Jonas est un livre qui n'est pas historique et qui n'est pas à prendre comme une vérité littérale. Le livre date du 5e siècle et parle d'une conversion fictive des habitants de Ninive - une ville déjà détruite depuis longtemps ! Le livre est plein d'humour et Jonas représente pour moi le serviteur de Dieu, inintelligent, peureux et râleur qui me renvoie beaucoup à mon image de moi-même. Le livre commence avec un appel de Dieu d'aller à Ninive. Esaïe aurait obéi, mais pas Jonas, qui part pour l'Espagne. Pendant le voyage le bateau rencontre une tempête. Jonas est jeté à la mer et se fait manger par un poisson. Par cette intervention divine, il se rend compte que la puissance de Dieu n'est pas limitée au seul territoire du peuple d'Israël. De retour sur la terre ferme, Jonas reçoit l'appel de Dieu une deuxième fois et proclame la parole de Dieu aux habitants de Ninive qui réagissent favorablement. Jonas est furieux.
Jonas est l'exemple d'une espèce horriblement moderne ; c'est un intégriste. Il est fâché quand Ninive se repent et écoute la parole de Dieu. Jonas n'accepte pas que Dieu soit un dieu pour tout le monde, même ceux qui ne sont pas comme lui - ni de sa race, ni de sa religion. L'intégriste est plutôt en faveur d'une race, d'un pays, d'une religion, la sienne de préférence ! A Jonas, qui s'apitoie sur le sort d'une pauvre plante, Dieu répond avec une question : " Et tu voudrais que moi, je n'aie pas pitié de Ninive ? ". Par cette question Dieu reprend Jonas.
De nos jours, il y a de nombreuses formes d'intégrisme dans divers domaines. Nous avons entendu les discours intégristes lors de la Conférence de l'OMC à Seattle et nous n'avons pas oublié la phrase de Madame Thatcher : " There is no alternative. ". C'est une forme d'intégrisme néolibéral et économique. Mais ce qui nous intéresse, c'est l'intégrisme religieux. Il y en a tant de formes modernes qu'on est en droit de se demander pourquoi ces attitudes sont aussi répandues : talibans en Afghanistan, ultra-orthodoxes en Israël, Lefebvre et le film de Scorcese, fatwa contra Salman Rushdie, fondamentalistes anti-avortement et anti création en Amérique. Ces mouvements sont présents dans toutes religions et dans toutes les églises. Ils sont un phénomène de notre temps.
Le fondamentalisme est une réaction contre le monde de notre temps, laïc pluraliste, postmoderne dans l'art (Picasso) ou en physique (Heisenberg). Dans un monde d'évolution rapide, beaucoup cherchent une (fausse) sécurité dans l'interprétation d'une foi historique et essayent de posséder la vérité. La deuxième attitude de plusieurs de ces mouvements intégristes est d'essayer de transformer leur foi en une règle soutenue par un pouvoir politique. Ces attitudes touchent tout mouvement religieux ; un groupe qui croit qu'il possède la vérité rejette les autres et devient naturellement exclusif, violent, limité, totalitaire, antidémocratique et essaie de réduire la liberté des autres, et de limiter ou de supprimer leur droit de parole. Leurs programmes ressemblent à un nouvel âge des ténèbres. Les racines de l'intégrisme sont en nous-mêmes - la peur de ne pas être aimé par Dieu ; Dieu confondu avec "père" par un adulte-enfant qui veut supprimer ses rivaux par peur de ne pas avoir le plus grand morceau de gâteau. Une autre racine en nous est la peur de ne pas être digne de l'amour de Dieu (culpabilité) qui pousse souvent aux extrêmes en essayant de satisfaire Dieu par des règles vestimentaires ou alimentaires.
Jonas a compris que Dieu aime les autres ! Dans le lieu où nous sommes, Saint-Pierre, nous proclamons une nouvelle théologie protestante. La peur de ne pas être aimé n'y a pas sa place - Dieu nous a envoyé son fils non à cause de nos qualités, mais malgré nos défauts. Jésus n'est pas venu pour nous culpabiliser, mais pour nous déculpabiliser : " Vous connaîtrez la liberté et la liberté vous rendra libres. " Notre théologie protestante nous a aidés à combattre l'intégrisme tout au long de l'année 1999, dans l'accueil de l'Abbé Pierre en janvier, dans l'accueil du Dalaï-Lama en août et la signature de l'appel de Genève en octobre.
Nous regardons les autres non comme des ennemis, mais comme des enrichissements. Nous accueillons le Dalaï-Lama non pas parce que nous sommes bouddhistes ou syncrétistes, mais parce qu'il est un homme de bien qui a des choses importantes à nous dire. Nous n'avons pas les réponses aux questions de l'humanité telles que: "Pourquoi mon enfant est mort ? " ou "Pourquoi les catastrophes ? ", mais nous avançons avec espoir, convaincus de l'amour de Dieu qui nous répondra une fois. Quelle foi, quelle expérience, quel avenir ! Tout est centré pour nous autour de la personne de Jésus-Christ, pas forcément dans les théories, mais dans les paraboles (le bon Samaritain, le fils perdu), les rencontres (Zachée, Nicodème, la Samaritaine) et les paroles, surtout les Béatitudes.
Christ a interprété Jonas non pas comme un texte intégriste, mais comme un signe et une raison pour changer de comportement. Amour pour le prochain, pour Dieu, pour soi-même. Notre Christ n'est pas intégriste, mais tolérant avec espoir et lumière. Voilà son rôle et voici le nôtre.