Écouter le culte :
(Patrick Schlüter)
« Que tous soient un ! »
Dans l’évangile de Jean, peu avant d’être arrêté pour être jugé, puis crucifié, Jésus s’adresse à son Père. Il prie pour ses disciples et pour tous ceux qui croiront en lui grâce à leur message :
« Je prie pour que tous soient un. Père, qu'ils soient unis à nous, comme toi tu es uni à moi et moi à toi. Qu'ils soient un pour que le monde croie que tu m'as envoyé. (…) Je vis en eux, tu vis en moi ; c'est ainsi qu'ils pourront être parfaitement un, afin que le monde reconnaisse que tu m'as envoyé et que tu les aimes comme tu m'aimes. »
Alors, vivre ensemble, cela semble plutôt facile si le Christ vit en nous !
Pourtant, nous ne le constatons, cela ne va pas de soi. Malgré les rapprochements œcuméniques, les chrétiens sont divisés. C’est d’ailleurs une tendance générale d’aujourd’hui. Face à la globalisation, nous tenons aux particularismes. Cela vaut pour notre monde, dans la politique, les relations interpersonnelles. Cela vaut pour nos Églises, comme pour nos rapports les uns avec les autres.
(Séverine Schlüter)
D’ailleurs, si Jésus prie pour que ses disciples soient un, c’est bien qu’il y a là un enjeu, quelque chose qui ne va pas de soi, quelque chose qui appelle à la prière, et avec elle, à l’engagement.
Dans le livre des Actes, Paul et Barnabé se séparent suite à un désaccord et partent en mission chacun de leur côté. A Corinthe, la communauté s’est développée, et c’est même un certain enthousiasme dans la foi qui semble créer de la division. Les chrétiens sont zélés et portés par la découverte de l’Évangile, ils cherchent à en découvrir toujours plus. Cela suscite des rivalités, des discordes sur la manière de vivre sa foi, autour de diverses questions : les habitudes alimentaires, les dons spirituels et même ici les figures de référence.
« Je crois à la manière de Paul et vit cette liberté qu’il a prêchée », dit l’un.
« Moi, je me réfère à Pierre, et j’essaie de me sanctifier en prenant en compte la Loi juive », dit l’autre.
« J’aime tant l’éloquence d’Apollos. Quand il prêche, l’Évangile est vraiment présent », dit l’autre.
« Vous n’avez rien compris, » dit encore un quatrième, « moi je vis directement en contact avec le Christ. »
Les expériences diverses deviennent des sources de division quand les chrétiens de Corinthe se comparent les uns aux autres pour trouver quel est le meilleur chemin pour grandir dans la foi.
(Patrick Schlüter)
Nous pourrions remplacer Paul, Pierre, Apollos par nos références d’aujourd’hui : un penseur de référence, un pasteur qui nous a marqué, notre besoin de prendre régulièrement la Sainte-Cène ou l’eucharistie, notre pratique des dons spirituels, la bonne ambiance ou les succès de notre communauté par rapport aux autres.
Qui de nous n’a jamais comparé son chemin à celui des autres, pour le trouver supérieur ou pour en être un peu jaloux ? Cela vaut au niveau personnel, mais aussi pour les regards que nos Églises ou communautés posent parfois les unes sur les autres.
Cette unité des chrétiens voulue par Jésus lui-même n’est-elle finalement pas un chemin utopique ? Peut-être faut-il faire le deuil de cette unité pour vivre le mieux possible avec ceux qui nous ressemblent ? Rester dans le chemin qui nous convient ? Ou alors, vu que le zèle conduit à la division, peut-être qu’il ne faut pas en faire trop et se dire que tous les chemins se valent sans trop en parler… D’ailleurs, j’entends souvent que la politique et la religion sont des sujets à éviter dans certaines discussions !
(Séverine Schlüter)
L’Évangile de Jésus-Christ continue d’être offert : par lui, nous sommes unis au Christ. Par lui, nous sommes frères et sœurs. D’ailleurs, on dit souvent qu’on choisit ses amis, pas sa famille ! L’unité n’est pas une option, elle est au cœur de notre identité chrétienne et c’est un appel de Jésus lui-même.
Comment vivre nos différences pour qu’elles ne nous divisent pas, pour qu’elles soient source de croissance commune ?
Avoir des figures de référence, des points de repère, c’est un besoin humain fondamental. C’est nous attachant à nos parents, ou à d’autres personnes que nous avons pu grandir. Parfois, comme enfant, nous avons : « Mon papa est plus fort que le tien ! » Comme adolescents, nous nous sommes reconnus dans un groupe – vestimentaire, musical, sportif ou autre. Nous nous sommes peut-être aussi sentis décalés, sans point de référence.
Ce besoin fondamental demeure pour nous quand nous devenons adultes. D’ailleurs, sur Facebook, il y a de nombreux groupes intitulés par exemple, « T’es du Val-de-Travers si… ». C’est important pour nous les humains d’être de quelque part, d’avoir des points de repères. C’est aussi souvent par des personnes de référence que nous avons été amenés à découvrir la foi.
(Patrick Schlüter)
C’est ce besoin de point de référence, d’appartenir à une communauté qui nous réunit, qui vous a conduit à venir ici ce matin, ou allumer votre poste de radio, ou votre ordinateur. Ce besoin est réel. Paul le reconnaît d’ailleurs quand il dit qu’il a planté ou posé le fondement et qu'Apollos a arrosé. Ce n’est pas en niant ce besoin ou en relativisant tous nos points de référence que l’unité peut se faire.
Paul invite à regarder plus loin, à ce qui nous est donné en Jésus-Christ, lui qui est venu à rencontre de manière totalement inattendue, jusqu’à mourir sur la croix.
Cet amour fou de Dieu en Jésus-Christ qui nous porte et vers lequel nous sommes appelés à aller est le point de référence de notre foi. Jésus-Christ nous sauve de tous nos enfermements et nous invite à grandir et à nous édifier dans la foi.
C’est nous attachant à Jésus-Christ que nous pouvons nous rencontrer véritablement les uns et les autres au-delà de nos différences et même grâce à elles que nous pouvons grandir.
(Séverine Schlüter)
« Vous êtes le champ de Dieu », déclare Paul à ses auditeurs.
Quand nous sommes venus habiter à la cure de Couvet, il y a 12 ans, nous avons hérité d’un grand jardin, avec des arbres fruitiers, des plates-bandes fleuries, un potager…
La première pensée qui m’est venue quand on nous a fait visiter, ça a été : ouah, tout cet espace, c’est génial ! Et la deuxième est venue tout de suite après : heu… et on fait comment pour s’occuper de tout ça ? Bon, on l’a vite constaté après quelques après-midi passés à défricher, désherber, tailler la haie, élaguer les branches et faire la chasse aux indésirables : la nature n’a pas forcément besoin de nous pour que ça pousse !
J’ai toujours été fascinée par la force de vie dont Dieu a doté la nature pour transformer une petite graine semée en terre en haricot, en carotte, en courgette ou même en énorme potiron ! En même temps, si on veut profiter des belles fleurs, de beaux fruits et légumes, profiter d’une pelouse dégagée, il faut bien y mettre du sien – il a fallu apprendre.
Apprendre aussi, à deux, que nous n’avions pas forcément les mêmes centres d’intérêt ou les mêmes priorités à accorder au soin du jardin – surtout quand il s’agit de rendre le jardin accueillant pour les invités… Si on n’a pas le temps de tout faire, vaut-il mieux avoir une pelouse bien tondue, un potager présentable, ou des branches qui ne partent pas dans tous les sens ?
Comment s’ajuster et faire que chacun ait sa place dans la relation ?
Heureusement, nous pouvons compter aussi sur l’aide précieuse de notre entourage pour apporter leurs conseils, ou arroser en notre absence !
(Patrick Schlüter)
« Vous êtes le champ de Dieu » : Paul applique cette image à notre croissance dans la foi.
Dieu a ainsi semé sa force de vie en nous, pour y faire fructifier toutes sortes de dons, d’aptitudes, de compétences. Les événements font que certaines choses surgissent sans que nous les ayons prévues, parfois belles, parfois envahissantes ou néfastes. Il nous faut alors composer avec cela pour continuer à grandir.
Il y a dans notre entourage des gens qui ont été là pour prodiguer aide et conseils, et qui ont contribué à notre croissance. Sans eux, nous ne serions pas qui nous sommes.
Le plus grand défi, là aussi, reste celui d’être et de vivre ensemble dans ce champ, avec les personnes qui suivent aussi ce chemin de foi. Même si le Christ a proclamé que nous sommes un, unis dans cette tâche, nous restons avec nos personnalités, nos forces et nos limites humaines, nos caractères, nos idées qui sont différentes. Et il n’est pas toujours facile de les concilier, de s’ajuster, de donner place en même temps aux uns et aux autres.
(Séverine Schlüter)
« Vous êtes l’édifice de Dieu », ajoute Paul. « J'ai posé le fondement et un autre édifie dessus : mais que chacun considère comment il édifie dessus. »
J’aime bien cette image, car elle nous renvoie à notre responsabilité : il y a ce que nous avons reçu, et il y a ce que nous en faisons. Cette responsabilité est à assumer pour ma vie, mais aussi ensemble, puisqu’ensemble nous sommes le champ et l’édifice de Dieu.
Pour ce faire, Paul invite à dépasser la comparaison avec les autres, à élargir notre regard et le porter plus loin, vers le Christ, et vers Dieu.
« Ainsi, ni celui qui plante ne compte, ni celui qui arrose, mais celui qui donne l'accroissement : Dieu. »
Ce n’est pas moi, ni les autres qui me donneront ma juste place, mais c’est Dieu, et le Christ qui nous unit.
Notre responsabilité, dans notre manière de construire notre vie d’Église avec les autres, est de faire de nos différences une richesse, une chance supplémentaire de croître et de grandir, grâce à d’autres atouts qui ne m’appartiennent pas.
C’est ainsi que nous serons un.
Amen.