Écouter le culte :
Un certain nombre d'Eglises alémaniques, dont l'Eglise d'Argovie à laquelle nous sommes rattachés, lancent ces jours-ci une campagne de communication originale, une sorte de « loterie d'Eglise », Kirchenglückspiel avec des affiches colorées et des coupons de jeux à gratter. Les gagnants peuvent aller sur Internet pour voir ce qu'ils ont gagné et là, ils auront une surprise liée peut-être à une certaine dose de déception s'ils s'attendaient à des gains faramineux. Leur gain leur permettra en effet de financer un certain nombre de lieux ou d'actions d'Eglises qui procurent un peu plus de bonheur à certaines personnes fragilisées de notre société.
Ils découvriront alors que l'Eglise peut aussi être, au sens propre, un « porte-bonheur » ! Cette campagne joue sur le double sens du mot Glück : la chance et le bonheur. Le bonheur dépend-il simplement de circonstances extérieures ? de la chance ? ou est-il une réalité intérieure à laquelle nous pouvons travailler ? Nous sommes donc invités, par-delà l'effet de surprise, à une réflexion plus profonde sur ce qu'est le bonheur pour chacun de nous, qu'est-ce qui me rend heureux dans ma vie ? Qu'est-ce qui fait que ma vie est accomplie ?
L'Eglise porte-bonheur ! Cette campagne s'adresse surtout à des personnes qui ont pris leur distance vis-à-vis de l'Eglise et il y aura déjà certainement un premier étonnement : comment peut-on lier Eglise et bonheur ? Beaucoup de nos contemporains ont une image plutôt négative du christianisme : certains philosophes à la mode surfent d'ailleurs sur cette image en caricaturant une religion culpabilisante et pesante, qui met l'accent sur le péché, une religion qui propose certes peut-être le bonheur, mais un bonheur si lointain, dans l'au-delà et au prix d'une fuite des plaisirs de ce monde. Pour beaucoup, le christianisme est plutôt un porte-malheur qui assombrit l'existence et spontanément, les personnes en quête du bonheur dans la vie spirituelle se tournent plutôt vers le bouddhisme ou les religions orientales que vers la foi chrétienne.
Si cette campagne peut permettre à certains de modifier l'image qu'ils ont de la foi chrétienne, ce serait déjà une réussite ! Mais cette campagne peut aussi toucher les croyants convaincus, les membres d'Eglise, au sujet de leur témoignage ! Car l'Eglise porte-bonheur, ce n'est pas qu'un slogan dans l'air du temps, mais c'est vraiment au cœur de notre foi. Nous nous réclamons de l'Evangile - littéralement d'une bonne nouvelle ! ou plutôt, avec un sens plus fort, d'une Nouvelle qui fait du bien, qui procure le bonheur. Est-ce que l'Eglise, les croyants, nous, avons vraiment été ces porte-bonheur autour de nous ? Si l'image du christianisme est souvent négative, c'est aussi parce que nous n'avons pas toujours su vivre de l'Evangile, de cette Bonne Nouvelle, que nous n'avons pas simplement été heureux, d'un bonheur contagieux !
Au cœur de l'évangile, il y a le fameux « sermon sur la montagne » de Jésus, dont nous avons entendu quelques extraits et qui constitue comme une charte du bonheur pour ceux qui souhaitent marcher à la suite du Christ. Jésus enseigne à ses disciples un véritable art du bonheur. Il leur donne le secret d'une vie heureuse. Ce n'est pas étonnant si ce sermon s'ouvre par les béatitudes – ces promesses de bonheur adressées aux pauvres en esprit, aux doux, aux miséricordieux, mais aussi à ceux qui pleurent ou qui sont persécutés pour la justice.
Le bonheur proposé par Jésus ne correspond pas forcément à notre image du bonheur ou à celle qui est véhiculée par notre société. Le bonheur, ce n'est pas une vie en rose, une vie sans épreuves, mais c'est un bonheur paradoxal qui est capable d'intégrer aussi tout le négatif de la vie, un bonheur « malgré tout », une attitude qui permet de traverser les épreuves. Puis le sermon se poursuit avec deux appels du Christ : Ne vous inquiétez pas et ne jugez pas ! Le non-souci et le non-jugement sont les voies qui nous permettent d'être heureux. Aujourd'hui, nous allons nous arrêter sur ce non-souci, dans 15 jours, dans un autre culte radiodiffusé, nous développerons le non-jugement !
« Ne vous inquiétez pas » nous dit donc Jésus, voilà qui peut sonner curieusement à nos oreilles d'hommes et de femmes naturellement inquiets – à juste titre inquiets ! Nous entendons chaque jour des informations inquiétantes : la crise économique, les dettes des pays européens, tout cela a des effets sur nos vies. Inquiétude pour nos retraites peu assurées, inquiétude des plus jeunes par rapport à leur avenir, mais nos soucis ne sont pas seulement d'ordre matériel ou égoïste, il y a les soucis que nous nous faisons pour notre santé ou pour celle de nos proches, pour la marche du monde ou l'état de notre planète. Comment cette invitation à une certaine forme d'insouciance peut être reçue par une mère de famille qui élève seule ses enfants, n'a pas de quoi boucler la fin du mois et doit faire appel aux Cartons du cœur pour simplement survivre? Une telle exhortation n'est-elle pas indécente?
Il ne faut surtout pas entendre cet appel de Jésus comme un simple conseil consolateur à bon marché : « Allez, c'est pas si grave, t'inquiète… » , ni comme un ordre moralisateur qui n'aurait pour effet que de culpabiliser celui qui n'arrive pas à ne pas s'inquiéter et ainsi de redoubler son malheur. Tous ces il faut, tu dois, y a qu'à totalement déprimants ! Mais plutôt comme une offre d'une possibilité de vie différente et nouvelle : « Tu peux, en communion avec Dieu, vivre délivré du poids du souci qui ronge ta vie et amoindrit ton bonheur ».
Jésus propose cette attitude de non-inquiétude comme un chemin vers une plénitude de vie, un bonheur qui est destiné à tous, indépendamment des circonstances extérieures ! Il nous propose une forme d'insouciance, de dépréoccupation de soi, de détachement (vocabulaire spiritualité) ou de lâcher-prise qui nous permettent de nous alléger de tous les fardeaux pesants que nous traînons sur nos chemins de vie.
Jésus pose d'abord un diagnostic sur ce qui fait que nous nous rendons si souvent malheureux par nous-mêmes : il parle des trésors fragiles que l'on cherche à accumuler sur la terre ou de notre asservissement à Mamon, au Dieu Argent !
On croit spontanément que plus on a d'argent, de biens, de pouvoir, plus on peut être heureux ! Jésus lui nous révèle un mécanisme qui fait que nous devenons, le plus souvent sans en être conscients, esclaves de ce que nous accumulons pour avoir une maîtrise de nos vies. En fait, à l'origine du phénomène de l'inquiétude il y a une très grande insécurité qui nous pousse à nous rassurer par l'accumulation de biens matériels, de prestige aux yeux des autres, d'assurances de toutes sortes qui en viennent à prendre toute la place dans nos vies et qui loin de nous libérer du souci le démultiplient et créent une inquiétude perpétuelle.
Cette volonté de maîtrise nous pousse aussi à tout planifier pour l'avenir et nous crispe dans la peur ou l'angoisse de perdre ce à quoi nous attachons tant d'importance. C'est ainsi que nous créons notre propre malheur: lorsque nous nous agrippons à l'avoir (les trésors terrestres), au paraître (cf. les versets sur l'hypocrisie religieuse), au faire, comme si nous pouvions fabriquer nos vies par la force de nos bras. A trop vouloir courir après le bonheur, comme s'il dépendait de nous, nous provoquons l'inverse : nous faisons notre malheur. Voilà le diagnostic !
Mais si Jésus pose ce diagnostic, c'est bien pour nous aider à sortir de ce mécanisme mortifère ! Si notre malheur vient de ce que nous cherchons à avoir la maîtrise de nos vies en accumulant des biens pour combler une insécurité fondamentale, ce qui ne fait que générer les soucis, alors le bonheur ne peut venir que par une décrispation, une démaîtrise, un lâcher prise ! Une acceptation de notre fragilité humaine, de notre manque que nous ne cherchons pas à combler artificiellement : "Françoise Dolto traduit la première béatitude par Quel bonheur pour ceux qui sont en manque jusqu'au fond du coeur, oui, il est à eux le Royaume des cieux !
Mais cela n'est possible aux yeux de Jésus que par une attitude de confiance fondamentale en un Dieu Père, et non tyran ! un Père aimant qui veut notre bonheur et qui sait ce dont nous avons besoin ! Un Dieu généreux qui nous donne au jour le jour ce qui nous est nécessaire sans que nous ayons besoin de capitaliser pour le lendemain.
Au lieu de l'avoir, du paraître et du faire, Jésus nous propose de vivre dans l'être. Cela peut sonner comme tant de manuels de développement personnel en vogue, mais je crois qu'on rejoint ce qui est au centre de l'évangile : la grâce ! Un mot qui n'est plus guère compris de nos jours, même dans l'Eglise, peut-être parce qu'on l'entend trop au sens juridique, alors qu'on oublie qu'il signifie simplement la gratuité, le don, le cadeau !
Voilà le secret du bonheur pour Jésus: Nous pouvons recevoir notre être, nos vies et par surcroît tous les biens qui nous sont nécessaires comme autant de cadeaux des mains de notre Créateur ! Des dons gratuits, sans que nous ayons à les chercher ou à les mériter, à la manière des oiseaux du ciel, des lys des champs qui sont là simplement pour témoigner de la gratuité de l'existence et de l'infinie largesse de la Providence divine ! Des oiseaux, des fleurs qui sont sans pourquoi, comme la rose du poète mystique Angelus Silesius : « La rose est sans pourquoi ; elle fleurit parce qu'elle fleurit, n'a souci d'elle-même, ne cherche pas si on la voit. »
Recevoir sa vie des mains du Créateur, goûter à la gratuité de l'existence, voilà le bonheur ! On peut alors vivre dans la sécurité sans chercher à maîtriser sa vie, dans une confiance fondamentale qui s'affermit de jour en jour. Cette grâce se renouvelle chaque jour, comme la manne dans l'Ancien Testament, c'est pourquoi, nous pouvons aussi vivre dans le jour présent et non dans le souci perpétuel du lendemain. La confiance en Dieu nous conduit alors à confier nos vies entre ses mains, là aussi une forme de lâcher-prise. Nous ne fixons plus l'avenir, nous cessons de vouloir le modeler ou le forcer de correspondre à nos attentes.
Au lieu d'être rongés par le souci, nous nous laissons portés par l'espérance que « nos temps sont dans la main de Dieu » comme le chante le Psalmiste. Au lieu de projeter nos angoisses sur l'avenir, nous pouvons entrer dans le dialogue et vivre la demande, ce que dit Paul aux Philippiens : « Ne soyez inquiets de rien, mais en toute occasion, par la prière et la supplication accompagnée d'actions de grâces, faites connaître vos demandes à Dieu. » Il y a là un échange, au sein d'une relation, faite de reconnaissance pour les dons reçus et de demande confiante pour nos besoins, dans une attitude de dépendance en un Dieu paternel et généreux!
La question peut encore demeurer : un tel bonheur n'est-il pas au fond bien égoïste ? Cette insouciance ne risque-t-elle pas de conduire à l'indifférence à l'égard des malheurs d'autrui ? Ce lâcher-prise n'est-il pas une fuite de notre monde et de nos responsabilités ? En fait, si nous pouvons nous dépréoccuper de nous-mêmes, si nous pouvons cesser de nous agripper à nos soucis, c'est pour faire de la place en nos cœurs pour les autres; si nous pouvons vivre sans inquiétude, c'est pour entrer dans le projet de Dieu pour le monde : « Cherchez d'abord le Royaume et sa justice… » Nous pouvons alors vivre décentrés de nous-mêmes pour nous ouvrir à Dieu et aux autres qui surviennent sur nos chemins, comme Jésus lui-même l'a vécu tout au long de sa vie.
L'Eglise porte-bonheur ? Cela sera plus qu'un slogan le temps d'une campagne de communication, si je peux me recevoir comme un cadeau de Dieu et devenir à mon tour un porte-bonheur pour ceux qui partagent ou croisent mon chemin. Amen !
ds-moi, Seigneur, à dire merci
Merci pour le pain, le vent, la terre et l'eau.
Merci pour la musique et pour le silence.
Merci pour le miracle de chaque nouveau jour.
Merci pour les gestes et les mots de tendresse.
Merci pour les rires et les sourires.
Merci pour tout ce qui m'aide à vivre
malgré les souffrances et les détresses.
Merci à tous ceux que j'aime et qui m'aiment.
Et que ces mille mercis
se transforment en une immense action de grâces
quand je me tourne vers Toi,
la source de toute grâce
et le rocher de ma vie.
Merci pour ton amour sans limite.
Merci pour la paix qui vient de Toi.
Merci pour les frères et sœurs que je rencontre dans ton Eglise.
Merci pour la liberté que Tu nous donnes.
Avec mes frères et soeurs je proclame ta louange
pour notre vie qui est entre tes mains,
pour nos âmes qui Te sont confiées,
pour les bienfaits dont Tu nous combles
et que nous ne savons pas toujours voir.
Dieu bon et miséricordieux,
que ton nom soit béni à jamais.
Amen !
(Jean-Pierre Dubois-Dumée)
Confession :
Seigneur, nous déposons devant toi tous nos soucis, afin que tu t'en préoccupes;
notre inquiétude, afin que tu l'apaises;
nos espoirs et nos voeux afin que soit faite ta volonté et non la nôtre;
nos péchés afin que tu les pardonnes;
nos pensées afin que tu les purifies;
toute notre vie terrestre afin que tu la conduises à la résurrection et à la vie éternelle
Amen
(Karl Barth)
Paroles de grâces :
Que rien ne te trouble,
Que rien ne t'effraie.
Tout passe. Dieu ne change pas.
La patience obtient tout.
Celui qui a Dieu ne manque de rien.
Dieu seul suffit!
Que rien ne te trouble,
Que rien ne t'effraie.
(Ste Thérèse d'Avila)
Prière d'illumination :
Alors qu'il ne semblait n'y avoir aucun espoir
j'ai discerné ta lumière dans les yeux d'un enfant.
Alors qu'il semblait n'y avoir aucune joie
j'ai perçu ton timbre dans la voix d'un ami.
Quand la vie semblait se décomposer,
j'ai ressenti la douceur d'un rayon de soleil sur ma peau.
Ouvre tous mes sens à ta Présence
afin que je t'aime et sois attentif à toi en toutes choses.
Amen
(Newell, prières celtiques)
Exhortation finale :
Prends cette gorgée de vie
Mon frère, ma sœur, n’aie pas peur.
Aujourd’hui, prends cette journée qui commence.
Prends cette journée comme tu prendrais un verre d’eau que quelqu’un que tu ne connais pas aurait préparé pour toi, sur la table, pour ton réveil.
Prends cette journée de vie.
Elle est là, devant toi. Prends-la même si tu ne sais pas pourquoi on te l’offre. Prends-la sans te l’expliquer. Prends-la sans honte. Prends-la avec reconnaissance. Elle est là, à ta portée, pour toi.
Elle t’attend. L’amour de Dieu est venu te l’apporter, sur la pointe des pieds. L’amour de Dieu te l’a laissée, là, devant toi, pour toi. Prends-la sans crainte.
Tu ne la prends à personne. Elle vient de la fontaine de la vie. L’eau de la fontaine, elle coule pour tous. L’eau de la fontaine, elle coule pour toi. L’eau de la fontaine, elle coule pour rien si tu ne la bois pas.
Mon frère, ma sœur, aujourd’hui encore, prends cette gorgée de ta vie, prends-la et dis seulement : Amen et merci.
(Alain Houziaux)