Notre alliance à nous, c'est d'abord le cadre où nous vivons : cette impressionnante vallée des Ormonts, dans laquelle on pénètre dès la sortie d'Aigle et qui tarde à s'évaser à la hauteur du Sépey et des Mosses (c'est Ormont-Dessous!). Et sitôt le Sépey passé, on entre à nouveau dans l'étroite vallée, tout juste interrompue par les replats du Rosex et de Vers-L'Eglise, quand enfin s'ouvre une petite plaine inattendue, barrée par la masse du Scex-Rouge et des Diablerets. Nous sommes au Plan-des-Isles. Et il faut un col, le Pillon, pour nous offrir une sortie discrète vers la Suisse allemande.
Notre alliance à nous, c'est notre paysage. On est bien ici, enfermés peut-être, mais entre nous, presque au chaud malgré le glacier ! Et beaucoup peuvent dire : "C'est ici que ma famille a toujours vécu; mon histoire ici dure depuis des siècles; cette vallée, je la connais et je sais comment y vivre".
Il y a ici, de longue date, comme une alliance entre l'homme et la nature, une nature qui peut être meurtrière quand elle descend en avalanches, mais qu'on apprend cependant toujours à apprivoiser. Vous l'apprivoisez, cette nature, vous qui avez "remué" en ce début de juin, avec votre bétail, vers les chalets de Chersaule, la Ville, la Dix, Isenau, Retaud, Arpille et les Mazots. Vous l'apprivoisez aussi, vous qui aimez vous élancer librement vers les sommets, vous laisser glisser sur la neige ou dans les airs.
Et blottie au creux de la vallée bleue chère au peintre Parisod, dans son écrin de sapins et de pâturages, voici la petite église de la paroisse, d'où nous célébrons le culte ce matin. Elle aussi, la petite église, fait partie du paysage. Elle aussi est un élément de l'alliance que nous avons conclue avec notre paysage. Beaucoup ici, vacanciers comme indigènes, peuvent dire : "C'est là que nous avons été baptisés. C'est là que nos enfants se sont mariés. C'est là peut-être qu'à notre mort notre corps sera déposé l'espace d'un culte avant d'être enfoui dans la terre voisine". Cette église au creux de la vallée, aussi bien que les chalets bruns des Jeans ou les cascades de Creux-de-Champ, nous est nécessaire, nous assure que chaque chose est bien à sa place, que le monde est stable, que l'alliance tient bon.
Mais voici qu'aujourd'hui la Bible, lue en communauté et dans un esprit de prière, nous parle d'une autre alliance, nous appelle à choisir une alliance de vie, une alliance qui donne la vie: l'alliance non seulement de l'homme avec la nature, mais de l'homme avec son Dieu. Et non seulement la Bible nous en parle, mais encore un de ces versets, une de ces sentences comme il y en a beaucoup sur la façade de nos chalets. Ecoutez : "L'alliance spirituelle que Dieu a traitée avec nous suivant la promesse qu'il a jadis faite par Jérémie consiste en ceci qu'il écrira par son Esprit la justice de la Loi en nos coeurs". Cette parole se trouve sur un vieux chalet des Diablerets, portant la date de 1648.
La promesse faite jadis par Jérémie, elle vous a été rappelée ce matin, au chapitre 31 du livre du prophète. Et de l'alliance nouvelle inscrite par l'Esprit de Dieu dans les coeurs, il est question aussi dans la seconde lettre de l'apôtre Paul aux Corinthiens.
Il y a donc notre alliance, l'alliance de nature avec le cadre où nous vivons. Et cette alliance peut être si forte, que même des jeunes diront : "Je ne me vois pas vivre ailleurs". Et il y a l'alliance que Dieu a instituée en notre faveur, quand il a envoyé son Fils Jésus-Christ. Et cette alliance, c'est aussi comme un cadre de vie que Dieu nous donne, à l'intérieur duquel nous allons pouvoir grandir spirituellement.
La nature qui nous entoure fait d'ailleurs partie de l'alliance de Dieu: il nous la donne à cultiver et à garder, à aimer aussi, de sorte que nous puissions lui dire chaque jour : "Seigneur, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre".
Mais l'alliance, le cadre de vie dans lequel Dieu nous place pour que nous le rencontrions, pour que nous le découvrions comme notre Père, c'est surtout la foi en son Fils crucifié et ressuscité. Après tout, nous ne discutons pas, nous admirons plutôt le cadre de sommets, de torrents, de forêts et de pâturages où nous respirons. Si Dieu a choisi, pour cadre à notre rencontre, de nous envoyer son Fils Jésus-Christ, pourquoi discuter ? Pourquoi chercher ailleurs ? Admirons ! Rendons gloire !
D'autant que, comme dit la Bible, cette alliance est une alliance nouvelle parce qu'elle fait de nous d'authentiques vivants, des porteurs de vie. Comment cela ? Justement en nous faisant rencontrer Jésus. N'avez-vous pas entendu son appel dans l'Evangile d'aujourd'hui ? "Si quelqu'un a soif, nous dit-il, qu'il vienne à moi et qu'il boive: celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son coeur". Voilà ce qui nous est donné, quand nous approchons de Jésus dans la foi. La rencontre, la relation quotidienne avec Jésus vient mettre en nous comme une source de vie jamais à sec, quelque chose que nous donnons aux autres sans même nous en rendre compte : la sagesse de Dieu, la vérité de Dieu, l'amour de Dieu, l'Esprit.
De la sorte, ce n'est plus tellement le cadre de vie, notre travail, notre place dans la société, la nature qui nous entoure, nos loisirs, nos habitudes qui nous tiennent et nous font exister. Ce qui nous fait exister, ce qui représente pour nous l'alliance nouvelle qui ne passe pas, c'est la rencontre de Dieu en Jésus Christ, c'est le pardon de nos fautes par le sang de Jésus, c'est la méditation des Ecritures et la conduite de vie qui en découle, c'est la pratique de la prière et de la communion. Et si nous avons le privilège, ici, de travailler ou pouvoir nous détendre dans un cadre de beauté, combien plus l'alliance nouvelle de Dieu nous introduit-elle dans une vie de beauté, de justice, de joie et d'amour, au-dessus de laquelle il n'y a rien à espérer.
L'avait-il compris, cet Abram Isabel qui fit peindre sur la façade de son chalet, en 1648, l'inscription qui nous occupe aujourd'hui ?
A la rigueur, il aurait pu, comme tant d'autres, se contenter d'une vague demande de protection sur son chalet et sa famille. Il serait resté alors dans l'Ancienne Alliance, où Dieu n'intervient que pour protéger ou punir. Mais, dans l'alliance nouvelle, Dieu est aimé, et, quoi qu'il arrive, on s'ouvre toujours de nouveau à son amour. Et Dieu, c'est dans le coeur qu'on le reçoit. Il est là, en nous, par le Saint-Esprit, pour faire de nous des êtres de paix et de confiance, capables de porter sur les gens et les choses un regard de bonté et d'admiration.
"L'alliance spirituelle... Dieu, par son Esprit, écrira sa justice dans nos coeurs". Alliance nouvelle de Dieu. Nouvelle, en ce qu'elle ne consiste pas seulement à remettre l'église au milieu du village. Nouvelle, en ce qu'elle est bien plus qu'une tradition à respecter. Alliance nouvelle, uniquement par ce que Dieu, maintenant, choisit de faire en nous sa demeure par son Esprit.
Et Dieu fait là un choix redoutable et merveilleux. Il faut oser choisir d'habiter dans des êtres tels que nous, fragiles, changeants, constamment infidèles. Il faut oser nous confier sa Parole. Avez-vous lu ce que Paul écrit à la communauté chrétienne de Corinthe ? "Vous êtes manifestement une lettre de Christ, écrite non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les coeurs".
Et à ce choix de Dieu, nous sommes appelés à dire amen. Car comment l'Esprit de Dieu pourrait-il écrire quoi que ce soit en nous si nous ne lui disons pas amen ? L'alliance nouvelle, l'alliance spirituelle, apparemment si importante pour notre lointain paroissien de 1648, c'est quand Dieu et l'homme se retrouvent, s'unissent et collaborent par l'Esprit. Quand Dieu dit : "Voici mon alliance, voici le cadre dans lequel tu peux vraiment vivre, aimer, respirer, grandir". Et quand je lui réponds :"Amen, Seigneur, que ta volonté soit faite ! Inscris dans mon coeur, dans ma vie, dans mes pensées et mes actes, tes paroles de vérité et d'amour".
Et Dieu, alors, ne nous dit plus seulement sa présence par de vieux livres, par des versets à demi effacés sur les façades de nos chalets, par le clocher des églises ou les croix des cimetières. Il dit sa présence par des êtres vivants, par des hommes très imparfaits comme vous et moi. Qu'il y ait donc, ici à Ormont-Dessus, et partout où vous êtes, vous qui nous écoutez par la radio, comme une lettre vivante du Seigneur. Et que cette lettre, ce soit vous.
Amen.