Sauvés, uniquement par Jésus de Nazareth !

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Vous l'avez entendu, il y avait, réunis pour interroger les apôtres Pierre et Jean, Anne, le grand prêtre, Caïphe, un nommé Jean, un Alexandre et puis des chefs des juifs, des anciens et des maîtres de la loi. Vous auriez aimé être debout devant ce tribunal ? Anne était l'ancien président de cette haute assemblée. Caïphe, son beau-fils, était le grand-prêtre en fonction, il l'était déjà lorsque Jésus avait été condamné. Ce Jean et cet Alexandre ne peuvent être sûrement identifiés. Peu importe ! Rien que l'énumération de ces noms suffit à nous les rendre impressionnants.
On les imagine d'abord un peu comme ces portraits d'ancêtres accrochés dans les musées et les châteaux et qui, graves, silencieux, hautains suivent du regard nos fragiles démarches. Ou bien, ne nous font-ils pas penser à tel parent ou collègue ou même paroissien qu'une fois ou l'autre, nous avons davantage ressenti comme un organe de contrôle de nos idées, de nos façons de faire ou même de notre spiritualité, plutôt que comme frère, sœur ou ami sur le chemin de la vie ou de la foi.

Caïphe, Anne et les autres, nous les imaginons facilement aussi comme ces petits tyrans familiaux ou professionnels ou de quartier ou de maison, dont la présence même silencieuse retient notre libre expression et nous fait marcher sur des œufs. On les imagine encore comme ces grands de la réussite, de l'expérience, de la situation, des relations privilégiées, de l'argent, d'autant plus débordants d'assurance que plus on réussit plus on est porté à penser que c'est grâce à soi tout seul. Ces " grands " que le petit écran nous montre dans un cadre et sous un angle qui les rend encore plus imposants, même si raisonnablement, il n'y a vraiment pas de quoi toujours s'émouvoir.
Et puis, nous les imaginons enfin et surtout tels que, tout à coup, nous nous voyons nous-mêmes, lorsque les autres nous avouent - mais peut-être ne nous l'avoueront-ils jamais - " je n'osais pas te dire, je préférais que tu ne saches pas ", " j'avais peur de ta réaction, de ton jugement. "
Il y avait toutes ces hautes et lourdes personnalités et puis Pierre et Jean, sommés de s'expliquer suite à la guérison d'un infirme et suite aux propos qu'ils ont tenus à la foule au sujet de Jésus " que Dieu a ressuscité ", comme ils disent.
Pierre et Jean sortent d'une nuit de prison et ont à répondre du double délit de prétention et d'hérésie. Ils prêchent sans formation : " Ce sont des hommes simples et sans instruction " pensent les membres du Sanhédrin. Et ils prêchent la résurrection alors qu'une bonne partie de l'assemblée est formée de prêtres du parti sadducéen qui contestent l'idée de résurrection. Et à combien plus forte raison lorsqu'il s'agit de la résurrection de ce Jésus que l'on pensait avoir éliminé.

Pierre et Jean devant Caïphe, Anne et les autres, comme voici peu Jésus, lui-même. Mais Pierre n'est pas Jésus. Vous vous souvenez, il y a quelques semaines il battait en retraite devant la servante du grand-prêtre. Que va-t-il dire ici ? Rien peut-être ! C'est tellement tentant de ne rien dire. Les mots sont difficiles à trouver, surtout lorsqu'il s'agit d'exprimer sa foi. Est-ce qu'on va être compris ? Est-ce le bon moment? Ne va-t-on pas bloquer, choquer, braquer ? Et si ça ne servait à rien. Et comment va-t-il être reçu ; c'est tellement douloureux d'être mal reçu lorsqu'on cherche à partager ses convictions !
Que va dire Pierre ici ? Mais déjà la première question des juges du Sanhédrin claque : " Par quel pouvoir et au nom de qui avez-vous accompli la guérison de cet infirme ? " Alors Pierre " rempli du St Esprit ", leur dit… Rempli du Saint-Esprit : déjà rien que l'expression nous rassure, et le grandit à nos yeux. Parce que nous savons la promesse du Christ à ses disciples dans l'Évangile : " Quand on vous conduira pour être jugés, ne vous inquiétez pas, le St Esprit vous enseignera ce que vous devez exprimer. " Il y a une sagesse que donne l'Esprit. Et nous savons que là où est l'Esprit, là est la liberté, et notamment une certaine liberté de dire ce qui nous tient à cœur. Et nous croyons qu'il y a une énergie que donne l'Esprit : là où il est accueilli, il devient audace, courage, volonté de dire et de vivre quelque chose de l'Évangile.
Pierre, inspiré et affermi par cet Esprit, répond : " Chefs du peuple et anciens, il faut que vous le sachiez : cet homme autrefois infirme se présente devant vous en bonne santé par le pouvoir du nom de Jésus-Christ de Nazareth, celui que vous avez cloué à la croix et que Dieu a ramené de la mort à la vie. " Pierre a répondu, et au travers de sa réponse, face à ces grands noms, Caïphe, Alexandre, Anne un autre nom a surgi, celui de Jésus de Nazareth.
Dans la réponse de Pierre, résonne un nom qui vient au côté de Jean et de lui contre les autres noms de l'assemblée ? Pas du tout ! Pierre convoque-t-il Jésus pour rajouter une corde à son arc? Pas davantage.

Écoutez-le, Pierre continue " C'est le seul nom par lequel nous puissions être sauvés. ", " nous ", nous tous, toute cette assemblée et toutes les femmes et tous les hommes. Jésus-Christ ressuscité pour Pierre et Jean et pour donner une même forte assurance à tous ceux que risquent de faire vaciller dans leur foi et dans leur vie, les événements, les fatigues ou les gens ; Jésus-Christ ressuscité pour sauver celui qui est tenté de se recroqueviller sur lui-même, pour élargir sa liberté face à tout ce qui intimide ou décourage, pour lui redonner par Son Esprit " suc et vigueur ", comme dit Calvin. Jésus-Christ ressuscité pour prendre corps dans la vie de tous ceux qui l'accueillent et faire de leur existence une manifestation de Dieu, un signe de la présence de Dieu ; Jésus-Christ vivant pour Pierre et Jean, mais aussi pour Caïphe, et pour Anne et pour Alexandre ; Jésus ressuscité pour sauver tous ceux que le pouvoir ferme et déforme, pour guérir ceux dont la présence est devenue un poids ; Jésus ressuscité pour tous ceux chez qui le pouvoir " s'use ", comme on dit, mais en fait ce n'est pas leur pouvoir qui s'use, au contraire il enfle, mais c'est leur esprit de service qui est usé ; Jésus ressuscité pour faire renaître chez le puissant et le moins puissant l'attention à l'autre, le goût de servir, le discernement de la présence de Dieu même là où on n'imagine pas qu'elle puisse être.
" Il n'y a qu'un nom par lequel nous puissions tous être sauvés ", recréés pour vivre maintenant et éternellement avec Dieu.

Pierre s'est tu. Il laisse les membres du Sanhédrin désarçonnés. Face à la présence de l'infirme guéri, face à l'assurance de Pierre et Jean, face au nom de Jésus qu'ils avaient cru éliminé, ils sont tellement déstabilisés qu'ils sont obligés de se retirer pour reprendre leurs marques et reconstituer leur défense. Ils sont bouleversés, comme nous le sommes-nous peut-être aussi si nous réalisons ce qui nous est annoncé ici : le nom de Jésus-Christ, le rayonnement de Jésus-Christ, la force de son Esprit, la vérité de ses Paroles peuvent nous guérir de nos faiblesses, celles qui nous rapprochent de Pierre et de la peur dont il a lui-même été délivré, ou celles qui nous rapprochent des grands du Sanhédrin - car c'est aussi une faiblesse qui nous fait mésuser de nos pouvoirs.
Finalement, Pierre, Jean et les membres du Sanhédrin se séparent. Ne reste en scène que l'infirme de naissance " miraculeusement guéri au bout de 40 ans ", nous dit-on : signe prometteur, témoin que Dieu ne renoncera ni devant la gravité des échecs et des reniements des uns, ni devant l'endurcissement durable des autres. Dans son projet, il ne nous perd jamais de vue et c'est pour cela qu'il fait résonner au milieu de nous jusqu'à aujourd'hui, le seul nom par lequel nous puissions être sauvés : Jésus de Nazareth.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Edith Lang
Musique
Fanfare de Gland, dir. François Hoffmann