Faire confiance à Dieu, c'est faire confiance à l'amour

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Guérison d'une femme et résurrection de la fille de Jaïros... Un titre, un choix déjà, une orientation particulière... L'histoire d'une femme et d'un homme en réalité.
Une femme, la Bible ne nous révèle pas son nom, mais une ancienne tradition latine parle de Véronique. Alors nous l'appellerons Véronique. Un homme, Jaïros, Jaïrus, donc Jaïre.
Une femme et un homme qui souffrent. La femme, Véronique souffre depuis 12 ans. L'homme, Jaïre après 12 ans de bonheur, semble-t-il, vit un véritable cauchemar. Cette souffrance est celle de deux égoïstes. Véronique égoïste vit un amour de soi replié, un amour sans ouverture vers les autres.
Jaïre égoïste vit un amour exclusif pour sa fille, "sa petite fille", un amour qui étouffe.
Deux sortes d'amour bloqués, fermés, faussés et mortels. Oui, deux amours mortels, l'amour-replié de Véronique, et l'amour exclusif de Jaïre... deux amours qui ont bien besoin de l'amour de Jésus pour être transformés et vivre. Et c'est bien là l'extraordinaire des miracles, Jésus transforme deux amours-mortels en amour-vies. Et il le fait d'une manière plutôt non-conventionnelle, c'est le moins que l'on puisse dire.

Ainsi "il y avait là une femme qui souffrait d'hémorragie depuis douze ans". Quel drame pour cette femme ! "Quand une femme est atteinte d'un écoulement de sang pendant plusieurs jours en dehors de sa période d'indisposition ou que l'écoulement se prolonge au-delà de son temps d'indisposition, son impureté dure aussi longtemps que dure l'écoulement" dit la Loi (Lévitique 15,25).

Ainsi Véronique est impure, tout contact lui est interdit, et cela dure depuis douze ans. Depuis douze ans ce qu'elle touche devient impur, son lit, les objets sur lesquels elle s'assied. Si elle touche quelqu'un, il devient impur. Tout contact physique lui est donc interdit. Douze ans sans poignées de mains, sans embrassades, sans une seule caresse, sans un seul baiser, sans un seul geste affectueux, sans relations, sans amour.
Véronique est seule, complètement seule, repliée, l'amour de femme dont elle est capable est replié. Pauvre femme malade, rejetée - elle n'est même pas censée paraître en public - oui, mais dans sa souffrance elle reste une personne responsable. Son problème est de ne pas croire en la possibilité d'aimer et d'être aimée. Ce n'est pas à cause de sa perte de sang qu'elle ne peut plus avoir de contacts, de relations humaines. C'est juste le contraire : elle craint le contact, la relation, elle a peur de faire confiance à l'amour.
Voilà ce qui l'a rendue malade. La maladie lui confirme sa peur, sa crainte, son angoisse face à la relation humaine.
En fait les seules relations que Véronique continue d'avoir sont du domaine professionnel. Elle dépense son avoir auprès des médecins. Elle se saigne sans fin à dépenser tout son argent. Elle ne reçoit rien en retour, elle ne veut rien en retour, la guérison l'obligerait à la relation.

Véronique s'est installée dans sa honte, enfermée dans son problème, dans sa souffrance, dans son amour replié, elle vit retranchée de la société et de Dieu. Et soudain, une idée étonnante lui vient : toucher Jésus. Toucher Jésus, mais elle ne peut le faire que sous forme de vol, en douce, par-derrière, comme quelque chose d'inconvenant.
Véronique se cache dans la foule. Assumer sa responsabilité, faire face à Jésus lui est impossible, elle profite de l'anonymat de la foule, touche Jésus par-derrière.
"Qui m'a touché ?" Jésus n'accepte pas un contact volé. "Quelqu'un m'a touché !" Jésus insiste, pas question pour lui d'une relation dérobée. Véronique se sent démasquée, elle qui a passé sa vie de femme dans la honte d'être une femme doit avouer devant tout le monde qu'elle a volé ce contact.
Devant la foule elle doit confesser qu'elle a rendu impur, qu'elle a pollué un homme. Et elle tremble d'autant plus que non seulement elle a violé la loi, mais que son geste a eu un effet incroyable : elle se sent guérie, elle est guérie, miracle inespéré.

Jésus, trompé, rendu impur, que va-t-il dire ? Va-t-il accepter cette guérison volée ? Véronique tremble, tente d'expliquer, ne comprend plus vraiment la portée de son geste.
"Ma fille, ta foi t'a sauvée. Va en paix". La réponse de Jésus est un vrai miracle en soi. Trompé, triché, souillé, bafoué en public, dépouillé d'une partie de sa force, Jésus loin de se fâcher, loin d'en vouloir à cette femme la justifie.

Véronique tu as eu bien raison. Ton geste, ce geste imparfait, ta démarche, je l'approuve. Dans ta maladresse, tu as montré ta foi. En me touchant, tu as déplié ton amour. En me souillant - comment pouvais-tu faire autrement - tu t'es libérée de l'interdit, de cet interdit d'aimer que tu t'étais imposée à toi-même.
"Ta foi t'a sauvée", dans ton imperfection, avec ta capacité d'amour imparfaite, tu as fait fonctionner le miracle, tu as fait fonctionner le mécanisme de guérison.
"Va Véronique, dit Jésus, va en paix". Va avec ta féminité enfin trouvée, ton amour déplié, ton amour offert, enfin.

Enfin, car pendant ce temps Jaïre attend !
Lui, un chef de synagogue, qui s'est déjà humilié publiquement aux pieds de Jésus. Lui, Jaïre, le si bon père, qui dans une société où les filles n'avaient somme toute pas tellement d'importance, se déplace pour sa fille.
Lui le seul papa qui dans les évangiles se dérange pour sa progéniture. Il attend, il est en train de perdre un temps précieux... et c'est trop tard.
"Ta fille est morte.", lui annonce-t-on.. D'un seul coup, tout s'écroule pour Jaïre. L'objet de son amour, sa "petite-fille" est morte. Sa "petite-fille" ? Mais une fille à l'aube de la nubilité, est-elle si petite, à douze ans ? On devine l'amour exclusif de ce père, un amour si fort qu'il suffoque la fille. Cette "petite fille" est prise au piège de l'amour de son père. Il la maintient cette petite dans sa sphère à lui, il la veut dépendante de son amour possessif. Oui, elle sera toujours la petite, elle ne peut grandir. Et finalement, elle ne peut plus vivre, étouffée par cet amour paternel si contraignant.

Quel drame, l'amour exclusif du père a tué la fille. Jaïre totalement désorienté ne dit plus rien.
"Sois sans crainte; crois seulement et elle sera sauvée." C'est Jésus qui prend l'initiative. Que faire ? Autour de Jaïre les gens qui attendaient un miracle de Jésus n'attendent plus rien parce que pour eux la mort est plus forte que Dieu.
"N'ennuie plus le maître".
La fille est morte, tout est perdu, et pourtant ce père accepte l'offre de Jésus d'aller voir la morte tout de suite. L'offre d'un Jésus, désormais impur, jusqu'au soir selon la loi.
À la maison tous sont là pour la cérémonie funèbre, et se moquent de Jésus.
Jaïre va-t-il céder à la pression sociale ? Non, au contraire, il laisse Jésus, à proprement parler, les éjecter de chez lui. Quelle indécence ! Est-ce que cela vous est déjà arrivé d'être éjecté d'un service funèbre ? Jaïre accepte cela, chez lui, et le miracle s'accomplit : la fille revient à la vie.
La fille, pas la petite chérie de son papa. La fille, qui pour Jésus a besoin, non pas d'amour, mais de manger. La fille, revenue à la vie, pour elle-même, au sein de sa famille, avec son papa et sa maman.

Voici donc l'histoire de cette femme égoïste, Véronique et l'histoire de cet homme égoïste, Jaïre.
Véronique, incapable d'accepter l'amour, impure, vivait en recluse son amour replié.
Jaïre, le père modèle, débordait d'un amour si exclusif pour "sa petite fille", qu'il l'étouffait.
Véronique et Jaïre vivaient tous deux des amours bloqués, fermés, faussés, mortels. Alors désespérés, ne sachant plus que faire, ils ont pris le risque de faire confiance à Jésus qui est amour. Comment l'ont-ils fait ? Tout simplement avec leur amour bloqué, fermé, faussé et mortel, car ils n'en connaissaient pas d'autre, ils ont parié sur Jésus. Et Jésus a accompli le miracle.
Jésus déplie l'amour replié de Véronique qui enfin peut s'ouvrir vers l'autre.
Jésus libère l'amour exclusif de Jaïre qui enfin peut laisser vivre sa fille.

Frères et soeurs en Christ, chers auditrices et auditeurs... o combien d'amours exclusifs, repliés, bloqués, fermés, faussés et mortels autour de nous, parmi nous, en nous !
O combien de miracles possibles pour les transformer.

Faire confiance à Dieu, c'est faire confiance à l'amour, à son amour parfait qui transforme nos amours imparfaits.

Amen.