Vous tous qui écoutez depuis votre domicile, votre lit d'hôpital ou d'EMS, votre voiture, vous tous qui êtes là, présents en chaire et en os - de cœur et d'esprit aussi j'espère, - et vous surtout, vous d'abord, chers catéchumènes, puisque nous avons cheminé ensemble toute cette dernière année, au moins, et que nous nous sommes un peu découverts les uns les autres.
Vous avez soif de justice, les inégalités planétaires vous choquent, et vous avez raison !
Les intolérances et les fanatismes de tous bords, surtout religieux, vous scandalisent, vous avez raison !
Les menaces qui pèsent sur notre environnement vous inquiètent, vous avez encore raison !
Le scandale du mal, sous toutes ses formes, vient nous cogner de diverses manières. Vous y êtes hypersensibles ! Vous n'êtes pas les seuls ! Il cogne, le mal, à travers des images qui nous envahissent. Il cogne parce que, pour beaucoup, il ne s'agit justement pas d'images, mais de la réalité même qu'ils vivent. Il cogne parfois, souvent même, dans le quotidien de vos vies personnelles, familiales, scolaires. Certains d'entre vous, déjà, portent de lourds fardeaux.
Vous ne comprenez pas pourquoi c'est comme ça. Vous ne comprenez pas pourquoi Dieu laisse faire. Ce serait son travail, à Dieu, non ? De mettre un peu d'ordre dans le monde. Non pas de résoudre tous les problèmes comme un magicien, mais au moins - au moins ! - de contenir le mal dans des proportions acceptables ; d'éviter par exemple que des millions d'innocents, les enfants par-dessus tout, paient les erreurs ou les méfaits des autres. Ce serait son rôle, à Dieu, d'utiliser sa puissance pour mâter les forces ténébreuses qui habitent le monde ou pour y projeter sa lumière de façon un peu plus évidente !
Nous sommes des millions, au fond, à attendre ça de Dieu ! Mais au moment où nous nous tournons vers Dieu pour lui dire : " Que fais-tu ? À quoi sers-tu ? À la limite : est-ce que tu existes ? ", à ce moment Dieu se tourne vers nous à travers le visage et la parole d'un homme qui nous dit à tous ; mais, ce matin, à vous particulièrement : " Vous êtes la lumière du monde ! "
Une lanterne vient d'être allumée devant vous et pour vous. Ce sera votre souvenir de caté. Elle illustre cette parole, qui vous est dite : " Vous êtes la lumière du monde !" Attention ! Pas de malentendu ! Dieu n'est pas en train de vous dire : " Face au mal, débrouillez-vous tout seuls, c'est votre problème, vous êtes la lumière du monde. " Jésus ne lâche pas du haut de sa montagne un ordre de marche vous laissant la charge - insurmontable - de réparer le monde !
Non ! Il s'agit d'autre chose. Jésus s'approche avec amitié. Il a confiance, Jésus. Il vous regarde. Il vous connaît. Il reconnaît en vous tout un éventail de possibilités, d'aspirations, de tendresse, d'énergie. Cette énergie qui filtre dans vos passions et vos hobbies : vous aimez rire ; vous faites de la gymnastique, de la musique, du foot, du hockey - le Lausanne Hockey Club est sauvé ! " Vous êtes la lumière du monde ! ", c'est d'abord une parole de bénédiction, une parole qui dit du bien, qui fait du bien.
Elle vous dit : " Vous êtes enfants de Dieu. Vous êtes vivants. Vous êtes porteurs de lumière. Ne la cachez pas, cette lumière ! Ne la recouvrez pas. Laissez-lui jouer son rôle le plus naturel, le plus efficace. Portez-la haut, la lumière. Tels que vous êtes, avec tous les trésors qui sont en vous, qualités et défauts mêlés, car on ne peut jamais séparer les uns des autres. Tels que vous êtes : allez-y ! Et que votre capacité, précieuse, d'indignation et de révolte, par un effet de dynamo, fassent monter le voltage de votre lumière, se transforme en énergie, en projets !"
Un vieux proverbe chinois dit : " Mieux vaut allumer une lumière que de maudire l'obscurité ! " Jésus battrait des mains. Nous pouvons, tous, effectivement, passer beaucoup de temps et consacrer beaucoup d'énergie à nous lamenter sur le monde qui va mal ou à pester contre les injustices. Jésus propose un autre chemin. Il n'explique pas le mystère du mal, du malheur et de l'injustice. Il nous invite. Non à brasser l'air pour chasser les ténèbres, mais à porter haut la lumière que nous sommes, chacun, chacune.
Nous avons vu cette année quelques-unes de ces pistes " lumineuses " :
· Regarde la poutre que tu as dans l'œil, plutôt que la paille dans l'œil du voisin !
· Essaie de casser le cycle de la violence : si on te frappe sur une joue, surprends ton adversaire en tournant vers lui autrement ton visage !
· Sors de l'alternative " rendre coup pour coup ou s'écraser " ; invente une troisième voie ! Le Centre Martin Luther King exprime cela par une jolie formule : " Ni hérisson, ni paillasson ! "
· Par-dessus tout la piste d'un amour qui va jusqu'à rendre le bien pour le mal, à bénir même son ennemi, pas parce qu'au fond il est bien gentil, non ! mais parce que lui aussi est un enfant de Dieu.
Jésus, vous le savez, a été cohérent dans sa vie avec ses paroles : il n'a pas maudit ceux qui le clouaient sur une croix ; il a pardonné ; non par faiblesse, mais au nom de cet amour. C'est là qu'il faut chercher la puissance de Dieu : car il faut être fort pour sortir des ornières de la violence et inventer des voies nouvelles. Cette force-là, c'est d'abord celle de Jésus, mais elle éclaire notre route.
C'est pourquoi Jésus n'a pas dit seulement : " Vous êtes la lumière du monde ! ", il a dit aussi : " Je suis la lumière du monde, et je suis toujours avec vous ! " Ainsi vous ne serez jamais seuls.
Amen !