Écouter le culte :
Dimanche dernier, nous sommes partis à la recherche du Saint-Esprit qui, selon le récit de la Pentecôte, s’était manifesté de façon extraordinaire aux apôtres, rassemblés dans la chambre haute. Un événement saisissant et qui nous semble pourtant quelque peu irréel et bien loin de notre vie d’église aujourd’hui.
La question telle que posée dimanche dernier reste la même en ce dimanche 22 mai : mais où est donc passé le Saint-Esprit ? Nous essayerons à la suite de différents points d’enquête de boucler cette curieuse affaire au plus vite.
Oui, je le rappelle à vous ce matin, chère assemblée, chères auditrices et chers auditeurs que les églises pentecôtistes et le renouveau charismatique soulignent avec force l’importance d’être baptisés ou revêtus de l’Esprit Saint, de connaître de façon personnelle ce que le texte biblique nomme, une effusion de l’Esprit, qui s’emparerait de la personne toute entière.
Radical, foudroyant !
L’apôtre Paul parle, dans ses écrits, tout simplement de vie dans l’Esprit. Mais qu’est-ce que cela signifie pour nous aujourd’hui ? Encore du patois de Canaan ? Et l’apôtre de rappeler très justement que l’Esprit Saint est comme une source ou une dynamique divine de vie qui ne cesse d’agir en nous depuis le moment où elle nous permet de reconnaître Jésus-Christ, comme Seigneur et Sauveur.
Vivre en Christ, c’est donc exister véritablement selon Lui, sans cesse animé du souffle de l’Esprit. Car il faut le souligner, l’Esprit est la présence et l’action de Dieu en nous et sur nous. Dieu qui veut habiter dans nos cœurs.
Alors attention, vous qui êtes peut-être amateurs de sensations fortes, vous serez servis. Car lorsque l’Esprit Saint est à l’œuvre, on le voit, cela bouleverse nos vies, nos paramètres, nos boussoles. Pas besoin de vivre le saut à l’élastique.
Et ce qui est encore plus fort, c’est que cette expérience chrétienne de l’Esprit a aussi une portée universelle et paradigmatique et le non-chrétien peut aussi très bien faire des expériences de ce type. Nous n’avons pas l’exclusivité.
Une des affirmations les plus essentielles du message des prophètes de l’Ancien Testament, c’est que Dieu veut venir habiter, demeurer en son peuple par l’Esprit Saint et non plus seulement sur la montagne de Sion et le Temple de Jérusalem. Désormais, depuis la résurrection du Christ, Dieu a répandu son Esprit dans les cœurs, en Christ qui accomplit les prophéties messianiques, nous sommes devenus temples ou tabernacles de l’Esprit Saint. Dieu veut établir sa demeure dans le cœur des hommes.
L’Esprit qui est manifestation suprême de l’amour de Dieu nous assure de son immense tendresse, comme un père qui a des entrailles de miséricorde. A la suite de Jésus, nous pouvons l’invoquer comme Père et lui dire : Abba, Papa chéri ! Qu’il est doux pour un père d’entendre ses enfants l’appeler par ses mots pleins de tendresse.
L’Esprit éveille en nous un sentiment de libération et qui se manifeste, en tout premier lieu, comme puissance de réconciliation et d’unification avec soi-même, de guérison intérieure, et c’est notre être tout entier qui est remodelé, guéri peu à peu de ses blessures. Et il y en a dans nos vies.
Libérés, nous pouvons entrer dans cette attitude de louange, de grâce et notre cœur jubile comme celui qui fait face à sa bien-aimée.
L’Esprit ne cesse de guider et d’éclairer les décisions comme les actes des croyants.
Vivre dans l’Esprit, c’est placer chaque journée que Dieu nous donne de vivre dans sa main au travers d’un temps de prière et de méditation.
J’ai eu un exemple assez concret de cette méditation, par un voisin de chez moi à St-Gall, un jeune homme qui, tous les matins, quand il y avait du soleil, se mettait torse nu en face du soleil pour le recevoir et l’adorer. Une image qui m’a touchée, parce que je me disais, « et moi, de quelle manière j’adore mon Dieu ? »
L’Esprit nous donne la force de résister aux forces occultes, car l’être humain est extrêmement vulnérable à toutes les forces d’autodestruction et de mort qui sont à l’œuvre au sein du cosmos comme à l’intérieur de nos vies.
Et ce fait-là, je l’ai aussi côtoyé de nombreuses fois lorsque j’étais aumônier dans une clinique psychiatrique, dont je tairai le nom ce matin, et où j’ai vu tellement de vies bouleversées, torturées par des forces plus grandes que nos forces humaines.
Et l’Esprit nous envoie toujours vers les autres. Il pousse le croyant à vivre toujours plus au service des autres et à témoigner de sa foi jusque dans les circonstances les plus difficiles.
Finalement et non des moindres, l’Esprit remplit le cœur des croyants en une espérance qu’aucune puissance au monde ne saurait lui ravir. L’Esprit nous donne une vision du monde à venir et nous aide à discerner les signes du Règne de Dieu qui vient (Romains 8 :38). Mais l’Esprit ne peut agir en nous que si nous nous disposons nous-mêmes à nous ouvrir tout entier à son action, à l’accueillir dans l’humilité.
Le patriarche Parthenos a prononcé ces mots à l’Assemblée Œcuménique de Canberra en 1991 : la grande fête de l’église, c’est la Pentecôte. C’est le jour de sa naissance, celui où elle entreprend son pèlerinage, prolongement de la Pâques vers le Royaume de Dieu.
L’Église n’a pas d’existence sans la Pentecôte, sans le Saint-Esprit.
L’Église cette communauté, cette kononia, est composée d’hommes, de femmes et d’enfants bien réels, en chair et en os avec leurs joies et leurs peines, leurs qualités, leurs travers, leurs ambitions et leurs moments de grâce. Une grande famille à l’image de notre Église française de Saint-Gall.
Une Église qui enseigne, qui célèbre la vie et qui témoigne de la vie en Christ.
Bonhoeffer écrira en captivité :
« L’Église n’est l’Église que lorsqu’elle existe pour les autres. D’abord, elle doit donner aux indigents tout ce qu’elle possède (…), elle aura à parler de mesure, d’authenticité, de confiance, de patience, etc. »
Nous sommes appelés à être des signes ou des paraboles du Royaume qui vient, des témoins ou des annonciateurs de la nouvelle création d’un monde où la justice, la paix, l’égalité régneront entre tous et nous y croyons.
Une église ancrée profondément dans le monde, car il n’y a pas de mission sans dialogue. Une église attentive aux signes des temps dans une société en pleine mutation où tout change si rapidement. Une société qui se cherche.
Oui, l’Esprit se répandra dans le monde entier, tel que le rappelle le prophète Ésaïe au chapitre 11. Cette perspective universaliste se retrouve dans le texte de l’Ancien Testament, au travers des promesses de Yahvé faites déjà à Abraham, à Jonas, aux auteurs des Psaumes entre autres et le livre des Actes des apôtres qui raconte successivement la Pentecôte juive, celle des samaritains et encore celle des païens avec Corneille. Même perspective avec les épîtres pauliennes et jusqu’au livre de l’Apocalypse. Quel chemin !
Jésus, dans ses paraboles sur le Royaume de Dieu et le jugement dernier, n’insiste pas moins sur cette vision universaliste de l’action de Dieu. Et ironie suprême de l’Évangile : ce ne sont pas ceux qui disent à Jésus : « Seigneur, Seigneur » qui entreront dans le Royaume, mais bien plutôt tous ceux et toutes celles qui se sont laissés inspirer par son amour.
Cette Pentecôte universelle et qui fait fit de toutes race, de toutes classes sociales pour se répandre comme une trainée de poudre partout où des hommes, des femmes et des enfants sont prêts à l’accueillir et à lui ouvrir les portes de leurs cœurs.
Vivre de l’Esprit, souffle de Dieu, c’est bien selon le Nouveau Testament vivre déjà dans l’anticipation des derniers temps, de cette réalité dernière que la Bible nomme le Royaume de Dieu.
Alors aujourd’hui, chère assemblée, chères auditrices, chers auditeurs, où en sommes-nous ? Peut-être, et c’est là mon espoir, vivons-nous déjà, un peu sans trop le comprendre, du souffle qui purifie, qui fortifie et qui guide nos existences respectives ? Peut-être qu’Il n’est pas si loin de nos églises et que nous avons besoin de changer notre regard sur ce qui se passe autour de nous et en nous.
Peut-être qu’en effectuant les analyses ADN nécessaires pourrons-nous tirer les conclusions de notre enquête ? C’est alors, peut-être, que nous deviendrons les nouveaux experts, non pas ceux de Miami ou de Manhattan, mais ceux et celles qui oeuvrent dans nos églises respectives et, au bout du compte, nous découvrirons que dans notre petite communauté de foi, des hommes, des femmes et des enfants partagent cet amour inconditionnel pour le Dieu de la vie.
Peut-être, peut-être… c’est comme une nouvelle parabole, cette enquête ne nous donnera pas toutes les réponses souhaitées. A nous de les chercher. Tout reste ouvert et à redécouvrir, portés par notre foi et notre espérance.
« Le monde est plein de merveilles, de mystères splendides et redoutables. Et la petite main de l’homme se pose sur ses yeux pour voiler la frémissante lumière. » dira le rabbin Baal Chem Tov.
Laissons cette lumière éclater autour de nous et que nos yeux découvrent, jour après jour, avec encore plus de force, les merveilles de Dieu.
Amen.