Mais où donc est passée la joie !

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Aujourd’hui j’avais envie de vous faire un cadeau ! Je vous ai amené du piment ! Notre cuisine vaudoise en manque. La cuisine, lorsque l’on voyage c’est important ! Au Bénin, les jeunes du chœur de l’EERV ont goûté à beaucoup de plats de chez vous !
o de l’acassa
o de l’agoun
o du télibo
o des ananas du pays
o de la noix de coco.
Mais, chers amis, chers frères et sœur, il y a une chose que nous avons savourée au Bénin et dont on ne se passe plus. Quelque chose qui a laissé en nous un goût encore plus persistant et plus prononcé que le piment. Je veux parler de la joie !
Ah la joie ! Est-ce bien raisonnable d’en parler en ces temps de crise ? Peut-on prononcer ce mot, en ces temps où résonnent autour de nous d’autres mots plus graves et plus lourds : licenciements, chômage, récession, pauvreté.
Et puis, entre nous, la joie franchement ce n’est pas vraiment notre marque de fabrique à nous protestants ! Nous sommes plus doués pour le sérieux, une certaine gravité ! Bien sûr nous devons revendiquer notre côté réfléchi et parfois austère. Il est important que des hommes et des femmes dans ce monde au nom de leur foi continuent à dénoncer les injustices, les misères et la pesanteur de ce monde, loin de toute désinvolture et insouciance.
Mais il faut aussi le dire, cette conscience réformée aiguisée ne nous aide pas vraiment à témoigner de la joie qui naît du salut offert en Jésus-Christ.
Ah la joie ! Dans l’Evangile, la joie apparaît là où on ne l’attend pas : au cœur même du tragique de l’existence. Tenez, dans l’évangile de Jean, Jésus évoque la joie avec ses disciples alors qu’il est à la veille de mourir en croix. Et que dire de Paul qui, dans son épître aux Phillipiens, cite de nombreuses fois « la joie » alors même qu’il est en prison. J’en suis conscient : il suffit de prononcer ce mot « joie » pour mesurer ce qui souvent nous en sépare.
Comment peut-on être dans la joie alors que la maladie cruelle s’invite sans crier gare ? Comment peut-on être dans la joie alors que la mort d’un être cher nous a meurtris et blessés au point que nous pensons que la joie n’est plus faite pour nous ?
Et que dire du quotidien qui est parfois si désolant ? Au travail, au bureau, dans le foyer, voilà que naît une tension, un conflit, une déchirure. Entre soucis, préoccupations, inquiétudes, découragement, le quotidien, ce n’est pas toujours la joie !
Nous le savons : en Occidentaux, nous avons tout ! Mais, paradoxalement, nous sommes des familiers de l’insatisfaction. Des coutumiers de l’inquiétude. Des habitués de l’amertume.

Mais où donc est la joie ! La question vaut même dans l’église ! Dans mon église, où il est de bon ton d’être aigri contre ceux et celles qui détiennent de l’autorité. Dans mon église, où l’on aime à se complaire dans un esprit critique et une nostalgie chagrine. Mais où donc est passée la joie !
Attention, je parle bien ici de la joie. Non pas de ce sentiment si agréable qu’est la gaieté ou l’allégresse. Nous pouvons rechercher la gaieté ! Nous pouvons poursuivre l’allégresse, la jouissance, le plaisir. Et si la joie nous manque, nous pouvons encore opter pour l’ivresse.
Bien sûr, certains parmi nous sont de nature optimiste, sereine, d’autres plus graves. Bien sûr nous pouvons faire des efforts pour être souriant, aimable, heureux. Mais la joie est d’une tout autre nature que la gaieté. La joie, ce n’est pas un sentiment, ce n’est pas une sensation. Et la joie ne sera jamais le fruit de nos efforts ! La joie est un état intérieur que l’on ne maîtrise pas et dont on ne peut que s’émerveiller lorsqu’on la reçoit.

Et comment la joie vient-elle au cœur humain, me direz-vous ! La joie naît au moment même où nous découvrons que nous n’appartenons pas à nous-mêmes, mais à Dieu. En Occident, nous sommes obsédés par le désir de nous appartenir à nous-mêmes. Nous cherchons à nous distinguer les uns des autres, à nous façonner notre propre identité. A ce jeu là, nous nous épuisons.
Alors, quel soulagement ! Quelle libération lorsque nous découvrons que nous appartenons à Dieu ! Soit que nous vivions, soit que nous mourrions, nous appartenons au Seigneur ! C’est à Dieu que tu appartiens, voilà la source de ta joie !
Mes sœurs, mes frères du Bénin, en vous côtoyant chez vous et ici, c’est une réalité que j’ai ressentie profondément en moi. Nous n’appartenons pas d’abord au chœur des jeunes de l’EERV, ni à la Grande Chorale de Godomey. Nous n’appartenons pas d’abord à une paroisse. Nous n’appartenons pas d’abord à un pays, mais à Dieu.
Ensemble nous appartenons au mystérieux peuple de Dieu qui dépasse les frontières de toutes nos appartenances et de toutes nos identités. Et je loue Dieu pour la rencontre et cet échange qu’il nous a donné de vivre. Ensemble, Dieu nous donne de goûter et savourer la joie d’appartenir à l’Eglise universelle en qui nous sommes faits frères et sœurs.

Alors à vous, mes frères et sœurs vaudois, résistons à la tentation de nous replier sur nous-mêmes. A l’ombre de nos clochers. Dans les frontières de nos paroisses et de nos églises. Car c’est dans le repli que rétrécissent les esprits et que macèrent les sentiments d’amertume et d’aigreur.
Soit que nous vivions, soit que nous mourrions, nous appartenons au Seigneur ! Voilà la source de toute joie. Une joie que personne ne nous ravira ! Merci de nous l’avoir rappelé, mon cher frère Esaïe et vous tous qui êtes ici « Je suis dans la joie ! »

Nyse (amen en langue locale du Bénin) ! Alleluia ! Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Anne-Caroline Traube Prénat
Musique
Grande chorale de Godomey & Chorale des Jeunes de l'EERV