Écouter le culte :
Frères et sœurs, dans la première lecture que nous venons d’entendre, le prophète Ésaïe nous renvoie au 4ème siècle avant Jésus-Christ. La situation du peuple d’Israël est vraiment dramatique : il est menacé de partout par les armées étrangères. Face à ce danger, le roi d’Israël, roi Achaz, n’a pas fait le bon choix. Au lieu de compter sur le Dieu d’Israël, Il a abandonné le vrai Dieu pour se tourner vers les dieux païens et s’attirer leurs faveurs.
C’est dans ce contexte là qu’une voix se lève : celle du prophète Ésaïe, pour annoncer la venue du Messie (envoyé de Dieu), qui vient sauver son peuple. Et prophète Ésaïe s’exprime en ce terme : « Voilà pourquoi, c’est le Seigneur lui-même qui vous donnera un signe : la vierge sera enceinte, elle mettra au monde un fils et l’appellera Emmanuel. »
Frères et sœurs, c’est également vrai pour nous aujourd’hui, nous qui vivons dans un monde aussi dramatique que celui du temps du prophète Ésaïe : réchauffement climatique, impunité et corruption au niveau international, spéculations financières, l’injustice, des guerres économiques et trafic d’influences... Au lieu de prendre des bonnes décisions face à ce danger qui menace toute l’humanité, nous nous sommes tournés vers ces dieux païens qui occupent une grande place dans notre vie et notre monde : ces dieux s’appellent argent, pouvoir et domination, richesses, recherche du profit, de la belle situation…
Aujourd’hui, le prophète Ésaïe invite le roi Achaz et chacun de nous à se tourner vers le seul vrai Dieu. C’est sur lui qu’il nous faut compter. En ce temps de l’Avent, nous sommes invités à retrouver le vrai sens de Noël. Il ne s’agit pas de courir après toujours plus de consommation mais d’accueillir Celui qui vient nous sauver.
Quant à la deuxième lecture, l’évangéliste Matthieu nous raconte les origines de Jésus-Christ : « Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par l’action du Saint-Esprit. » Joseph apprend donc que sa fiancée est enceinte mais pas de lui. Mais quelle triste nouvelle, quelle grande souffrance pour Joseph ! Son projet de famille semble brisé. Tout son rêve semble s’effondrer.
À contre-cœur, Joseph décide de renvoyer Marie. Cela signifie aussi qu’il renonce à être considéré comme le père de l'enfant. Mais Dieu lui demande de changer d'avis et de prendre Marie pour épouse.
Dieu a donc besoin de lui et, il lui confie une double responsabilité : prendre chez lui Marie et donner le nom à l'enfant, ce qui équivaut à en accepter la paternité. L'évangile ajoute : « Une fois réveillé, Joseph fit comme l’Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse. »
Comment alors comprendre tout cela et quel lien avec notre situation d’aujourd’hui ? Comment comprendre cette histoire qui paraît aussi déroutante que paradoxale ?
Je vous invite, chers frères et sœurs, à analyser très attentivement cette histoire afin de trouver une clé d’interprétation ou de compréhension.
Remarquons tout d’abord que dans ce passage de l’évangile selon Matthieu, Joseph qui est au centre du récit, qui a tant d’importance dans ce récit, lui qui est à l'avant-scène, lui à qui s'adressent tous les messages du ciel, il ne parle pas, il agit tout simplement.
De mon point de vue, je pense que la clef de compréhension de ce passage réside dans ces mots : « Joseph, qui était un homme juste… »
Mais dans la Bible qu’est-ce qu’un homme juste en effet ? Un homme juste, c’est un homme qui connaît Dieu, qui l’aime de tout son cœur, et qui s’applique à faire sa volonté. C’est un homme « ajusté » à Dieu, à sa volonté, c’est-à-dire, qui règle son agir en référence à la Parole de Dieu, à ses commandements et à ses lois; qui laisse éclairer son agir, sa conduite, ses décisions par la lumière de la Parole de Dieu, ses commandements et ses lois.
Or, que commande la loi juive lorsqu’une jeune fille vierge fiancée à un homme couche avec un autre homme ? « Vous les conduirez tous deux à la porte de la ville et vous les lapiderez jusqu’à ce que mort s’ensuive. » (Deutéronome 22, 23-24)
Frères et sœurs, si Joseph était véritablement un « homme juste » au sens biblique, il aurait dû, en raison de l’adultère de sa fiancée, ordonner la lapidation de Marie. Ce qu’il n'a pas fait… Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Certains diraient très rapidement que l’amour rend aveugle ! Plutôt que de la faire lapider selon la loi juive, il se résout de la répudier discrètement. Par cette idée, peut-être que Joseph est convaincu de la fidélité de sa fiancée. Et s’il est juste, selon la loi juive, de lapider une femme adultère, il ne l’est absolument pas de lapider une femme innocente. C’est peut-être ça qui le retient à la dénoncer publiquement.
En tant qu’un homme juste, Joseph fait donc une lecture de foi de ce qui lui arrive. Il se dit : « Ma fiancée a conçu du Saint Esprit. L’enfant qu’elle porte est le Fils de Dieu – il est Dieu, en personne. Si j’épouse Marie, et que je la prends chez moi, que va-t-il se passer ? Eh bien : les gens croiront que c’est moi, Joseph, qui suis le père de cet enfant ! Ils vont penser que cet enfant est mon fils – et non pas le Fils de Dieu ! Aussi, en restant avec Marie, je risque de faire échec à la volonté de Dieu qui est de manifester à Israël et au monde sa gloire par la conception mystérieuse. Je dois donc m’effacer… »
Et c’est en cela que Joseph se révèle juste. Il est juste, parce qu’il veut de toute son âme que la volonté de Dieu s’accomplisse. Or, la volonté de Dieu, c’est que Marie donne naissance au Fils de Dieu – et que celui-ci soit reconnu comme tel par tous les hommes. Parce que sa présence auprès de Marie risque de semer le doute sur la paternité authentique de l’enfant, Joseph choisit de se retirer discrètement, humblement, et de répudier Marie en secret.
Il ne veut s’approprier, en aucune manière, cette postérité qui vient de Dieu. C’est à ce moment que l’ange lui apparaît en songe et lui dit : « Joseph, Fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse. L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils auquel tu donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : le Seigneur sauve) car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Non seulement Dieu ne demande pas à Joseph de s’effacer, mais il lui demande tout au contraire de rester : de prendre Marie pour son épouse et d’introduire l’enfant dans sa maison ; puis de donner son nom à l’enfant – ce qui revient, selon la coutume sémitique, à assumer la paternité légale de l’enfant ! C’est la raison pour laquelle l’ange interpelle Joseph par l’expression « Fils de David » : pour lui rappeler que le Messie doit s’inscrire, selon le plan de Dieu annoncé par les prophètes, dans la descendance de David. Et que c’est par son propre lignage – à lui, Joseph – que Jésus deviendra Fils de David, et accomplira en sa personne les promesses de Dieu. Si Jésus n’est pas Fils de David, il ne pourra être reconnu comme le Messie. Or, c’est par Joseph – et non par Marie – que Jésus va pouvoir être reconnu comme le Messie annoncé
Dieu ne fait jamais rien pour l’homme sans l’homme. Le fait de Marie a toujours inspiré à l’humanité une reconnaissance infinie envers celle qui a accepté d’être la mère du Sauveur. Mais on a tendance à oublier que Joseph, lui aussi, a été partie prenante de la grande aventure de la Rédemption.
Dans notre vie aussi la volonté des dieux est souvent déroutante, pourtant si nous l’acceptons, si nous la vivons, alors tout devient grâce. Puissions-nous devant cet Évangile, nous mettre nous aussi à l’écoute de la volonté des dieux, afin qu’il puisse se servir de nous, pour le salut des âmes. Puissions-nous adhérer pleinement à sa volonté et trouver en lui notre paix, notre bonheur.