Les chrétiens ne sont, ici-bas, que les simples témoins humains d’une transcendance qui est l’horizon ultime de tout être et de toute chose.

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Le livre de la Genèse consacre beaucoup de place à l’histoire de Rachel. Au terme d’une récente campagne de fouilles menée en Jordanie, des archéologues ont découvert dans une région aride et inhabitée au sud de la Mer Morte des mines datant de l’âge du bronze. La datation correspond au règne de Salomon dont font état les récits bibliques. Les métaux extraits de ces mines ont peut-être servi à la construction du premier temple de Jérusalem, et il est possible que le chapitre 28 du livre de Job fasse allusion à ces mines légendaires.

Ce qui retient mon attention dans ce passage, c’est la précision étonnante apportée au travail des mineurs et des fondeurs. Beaucoup de détails sont mentionnés: ils creusent des galeries et des canaux, ils se suspendent à des cordes, ils inventent des systèmes d’éclairage, ils fondent la roche pour obtenir des métaux, ils remuent des montagnes de rocher, ils fouillent jusqu’aux limites du possible.
On lit un éloge du savoir-faire métallurgique. L’être humain apparaît comme un héros de la technique. Il amène au jour ce qui est caché en creusant toujours plus profond et il transforme la matière. Il exerce son pouvoir d’explorer et de modifier la nature pour créer un univers à sa mesure.

L’auteur sacré admire donc chez l’homme cette curiosité et cette inventivité qui donneront un jour naissance à la science. A l’époque, cela se réalise dans des savoirs faire. Du savoir-faire à la science, il y a une vraie proximité. Mais l’auteur de Job ne la franchit pas, pour la raison évidente qu’à ce moment-là ce que nous appelons science n’existe pas. S’il avait pu l’entrevoir, nul doute qu’il aurait fait sans hésiter l’éloge de la science.
Car la curiosité de l’esprit humain est manifestement pour lui une merveilleuse qualité. Les hommes accroissent leurs connaissances, réalisent des exploits, bâtissent des merveilles et explorent des mondes nouveaux grâce à leur curiosité et à leur audace.

Puis au verset 12 se produit une rupture de ton : «Et la sagesse, où se trouve-t-elle» ? Ainsi cette curiosité et cette ingéniosité ne conduisent pas forcément à la sagesse. Voire même, l’homme ne connaît pas la voie de la sagesse.
Eh bien, je ne trouve pas de meilleure entrée que ce texte pour caractériser la réalité spirituelle qui nous rassemble ce matin par rapport au domaine de la science.

Dans un premier temps, je tiens à souligner au crayon rouge que les livres bibliques auxquels nous nous référons ne sont à aucun titre des livres de science naturelle.
Prenons l’exemple simple de la médecine. Luc raconte l’histoire de cette femme atteinte d’un flux de sang qui «avait dépensé tout son bien pour les médecins sans qu’aucun ait pu la guérir». Aujourd’hui on dirait plutôt que ceux qui sont mal soignés sont ceux qui n’ont pas accès aux soins médicaux appropriés. De même aujourd’hui Jésus n’aurait pas prononcé sa fameuse sentence : «Qui de vous par ses inquiétudes, peut ajouter une seule coudée à la durée de sa vie ?». On nous conseille au contraire de nous inquiéter pour notre santé par la prévention, l’hygiène, les contrôles, les vaccins etc.… La preuve de l’efficacité de ces conseils est l’allongement de la durée de la vie.

Maintenant, les livres bibliques ne sont pas non plus opposés à l’esprit de la recherche scientifique. Ils ne font pas d’antiscience. C’est de façon fautive qu’ils ont parfois été utilisés contre la recherche scientifique. Mon collègue Roland Benz, pasteur et physicien, a parlé ici-même hier de Galilée, partisan de l’héliocentrisme contre le géocentrisme d’Aristote que le dogme religieux de son siècle croyait à tort soutenu par les récits de la Création.
Pour finir vous le savez, Galilée aura le dernier mot : « La Bible n’enseigne pas comment va le ciel, mais comment on va au ciel ». Tout est dit.

Dans ces conditions, la sagesse, où la trouver ? Nous sommes directement concernés par cette interrogation. Mon texte évoque une sagesse très particulière qui est la sagesse de Dieu. Une sagesse qui n’est pas la science et qui n’est pas l’antiscience non plus. Une sagesse qui répond plutôt à ce besoin d’espérer et de mener une vie juste à quoi chacun aspire. Cette sagesse spéciale, Jacques l’évoque dans son épître. La sagesse vient de Dieu écrit-il, si l’un d’entre vous en manque, qu’il la demande à Dieu. Qu’il plonge son regard dans la loi parfaite (l’apôtre entend par là les Ecritures), il y découvrira son vrai visage comme en un miroir.

On dirait que Jacques a tenu ces propos pour notre temps. Que puis-je espérer ? Comment vivre de façon juste ? Qui suis-je ? Ce sont ces questions de sagesse qui gagnent en intensité en notre siècle, questions auxquelles la science ne répond pas. L’homme contemporain ne sait plus où il en est. Il est aux prises avec un déploiement de puissance sans équivalent dans l’histoire, qui vient du développement exponentiel des sciences et de leurs applications dans tous les domaines. A tel point qu’il se trouve déstabilisé. Il est saisi de vertige mental parce que les progrès scientifiques offrent effectivement des perspectives vertigineuses. En réaction à ce vertige, nous voyons se développer deux attitudes antagonistes et extrêmes.

La première est le discours de l’antiscience qui reproduit l’erreur des censeurs de Galilée. On répète que la science officielle nous ment et que seuls les livres saints ont raison. Reculant devant la complexité des problèmes, on se réfugie dans l’obscurité du dogme. Telle est l’attitude des créationnistes qui ferraillent contre Darwin au nom des premières pages de la Genèse. Telle est l’attitude des fondamentalistes islamiques qui prétendent que Dieu aurait révélé dans le Coran tout un catalogue de vérités scientifiques. Je ne vois là derrière qu’une fuite pathétique devant la modernité.

L’attitude opposée consiste à faire de la science la seule espérance de nos sociétés sans espérance. Un récent courant d’idées, venu du Japon et de Californie, nous promet un avenir radieux au-delà de nos limites actuelles. Ce courant a pour nom le transhumanisme, littéralement l’au-delà de l’humain grâce à la science. Les transhumanistes croient dans l’amélioration de l’espèce humaine par le moyen des sciences appliquées: génétique, intelligence artificielle, neurosciences, nanotechnologies etc.… Nous allons pouvoir transformer nos corps pour les rendre plus résistants, éradiquer les maladies, améliorer les capacités du cerveau, et pourquoi pas repousser loin les frontières de la mort.

Ces deux extrêmes montrent l’étendue de notre désarroi en présence de notre propre démesure. Il y a un déséquilibre croissant entre les avancées scientifiques et le fait de savoir ce que nous allons en faire. Or, justement, la question que pose l’Ecriture n’est pas: « Que t’est-il permis de savoir de science exacte ? » La question que pose l’Ecriture c’est : « Es-tu apte à assumer les responsabilités que tu prends ? »

En tant que chrétiens notre principale préoccupation devrait être la sagesse selon Dieu, qui est la source de toute mesure. Qui es-tu ? Tu es l’enfant bien aimé de Dieu, tu es accepté par Lui sans condition mais rappelles-toi que tu n’es pas Lui. Ne te prends pas pour Lui, tu es mortel et limité. Trouve ton point d’équilibre entre ces deux certitudes. Cela te mettra au niveau des responsabilités que tu prends. C’est pourquoi l’apôtre Jacques enseigne: Contemple-toi dans le miroir de la Parole de Dieu, apprends d’elle qui tu es et tu reprendras la maîtrise de ton destin.

Le plus urgent aujourd’hui n’est-il pas de retrouver le sens de la mesure? La science met des possibilités inouïes à portée de main. Que va-t-on faire de ces possibilités ? La logique du toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort est-elle impérative? Nous avons la puissance certes, encore faut-il ne pas s’en servir n’importe comment. Nous pouvons tout faire, prévoir quarante ans à l’avance et isoler le boson de Higgs, ouvrir le livre du génome humain, reproduire l’énergie du soleil, envoyer des petits robots se promener sur Mars, rendre des moutons phosphorescents - mais au fond dans quel but ? L’écrivain André Malraux a prophétisé ceci : «Notre civilisation actuelle est incapable de construire un temple ou un tombeau. Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale ou elle se décomposera ».

Les chrétiens que nous sommes savent de quel côté se trouve la valeur fondamentale, qui est obligatoirement de nature spirituelle. Mais ils le savent humblement. Ils ne sont ici-bas, au milieu d’une humanité confrontée aux conséquences de son propre génie, que les simples témoins humains d’une transcendance qui est l’horizon ultime de tout être et de toute chose.

Durant le week-end du 15 et 16 juin, la paroisse St-Pierre Fusterie, en collaboration avec la Faculté des sciences de l'Université de Genève, propose de reproduire l'expérience du "Pendule de Foucault", présentée en 1851 au Panthéon de Paris par le physicien français Léon Foucault. Cette expérience scientifique a été conçue pour mettre en évidence la rotation de la Terre par rapport au référentiel galiléen, une notion de physique en hommage à Galilée. Cette expérience a été reproduite à Genève, dans la cathédrale Saint-Pierre, mi-juin 1851, par les savants genevois Marignac, Wartmann père et fils et l'ingénieur Guillaume Henri Dufour, puis en 2001, à l'occasion de la Nuit de la science, par le physicien Bernard Favier.
Pour cette édition 2013 du "Pendule de Foucault". deux jours de manifestation avec lâcher du pendule pour voir tourner la Terre en direct, débats, conférences, visite commentée de la Chapelle des Macchabées, récital d'orgue et culte sur Espace 2.
Dans le cadre de l’expérience du "Pendule de Foucault, le pasteur Vincent Schmid propose une réflexion sur les rapports entre sciences et sagesse. Comment la connaissance humaine s'entrelace-t-elle avec la nécessité de la sagesse?

Détails

Avec la participation de
Liliane Schneiter
Orgue
François Delor
Musique
Ensemble baroque Aurion, sous la direction de Timea Nagy, avec Silvia de Maria, ténor de viole de gambe, Pablo Garrido et Esmé de Vries, basses de viole de gambe, Massimo Pinca, violon, et Timea Nagy, flûte à bec.