Écouter le culte :
Savez-vous ce que vaut votre vie ? Au regard de tout ce que vous avez réalisé, tout ce que vous avez accumulé comme expérience, en pensant à tout ce que vous avez accompli, à tous vos succès, à ce qui vous a permis d’être celui ou celle que vous êtes, en attestant ce que vous avez reçu de ceux qui vous ont donné la vie, de ceux qui vous ont accompagnés, souvent sans vous en avoir demandé la permission, en accueillant ce qui vous a ébranlé, secoué à travers vos échecs, vos ruptures, vos mises à l’écart, en reconnaissant tout ce que vous avez fait, oublié de faire, renoncé à faire, savez-vous ce que vaut votre vie ?
Est-ce que votre vie vaut son pesant d’or ou au contraire ne vaut-elle pas grand-chose ? Valoir ou ne pas valoir, telle est la question. La vie, vaut-elle la peine, la peine de se démener pour elle, la peine de se battre avec elle, la peine de se surpasser pour elle, la peine d’aimer à cause d’elle.
La vie, mais c’est comme le temps, on en a tous une perception différente. Oui, peut-être, mais nous en avons tous une expérience de beauté, de batailles, de soucis, de frustration et même de rêve. Vous avez la vie dont vous rêviez ?
Abraham avait cent ans lorsque son fils est né. Le temps où l’on pense plus à la mort qu’à l’avenir. Vous pensez qu’en montant avec son fils sur la montagne avec du bois et des braises, qu’en attachant son fils sur l’autel, qu’en sortant son couteau pour égorger son propre fils, vous pensez qu’Abraham s’est peut-être dit : «Mon Dieu que la vie est belle !»
Comment réagiriez-vous si l’on venait vous retirer ce qui vous avait été promis et donné de plus précieux ? Vous pensez que ceux à qui on vient d’avouer que leur vie devait maintenant entrer dans une bataille terrible, vous pensez qu’ils se sont dit : «Je me réjouis de l’expérience à venir !» ? Vous pensez que toutes les mises à l’épreuve que vous avez connues, traversées, dépassées, peut-être même encore endurées sont le résultat de cette affirmation aux airs définitifs si souvent entendue «Tout se paie.» ?
Tout se paie. Par le sacrifice d’un fils. Par le sacrifice du seul signe de la promesse de Dieu. Et Abraham ne dit rien, lui qui avait été si prompt à négocier la vie des justes de Sodome, lui qui avait réussi à faire plier Dieu au prix d’un marchandage inouï, lui qui était enfin entrer dans une vie d’accomplissements et de bonheurs.
Abraham ne dit rien, ne demande rien à ce Dieu si étrange. Alors que nous sommes si décidés à le convoquer au tribunal de notre raison pour lui demander ce qui en va pour nous, pour le monde.
Mais que Dieu vienne s’expliquer une bonne fois pour toutes, s’il est un homme et que la lumière éclaire enfin nos vies ! Savez-vous ce que vaut la vie lorsque le meilleur va vous être retiré ? Et comment vivre lorsque, comme pour Abraham Dieu a fermé les portes du passé, de la stérilité, de l’impossible avenir et qu’en lui demandant de sacrifier son propre fils, il lui barre les portes de l’avenir. Abraham est dans une impasse.
Une impasse, dans ce cas-là, que peut bien valoir la vie ? L’impasse qui détourne les promesses et qui ferme l’horizon. On ne peut plus compter sur Dieu, puisqu’on n’ose plus se fier à ses déclarations. Que se passe-t-il dans le cœur et dans l’esprit d’Abraham ? Que se passe-t-il dans vos cœurs quand on ne peut plus se reposer sur Dieu ? Obéir. Obéir ? Mais obéir à quoi ? A qui ?
Obéir encore aujourd’hui, alors que tout nous dit qu’il faut nous faire plaisir. Plaisir des sens, plaisir des yeux, plaisir du ventre. Tout pour notre bon plaisir ! Alors vous pensez bien qu’obéir, Dieu n’a qu’à se gratter ! Lui qui change d’avis sur les justes de Sodome, lui qui change d’avis sur l’avenir d’Abraham, lui qui conduit celui qu’il a appelé jusqu’au bout du bout. Et si obéir, c’était croire. Croire que jamais rien n’est dû. Jamais et que jusqu’au bout, même pour les plus forts, même pour les plus spirituels, même pour les plus âgés, il faut tout remettre à Dieu, même ce qui nous est le plus cher. Même ce qui a été sa promesse, même Dieu.
Remettre Dieu à Dieu. Pour le placer devant ses responsabilités et ses engagements. Même si Dieu lui-même nous conduit au plus fort de l’épreuve, comme Job, comme ces femmes et ces hommes qui croient en l’avenir de leur pays, comme ces familles déchirées par la violence de la route, de la drogue. Comme moi qui me sens parfois oublié, oublié par le bonheur et par la paix.
Croire que Dieu peut changer d’avis, croire que Dieu peut aller jusqu’au bout de sa propre logique en refusant le sacrifice d’Isaac et en acceptant que son propre fils meurt pour le salut du monde.
Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurai-je peur ? Ps 27. Dieu est étrange. Il semble exiger le sacrifice, mais il le refuse. Comme il refuse tous les marchés que nous sommes prêts à passer avec lui. Ni la mort, ni la vie, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu. Croire, malgré tout, sans invoquer le passé, sans prétendre à l’avenir, croire que, même dénudés devant Dieu, que nous serons relevés, comme une lumière sur un support, que notre vie est cachée avec le Christ.
Croire en regardant le Christ et dire avec Abraham : «Le Seigneur y veillera.» Le Seigneur veillera sur votre vie. Cette vie-là le vaut bien.
Amen !