une main de Fatima ramenée d'un voyage en Afrique du Nord.
Ou encore : une icône aux mines graves, des disques compacts avec "Le Messie" de Haendel, des cantates et des passions de Bach, "Le Requiem" de Brahms, des livres parlant d'une personne de foi, une croix en or à votre cou, un papyrus égyptien, avec ses dieux de profil.
Ou encore : une page de calendrier avec une église tessinoise dans le lointain, une photo noir et blanc d'un couple le jour de son mariage devant la porte d'une église, un petit jardin zen, plus une carte postale de Pise. Je pourrais continuer l'énumération en disant comme le poète "…et deux ou trois ratons laveurs…" Voyez, c'est ce que je vous disais. Chez vous et chez moi, il y a plein d'objets qui parlent de spiritualité, de spiritualité chrétienne mais aussi de la spiritualité en général.
Au sujet de ces objets que l'on trouve chez les uns et les autres, je vous raconte une histoire : je vais en visite chez des gens un soir. Des gens, pas des habitués d'église, non des gens. J'entre dans le salon, la pièce principale du logement, on m'y accueille avec gentillesse. Mon regard est aussitôt accroché par la décoration d'un des murs. Stupeur ! Sur toute la largeur du mur, il y a une œuvre d'art religieuse, dans un salon. La taille ? Je ne sais pas, peut-être quatre mètres sur deux, un tableau, un tableau géant ! Une œuvre comme on peut en voir dans certaines grandes cathédrales.
Sur donc toute la largeur du mur, il y a un triptyque. En fait, ce sont trois tableaux, un grand au centre et deux plus petits à gauche et à droite qui pouvaient se fermer comme des volets. Ces œuvres religieuses représentent souvent les derniers instants de Jésus. C'était beau, magnifique. Une peinture religieuse énorme qui remplissait tout le salon. Ce n'était pas un original, bien sûr, on ne peut pas en acheter, en posséder, mais c'était un gigantesque puzzle.
Fabuleux. Un puzzle, avec ses milliers de pièces. Un puzzle collé au mur comme un tableau. Ils ont passé des mois, eux, les enfants parfois, les amis de passage pour réaliser ce puzzle. Respect ! Fantaisie et spiritualité. Le plus souvent, les objets qui parlent de spiritualité chez les uns et les autres sont plus petits.
Pourquoi avons-nous des objets chez nous qui offrent un lien avec la spiritualité ?
Ø Certains de ces objets se sont introduits un peu par inadvertance. On les a placés là et ils n'ont plus bougé.
Ø D'autres objets sont là à titre purement décoratif, ils nous plaisent, ils sont jolis, ils créent l'ambiance.
Ø Parfois, simplement, ils sont là pour aider notre mémoire et nous faire un sourire : rappeler un voyage en Espagne ou plus loin encore, quelques bons souvenirs et images fortes, la tendresse d'une rencontre.
Ø Pour d'autres objets, ce sera comme une confession de foi. J'ai choisi de mettre à cet endroit précis cet objet, pour dire ceci de moi : pour exprimer ma foi. Et le visiteur est bien obligé de se dire qu'ici on croit. Ou du moins d'oser poser la question.
Ø Finalement, d'autres objets ont peut-être une dimension de protection, de fétiche, et nous sommes alors dans une vision de l'objet qui devient trouble. Est-ce qu'un objet à un pouvoir ? Nous savons bien que non. La foi en Dieu veut nous libérer des " gris-gris " même religieux. L'objet est à notre service et ce n'est pas nous qui sommes à son service.
Quand cela est dit, tout est dit, décorons nos lieux de vie d'une manière positive, comme il nous plaît, avec ou sans objets parlant de spiritualité.
Je fais une petite parenthèse pour les plus mystiques d'entre nous, les autres peuvent ne pas écouter. On pourrait aller jusqu'à dire qu'il faut connaître la Bible par cœur pour ne plus avoir besoin de l'objet Bible. Une parole par cœur. Une parole par le cœur. Être comme dans ce roman de science-fiction de Ray Bradbury " Fahrenheit 451 ", être un homme libre, un homme livre, être une femme libre, une femme livre. Je ferme ici la parenthèse.
David veut ramener chez lui un objet spirituel. David et son équipe doivent eux aussi se définir par rapport à un gros objet religieux. C'est le coffre, le coffre de l'alliance comme on l'appelle parfois. L'arche de l'alliance. À l'intérieur de ce coffre se trouvent les tables de la loi, ces deux pierres sur lesquelles sont gravés les dix commandements. Un objet important pour leur foi. Ils ont un petit problème, différent de nos soucis à nous. Ô trois fois rien ! C'est que Dieu est tellement présent dans cet objet que si on s'en approche trop et que l'on ne respecte pas les règles, on en meurt. Et David veut mettre chez lui cet objet spirituel !
Le premier essai de déplacement du coffre est désastreux. Cela lui a remis en mémoire qu'à son époque, seules quelques personnes autorisées et bien formées pouvaient déplacer le coffre et s'en occuper. Eh oui ! Les autres ne sont pas tous des incapables. Le coffre était donc un objet fabuleux pour la foi et dangereux aussi. Jusqu'où est-ce que je suis prêt à aller pour avoir Dieu chez moi ?
David veut ramener l'objet chez lui pour que Dieu soit bien protégé et réciproquement. Il a des arrières-pensées politiques.
J'ouvre une petite info documentaire sur la ville de Jérusalem. David était un homme politique remarquable, mais il n'avait pas de capitale et, pour asseoir son règne, il avait besoin d'un point central : ce sera Jésusalem. Il cherche une petite ville neutre, une colline facile à défendre, un peu d'eau et surtout bien centré dans le pays, ni trop au Nord, ni trop au Sud : Jérusalem. Nous entendons beaucoup parler de Jérusalem et nous savons tous combien cette ville est un centre religieux important pour les juifs en premier, les chrétiens ensuite, les musulmans enfin, mais, l'histoire de Jérusalem n'a vraiment commencé que le jour où le Roi David a fait amener le coffre dans ce gros village. C'était alors un lieu presque inconnu qui appartenait au Royaume des Jébusites. De fait le récit que nous venons d'entendre, c'est le moment où un lieu prend une importance historique, politique, religieuse. Depuis c'est une des villes phares du monde : Jérusalem.
Dans l'épisode biblique entendu, une des nombreuses anecdotes qui a été contée m'amuse beaucoup. C'est celle qui veut que l'on se débarrasse de l'objet religieux pendant trois mois chez un allié philistin. C'est superbe !
On trouve un brave type qui n'osera pas dire non, un allié quand même. On place le coffre chez lui. Ce Dieu dont on a peur, on le met chez un voisin. On lui colle la patate chaude comme on dit ici, à savoir, on met entre ses mains un problème brûlant et tout le monde rentre chez soi rapidement. Il faut bien faire quelque chose, on ne peut pas abandonner Dieu au bord du chemin, alors on le place en bordure, là où il ne gêne pas trop. Le brave type s'appelle Ebed-Edom, un Guittite, ne m'en demandez pas plus. L'idée lamentable est la suivante : s'il lui arrive malheur, eh ! ce n'est pas si grave, c'est un Guittite, un étranger.
Eh bien voilà ! Ironie. Dieu fait du bien aussi à ceux qui ne dansent pas devant l'arche. Dieu fait du bien aussi à ceux qui le mettent sous leur toit en attendant. J'aime beaucoup cette image. Celle d'un Dieu qui fait du bien aussi à ceux qui le mettent sous leur toit en attendant. Il n'a pas reçu de salaire pour cela. Il n'a pas reçu de remerciements, ni de fleurs, toutes ces choses qui nous disent que ce que l'on a fait a de la valeur. Mais j'ai la forte impression qu'il n'en avait pas besoin. Il avait reçu. J'ai la forte impression que quelque chose a dû changer dans cette famille et qu'il y a eu un avant et un après.
J'aimerais jeter un coup de projecteur différent sur cette affaire : Jésus de Nazareth a raconté une petite histoire, de celles que l'on nomme parabole. Cette petite histoire racontée par Jésus est donc la suivante : "Le Royaume de Dieu est comparable à un marchand qui cherche de belles perles. Quand il en a trouvé une de grande valeur, il va vendre tout ce qu'il possède et achète cette perle."
Dans cette histoire les objets changent de main, le marchand semble libre de ses biens, de ses perles, de ses meubles, de ses coffres, de ses reliques spirituelles, de tout quoi. Il peut donc se détacher de tous ses biens pour tenir dans ses mains une chose nouvelle qui a encore plus de valeur pour lui. Qui est le marchand de l'histoire ? Dieu ? Vous et moi ? Bonne question !
Mais selon moi, le moment clé, c'est celui où il fait une trouvaille. Et ce moment-là il ne le lâche pas. Il fait une trouvaille et il décide que cette trouvaille vaut la peine. La trouvaille de cet homme c'est qu'il y a mieux encore que ce qu'il croyait avoir. Et il peut tout lâcher pour aller à l'essentiel.
La trouvaille de David dans notre histoire est la suivante : le coffre a un effet bénéfique quand il est chez quelqu'un : toute cette prospérité autour du Philistin porté volontaire n'est pas naturelle. Il faut être franc : alors que l'on s'attendait aux pires nouvelles, " tu sais pas : il y a eu trois morts et deux blessés chez le Philistin, c'est terrible !", au contraire, tout baigne, tout va bien, tout est grâce. David découvre que la présence de Dieu chez soi, c'est plutôt bien. Que la présence de Dieu dans sa maison, c'est au quotidien une aide, comme un sourire, comme une source. Seulement, il aura la trouille et il n'osera pas aller jusqu'au bout de son idée, jusqu'au bout de son rêve. Il fera venir le coffre avec joie jusqu'à Jérusalem, pour en faire sa capitale, mais il ne le fera pas entrer dans sa maison. Peur d'être trop proche de Dieu. Bon !
Beaucoup de gens vivent ainsi leur spiritualité, un petit bout, mais tout à coup, cela fait un peu peur. Et j'ai rencontré souvent des gens ayant vécu une expérience spirituelle forte, une authentique rencontre avec Dieu, mais ils n'ont pas donné suite. Et je trouve tellement dommage. La trouvaille que nous faisons dans notre vie spirituelle, que nous avons faite une fois vaut la peine.
Voyez-vous, quand on est cueilleur de champignons et que l'on cherche des morilles, c'est difficile. Ces curieux champignons pointus du printemps sont plus faciles à trouver dans les supermarchés que dans la nature. Mais comme cueilleur, comme champignonneur, on sait une chose: une fois qu'un coin est découvert, une fois que la trouvaille est faite, il faut y revenir chaque année, chaque printemps. Et parfois, il faut plusieurs années pour retrouver le précieux champignon. Et s'entêter, et s'il n'y a rien pendant 5 ans, se souvenir que le coin fut bon. C'est ainsi. La trouvaille que nous faisons dans notre vie spirituelle, que nous avons faite une fois, vaut cette peine.
Ce n'est pas pour autant que la vie est sans difficulté, la chute de l'histoire nous le rappelle bien facilement : les rapports humains, conjugaux dans ce cas, professionnels, familiaux, la santé tout cela reste comme des préoccupations principales. Mais Jésus de Nazareth est une trouvaille bienvenue sous un toit. Une trouvaille qui ne se voit pas.
Amen !